Les voyageuses et voyageurs fatigués, éreintés par la pandémie et irrités par les restrictions et autres règles versatiles pour voyager, n'arrivent pas toujours à garder leur calme. Sur les plateformes de streaming, les vidéos de pugilats et de tensions extrêmes lors de vols sont de plus en plus nombreuses.
Depuis le début de l'année, l'Autorité fédérale de l'aviation américaine (FAA) a signalé plus de 3420 cas de personnes "indisciplinées", dont plusieurs centaines ont dégénéré au point de nécessiter une enquête. A titre de comparaison, ce chiffre est supérieur au cumul des problèmes de comportements lors des quatre années qui ont précédé la pandémie.
Selon la FAA, 75% des comportements violents ayant donné lieu à une plainte sur un vol américain ont pour origine le refus du port du masque à bord de l'avion.
Alcool banni et tolérance zéro
Interrogé sur CBS, Paul Hartshorn Jr., steward chez American Airlines, confie que la situation est hors de contrôle. "La peur est palpable parmi le personnel de bord. Le refus de porter le masque en est la cause numéro une et la plupart des incidents sont exacerbés par la consommation d'alcool", constate-t-il.
Certaines compagnies d'aviation ont décidé de ne plus servir d'alcool sur leurs lignes jusqu'à nouvel ordre.
De son côté, la FAA a choisi de sortir l'artillerie lourde contre les passagères et passagers surexcités, annonçant mettre en place une politique de tolérance zéro.
"Selon la loi, vous devez impérativement suivre les consignes du personnel navigant. Les passagers qui ne le font pas s'exposent à des peines très importantes qui peuvent inclure de lourdes amendes, voire de la prison ferme. L'avion est le moyen de transport le plus sûr et nous avons bien l'intention qu'il le reste", explique Steve Dickson, administrateur de la FAA, dans l'émission Tout un monde.
Le montant total des amendes prononcées depuis le début de l'année atteint des records. Exemple en février sur un vol Jet Blue entre la République dominicaine et New York, qui a dû faire demi-tour: un passager qui refusait de porter le masque a fini par jeter une bouteille d'alcool vide et de la nourriture sur un agent de bord, dont il avait préalablement frappé le bras. Résultat: une amende de 32'750 dollars.
Tension aussi en Suisse et en Europe
Le problème des comportements violents lors des vols n'arrive pas qu'aux Etats-Unis. En Europe et en Suisse, la tension des passagers est aussi exacerbée par la pandémie.
Selon le service de communication de l'Aéroport de Genève, des crispations autour du masque et des contrôles Covid se sont fait ressentir à Cointrin.
Le porte-parole de la police genevoise Alexandre Brahier le confirme, même si cela semble moins problématique sous nos latitudes.
"On sent que les passagers sont anxieux au départ, comme chaque pays modifie les conditions d'entrée régulièrement. Il arrive que des passagers se présentent à l'enregistrement avec des tests non valides, mais ça reste assez rare. Nous n'intervenons pas plus qu'avant", constate Alexandre Brahier.
Une partie des populations que l'on transporte a appris à avoir peur les uns des autres
Porte-parole du syndicat suisse des pilotes Aeropers, Marc Vionnet n'est pas vraiment surpris par ces comportements inadaptés. "C'est à l'image de ce que l'on trouve dans notre société. Une partie des populations que l'on transporte a appris à avoir peur les uns des autres. Lorsque vous mettez plus de 300 personnes dans un avion, ces peurs peuvent ressurgir", estime-t-il, soulignant l'importance des compétences humaines du personnel de bord.
Dès lors, comment faire baisser la tension? Pour Nicolas Paulissen, délégué général de l'Union des aéroports français, la piste pourrait venir des compagnies aériennes: "Certaines ont lancé des dispositifs qui permettent des contrôles sanitaires avant l'arrivée à l'aéroport. La réponse réside peut-être plutôt dans les solutions offertes aux voyageurs que dans une interdiction de la vente d'alcool."
Commandant de bord tout puissant
Quoi qu'il en soit, la Convention de Tokyo prévoit que le commandant de bord peut prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du vol, y compris maîtriser et ligoter un passager trop violent.
Il peut également décider de détourner le vol et atterrir au plus vite pour le faire débarquer et le livrer aux forces de l'ordre. La compagnie peut ensuite se retourner financièrement contre ce passager, voire le bannir.
Le coût d'un atterrissage d'urgence de long courrier est estimé en moyenne a plus d'une centaine de milliers de dollars.
Benjamin Luis
Adaptation web: Jérémie Favre