Ce coup de théâtre ébranle la jeune démocratie tunisienne, qui fonctionne depuis l'adoption en 2014 d'une Constitution de compromis selon un système parlementaire mixte, dans lequel le président a comme prérogatives la diplomatie et la sécurité.
Plus tôt dans la journée, des manifestations s'étaient déroulées dans plusieurs villes pour demander la démission du gouvernement, les contestataires ciblant particulièrement le parti islamiste modéré Ennahdha.
"Selon la Constitution, j'ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l'Etat et le peuple tunisien, a déclaré Kais Saied à l'issue d'une réunion d'urgence au Palais de Carthage avec des responsables de forces de sécurité. "Nous traversons des moments très délicats dans l'histoire de la Tunisie", a ajouté le chef de l'Etat, engagé depuis des mois dans un bras de fer avec le parti Ennahdha.
Manifestations de joie
Il a indiqué qu'il exercerait le pouvoir exécutif avec l'aide d'un nouveau premier ministre. Après cette annonce, des foules de Tunisiens sont descendues dans les rues de la capitale pour exprimer leur joie, en chantant et au son des klaxons, rappelant des scènes aperçues lors de la révolution de 2011 qui a provoqué une réforme démocratique dans le pays et un mouvement de contestation dans d'autres pays arabes.
De son côté, Ennahdha a fustigé "un coup d'Etat contre la révolution et contre la Constitution", dans un communiqué publié sur sa page Facebook. La formation islamiste a souligné que ses partisans ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution.
agences/br
Tensions autour du Parlement à Tunis
Le président du Parlement tunisien, Rached Ghannouchi, observait un sit-in devant la chambre lundi matin à Tunis, après avoir été empêché d'y accéder par des forces militaires, au lendemain du gel des travaux de l'Assemblée par le président Kais Saied, a constaté l'AFP.
Quelques centaines de partisans du président tunisien Saied étaient également rassemblés devant le Parlement. Ils lançaient des slogans hostiles au parti d'inspiration islamiste Ennahdha, principal parti parlementaire dirigé par Rached Ghannouchi. Ils empêchaient également des partisans de ce mouvement de s'approcher de l'Assemblée.
Les deux camps ont échangé des jets de pierres et de bouteilles, a constaté un photographe de l'AFP.
Ennahdha, plus importante force politique du Parlement
Banni avant la révolution de 2011, Ennahdha n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis lors, s'affirmant comme un membre incontournable des différentes coalitions gouvernementales.
Son chef de file, Rached Ghannouchi, qui est aussi le "speaker" du Parlement, a dénoncé immédiatement la décision de Kais Saied comme un "putsch contre la révolution et la Constitution".
L'opinion publique tunisienne est exaspérée par les conflits entre partis au Parlement et par le bras de fer entre le chef du Parlement et le président. Elle dénonce aussi le manque d'anticipation du gouvernement face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d'oxygène et l'un des pires taux de mortalité (18'000 morts pour 12 millions d'habitants).