Carl Levin luttait contre un cancer du poumon, un diagnostic qu'il a révélé dans ses mémoires publiées en mars de cette année. Il est décédé à l'hôpital Henry Ford de Detroit, entouré de ses proches, selon le porte-parole de la famille Jim Townsend, directeur du Levin Center de la faculté de droit de la Wayne State University.
Levin est né à Détroit le 28 juin 1934. Après la faculté de droit de Harvard, il a travaillé comme avocat des droits civiques et défenseur public avant d'être élu au conseil municipal de Détroit en 1969. Il a ensuite été président du conseil avant de se présenter au Sénat.
Connu pour son apparence froissée et son esprit vif, il était le plus ancien sénateur du Michigan, élu pour six mandats consécutifs de six ans à partir de 1978, lorsqu'il a battu un républicain sortant.
Contre le secret bancaire
Carl Levin avait mené la fronde politique contre le secret bancaire et les banques suisses dans les années 2010. Après s'être attaqué à UBS, il avait aussi auditionné les patrons de Credit Suisse et exigé l'extradition des banquiers suisses inculpés dans les affaires de fraude fiscale.
Il avait d'ailleurs mené quasiment seul la double audition des patrons de Credit Suisse et du Département de la justice, dans les affaires de fraude fiscale. A presque 80 ans, il naviguait avec aisance dans ce sujet compliqué, bombardant ses interlocuteurs de questions, s'énervant, relevant les contradictions.
Carl Levin reconnaissait d'ailleurs lui-même qu'il avait beaucoup de mal à intéresser ses collègues au sujet, parce qu'il est compliqué et demande d'aller dans le détail, y compris à l'étranger. Après l'audition de Credit Suisse, il disait à un petit groupe de journalistes en riant: "le droit suisse... je connais trop le droit suisse!"
"Je serai satisfait seulement quand les autorités suisses auront éliminé tous les obstacles derrière lesquels se cachent les évadés fiscaux", avait-il également déclaré en 2014.
Mais au final, à part dans l'affaire UBS, il avait échoué à six reprises à faire passer une loi contre les abus des paradis fiscaux.
>> Réécouter son interview dans La Matinale en 2014:
Contre la guerre en Irak
Carl Levin a longtemps été président de la commission sénatoriale des forces armées et a dirigé un groupe d'enquête distinct à partir duquel il a interrogé des dirigeants d'entreprises coupables d'inconduite, notamment le scandale Enron, alors le plus grand cas de fraude d'entreprise aux États-Unis jamais enregistré.
En 2002, alors que le président républicain George W. Bush se dirigeait vers une invasion américaine de l'Irak l'année suivante, Carl Levin a tenté d'éviter la guerre. Il a voté contre l'autorisation du recours à la force et a proposé en vain une alternative, appelant Bush à poursuivre un programme d'inspection des armes des Nations unies plus strict en Irak.
Carl Levin a également critiqué la façon dont Donald Rumsfeld, le premier secrétaire à la Défense de Bush, a mené la guerre - faisant valoir que le Pentagone a procédé avec trop peu de troupes, des approvisionnements insuffisants et trop peu de formation des forces irakiennes pour prendre le relais. Il a enquêté sur les mauvais traitements infligés aux détenus pendant le mandat de Rumsfeld.
reuters/vkiss
Protéger les dénonciateurs
Sur le plan national, Carl Levin a surveillé la conduite des entreprises et des agences fédérales et a travaillé pour des lois visant à protéger les dénonciateurs et à assurer la concurrence dans les marchés publics. En 2002, il a convoqué une audience avec les membres du conseil d'administration d'Enron, la société énergétique texane autrefois de haut vol qui s'est effondrée. Les investisseurs ont perdu des milliards de dollars et des milliers d'employés ont perdu leur emploi.
En 2003, il a tenu des audiences montrant comment de grands cabinets comptables avaient créé des abris fiscaux illégaux. Le Congrès a adopté des lois à la suite des scandales Enron et comptables visant à mettre fin à de tels abus. Carl Levin a tenu des audiences en 2007 sur les pratiques abusives de l'industrie des cartes de crédit, contribuant à la mise en place de nouvelles protections pour les consommateurs.