"Aucune initiative pour protéger la forêt", dénoncent les habitants de l'île grecque d'Eubée
La population grecque a beaucoup de questions face à la situation catastrophique des incendies dans le pays. Sur l'île d'Eubée, dévorée par les flammes à plus d'un tiers, les habitants ne comprennent pas pourquoi le feu n'a pas été maîtrisé au tout début et comment il s'est étendu sur un front de plus de 40 km. Ils pointent du doigt l'absence de prévention au niveau étatique.
"Chacun se débrouille seul"
Malgré les risques, certains refusent de quitter leurs maisons, notamment parce que l'assurance incendie n'est pas obligatoire dans le pays. Ainsi, quand une maison brûle, son propriétaire perd tout.
Yiannis Alexiou a fait le choix de ne pas abandonner ses murs. Il déplore surtout le manque d'initiative de la part du gouvernement face aux incendies. Il avait déjà vécu une situation similaire sur l'île il y a 20 ans et, depuis, "il n’y a eu aucune initiative pour protéger la forêt. Tout est resté en l’état. Chacun se débrouille seul. Moi, j’ai planté des arbres qui brûlent difficilement et mis des réservoirs d'eau là où il faut pour protéger ma maison".
Yiannis Alexiou explique mardi dans l'émission Tout un Monde qu'"avant on réalisait une large tranchée en coupant les arbres en ligne droite pour stopper les incendies. A l'époque, les gens tiraient un revenu de la forêt. Mais c’est révolu (…) C’est devenu de la forêt vierge, avec des hautes herbes, un combustible rêvé pour le feu".
Une loi qui ne fonctionne pas
Un autre problème provient du changement de la loi en 1989. Avant, les gardes-forestiers étaient les seuls responsables de toutes les activités. Nikos Bokaris, qui travaille au ministère de l’Environnement, explique que la nouvelle loi a "divisé les tâches: l'extinction des feux de forêts a été transféré aux pompiers, alors que la prévention est du ressort des gardes-forestiers qui ne peuvent rien faire d’autre".
Pour lui, il est nécessaire d'avoir une seule institution de protection de la forêt qui gère à la fois la prévention et l'extinction des incendies. "Les feux peuvent être évités à condition d'avoir suffisamment d'effectifs sur le terrain qui interviennent avant que l’incendie ne prenne de l'ampleur. Cela n’a pas été le cas, on a laissé le feu se développer", déplore Nikos Bokaris.
"Ils laissent la forêt brûler et le feu se propage"
En outre, cette année, pour ne pas avoir de victime, l'Etat a procédé à des évacuations massives. Mais pour Nikos Bokaris, ce n'est pas une bonne solution.
Quand il y a "plusieurs menaces à la fois, les pompiers donnent la priorité aux maisons. Ils laissent la forêt brûler et le feu se propage. De plus, les services des pompiers attendaient des moyens aériens pour aller éteindre les incendies. Mais en raison des températures très élevées, les avions ne pouvaient pas décoller", raconte le fonctionnaire.
Sur place, la population est désespérée. Les gens refusent d'être évacués et quand ils le sont, ils reviennent en douce, comme le confie un autre habitant de l''île d'Eubée à la RTS.
La colère commence à prendre le dessus et une première manifestation a eu lieu lundi devant le parlement à Athènes, d'autres devraient suivre.
>> Revoir le sujet du 12h45 sur la situation sur l'île d'Eubée:
Reportage radio: Angélique Kourounis
Adaptation web: aps
La catastrophe en quelques chiffres
Plus de 93'700 hectares ont été ravagés depuis le 29 juillet en Grèce, selon le Système européen d'information sur les feux de forêts (EFFIS). En comparaison sur la même période entre 2008 et 2020, moins de 2300 hectares avaient brûlé en moyenne.
Les forces déployées dans la partie nord d'Eubée ont été renforcées mardi et portées à 870 pompiers, 17 hélicoptères bombardiers d'eau, ainsi que 8 avions.
Jusqu'à présent, plus de 3000 personnes ont été évacuées par la mer selon les garde-côtes grecs.