Sur une baie de l'île touristique de Leros, une montagne de containers s'élève dans ce qui sera bientôt un nouveau centre d'accueil. Ce dernier pourra accueillir jusqu'à 1800 personnes et représente déjà une construction qui fait la fierté des autorités grecques.
"C'est comme construire une toute petite ville. Chaque quartier sera doté des mêmes services: de grands restaurants, des terrains de football et de basket, des logements et des équipements communs. Nous avons affaire à une population a priori vulnérable qui ne comprend pas ce qu'il se passe autour d'elle. Nous allons donc aussi améliorer la sécurité, avec des caméras et des barrières", explique Emmanuel Logothetis, secrétaire d'Etat grec à l'accueil des demandeurs d'asile.
Mais cette vision idyllique, tous ne la partagent pas. Financé à hauteur de 26 millions par l'Union européenne, ce centre inquiète de nombreuses ONG, qui n'hésitent pas à le qualifier de prison.
"Nous sommes très inquiets de ce camp qui est en construction, surtout parce qu'il coupe les gens de la communauté. En tant que centre, nous devons favoriser les liens étroits entre les réfugiés et la communauté de Leros", juge Vassiliki Liaptsi, coordinatrice de l'école LEDU de l'ONG d'aide aux réfugiés ARSIS.
"Nous ne rêvions pas de ça"
Actuellement, l'île de Leros ne compte qu'une centaine de demandeurs d'asile. Parmi eux, Hani, un père de famille syrien qui est bloqué ici depuis 2019. Aujourd'hui libre de ses mouvements sur l'île, il pourrait se retrouver bloqué dans le nouveau camp.
"Nous ne rêvions pas de cela, ce n'est pas pour ça que nous sommes venus en Europe. J'espère que les autorités locales ou l'Etat grec seront bienveillants à notre égard et à l'égard de nos enfants", s'inquiète-t-il.
"Les réfugiés vont s'entasser ici"
La mairie de Leros est elle-aussi fermement opposé à ce camp. Elle craint qu'il ne devienne une impasse pour les réfugiés et que les transferts se multiplient depuis d'autres îles grecques. Il y a une semaine, 41 demandeurs d'asile ayant débarqué à Santorin, à 300 kilomètres, ont par exemple été conduits à Leros.
"Dans ce camp de réfugiés et de migrants, il y aura aussi un centre de détention dit de "prédéparts", pour les personnes déboutées, c'est-à-dire une prison. Les réfugiés vont s'entasser ici car nous savons que l'accord sur les retours et les déportations vers la Turquie ne fonctionne pas", explique Ichalis Kolis, maire de l'île.
Car dans les faits, si depuis 2016, une entente avec l'UE oblige théoriquement Ankara à accueillir les réfugiés déboutés par la Grèce, la Turquie refuse désormais tout retour.
Elisa Perrigueur/ther