Les talibans ont pris possession de Farah, dans l'ouest, et Pul-e Khumri, dans le nord, d'où les civils ont fui en masse devant leur avancée apparemment inéluctable. Les insurgés ont mis le feu à certaines parties de ces villes, notamment à des restaurants.
Les talibans, qui avancent à un rythme effréné, contrôlent désormais huit des 34 capitales provinciales afghanes, dont cinq des neuf du nord du pays, des combats étant en cours dans les trois autres.
Les talibans ont aussi continué à resserrer leur étau autour de Mazar-i-Sharif, la plus grande ville du nord. Si celle-ci venait à tomber à son tour, le gouvernement n'aurait plus aucun contrôle sur l'ensemble de cette région, pourtant traditionnellement férocement opposée aux talibans.
Les combats font aussi rage dans le sud du pays, autour de Kandahar et dans Lashkar Gah, deux fiefs historiques des insurgés.
Financements importants
Derrière cette lente reconquête des talibans, vingt ans après leur chute, se cachent d'importants moyens financiers. Des estimations de l'ONU et de l'OTAN rendent compte de l'empire financier des islamistes afghans, dans un pays broyé par la corruption. Les recettes des talibans vaudraient un tiers des recettes de l'Etat officiel, soit environ 1,6 milliard de francs.
En Afghanistan, l'opium est la source principale d'enrichissement. Le pays est responsable de 85% de la production mondiale. Sa transformation en drogue rapporterait aux talibans un peu moins d'un demi-milliard de francs dans leur zone de contrôle. Les ressources en matières premières, telles que le fer, le cuivre, l'or ou encore le marbre, sont également très juteuses et proches aussi du demi-milliard.
Les talibans taxent aussi toute l'activité économique sous leur contrôle, notamment l'agriculture et l'importation et exportation de denrée, en particulier avec le Pakistan, cordon ombilical du pays.
La guérilla des rigoristes religieux possède par ailleurs un parc immobilier dans le pays et au Pakistan voisin, qui lui rapporterait 80 millions par année. De quoi se procurer des armes légères et du matériel, alors que les habitants sont doublement taxés par les talibans et la police ou les douaniers officiels du gouvernement.
Fuite des civils
Les violences ont poussé des dizaines de milliers de civils à fuir leur foyer dans tout le pays, les talibans étant accusés de nombreuses atrocités dans les endroits tout juste passés sous leur coupe. Quelque 359'000 personnes ont été déplacées en Afghanistan à cause des combats depuis le début de l'année, a indiqué l'Organisation internationale pour les migrations.
Mardi, le calme était revenu dans le centre de Kunduz, selon des habitants. Les talibans ne patrouillaient plus les rues, où commerces et restaurants avaient rouvert. Les affrontements se poursuivaient toutefois aux abords de l'aéroport resté aux mains des forces gouvernementales.
Au moins 183 civils ont été tués et 1181 blessés, dont des enfants, en un mois dans les villes de Lashkar Gah, Kandahar, Hérat et Kunduz, a indiqué mardi l'ONU, en précisant bien qu'il ne s'agissait là que des victimes qui avaient pu être documentées.
az/iar avec agences
Réunion internationale à Doha
Alors que les combats font rage, Doha a accueilli mardi une réunion internationale, avec des représentants du Qatar, des États-Unis, de Chine, du Royaume-Uni, de l'Ouzbékistan, du Pakistan, des Nations unies et de l'Union européenne.
Le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans s'est ouvert en septembre dernier au Qatar, dans le cadre de l'accord de paix conclu en février 2020 entre les insurgés et Washington prévoyant le départ total des troupes étrangères d'Afghanistan. Ce retrait doit être achevé d'ici le 31 août.
Les discussions sont au point mort et les talibans ont lancé une offensive en mai, quand a débuté ce retrait final. Après s'être emparés de vastes zones rurales sans rencontrer beaucoup de résistance, ils se sont tournés depuis début août vers les centres urbains.
Même si les espoirs sont minces de voir les pourparlers déboucher sur un résultat concret, l'émissaire américain Zalmay Khalilzad devait exhorter les talibans "à cesser leur offensive militaire et à négocier un accord politique". Des représentants du gouvernement afghan étaient aussi attendus à Doha, où les échanges devraient se poursuivre mercredi.
L'administration du président Joe Biden n'a aucunement l'intention de changer de ligne. Elle maintiendra son soutien à Kaboul, mais c'est aux Afghans de prendre leur destin en mains. "C'est leur pays qu'il s'agit de défendre. C'est leur combat", a souligné lundi le porte-parole du Pentagone.
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