Les insurgés se sont emparés vendredi de la ville de Pul-e-Alam, capitale de la province du Logar, à 50 km au sud de Kaboul. Ils avaient pris auparavant Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans le sud du pays, quelques heures après avoir fait tomber Kandahar, la deuxième ville d'Afghanistan, située 150 km à l'est.
Les talibans ont aussi pris sans résistance vendredi Chaghcharan (centre), capitale de la province de Ghor, et contrôlent désormais près de la moitié des capitales provinciales afghanes, toutes tombées en seulement huit jours.
L'essentiel du nord, de l'ouest et du sud du pays est maintenant sous leur coupe. Kaboul, Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord, et Jalalabad (est) sont les trois seules grandes villes encore sous le contrôle du gouvernement.
Près de 200 morts
La progression des talibans a un coût humain élevé. Au moins 183 civils ont été tués et 1181 blessés, dont des enfants, en un mois à Lashkar Gah, Kandahar, Herat et Kunduz, selon l'ONU.
Quelque 250'000 personnes ont été déplacées par le conflit depuis la fin mai - 400'000 cette année -, dont 80% sont des femmes et des enfants, toujours selon l'ONU.
"Le nombre de soldats et de policiers à Herat est insuffisant. Ils ne peuvent pas repousser les talibans. Ils ont tous fui. C'est pourquoi nous combattons nous-même les talibans", déclare vendredi dans l'émission Tout un monde un ancien chef de guerre qui avait combattu contre l'invasion soviétique dans les années 80, contre les talibans 10 ans plus tard. Il a décidé de poursuivre les combats avec une armée de volontaires: "Nous nous battrons jusqu'au bout contre les talibans qui sont soutenus par le Pakistan."
Les Etats-Unis évacuent leur personnel
Les talibans ont lancé leur offensive en mai, quand le président américain Joe Biden a confirmé le départ des dernières troupes étrangères du pays, 20 ans après leur intervention pour en chasser les talibans du pouvoir, dans la foulée des attentats du 11 Septembre.
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Ce retrait doit être achevé d'ici le 31 août. Le président Biden a depuis affirmé ne pas regretter sa décision, même si la rapidité avec laquelle l'armée afghane s'est désintégrée devant l'avancée des talibans a surpris et déçu les Américains, qui ont dépensé plus de 1000 milliards de dollars en 20 ans pour la former et l'équiper.
Pour Washington, la vitesse de la victoire des talibans s'apparente à un scénario du pire. Et les Américains craignent de voir se répéter les images de 1975 avec l'évacuation en catastrophe de l'ambassade américaine à Saigon, au Vietnam. À l'heure actuelle, il n'est pas certain que les États-Unis conservent une ambassade à Kaboul.
En raison de "l'accélération" des événements, Washington a décidé de "réduire encore davantage" sa "présence diplomatique" à Kaboul "dans les prochaines semaines", a annoncé le département d'État. Pour mener à bien cette évacuation, le Pentagone va déployer 3000 soldats à l'aéroport de la capitale, qui rejoindront les 650 militaires américains encore présents. Quelque 3500 autres militaires seront positionnées au Koweït pour pouvoir être envoyés en renfort en cas de détérioration de la situation.
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Le Royaume-Uni a parallèlement annoncé le redéploiement de 600 militaires pour aider ses ressortissants à quitter l'Afghanistan. Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg va de son côté présider dans la journée une réunion des ambassadeurs des pays de l'Alliance après ces décisions.
Le Danemark, l'Allemagne, l'Australie et le Canada rapatrient également leur diplomates, parfois accompagnés par les citoyennes et citoyens afghans qui ont travaillé avec ces nations. Mi-juillet, l'ambassade de France avait déjà pris les devants avec un vol spécial pour ses ressortissants.
lan avec afp
Le DFAE rapatrie six collaborateurs
La Suisse va fermer son bureau de coopération à Kaboul, estimant que "la sécurité des employés n'est plus assurée", et va rapatrier d'urgence les six collaborateurs et collaboratrices helvétiques du DFAE. Quant aux 40 employées et employés locaux de la DDC ainsi que leurs familles, ils reçoivent un visa humanitaire.
Les personnes concernées travaillent au bureau de coordination de la Direction du développement et de la coopération (DDC) à Kaboul. Il n'y a pas d'ambassade suisse en Afghanistan, 28 personnes s'occupent des affaires courantes afghanes à l'ambassade suisse au Pakistan, a expliqué devant les médias Livia Leu, la secrétaire d'Etat du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
La situation en Afghanistan se détériore et le nombre de victimes augmente tous les jours, a-t-elle déclaré. Se montrant préoccupée, elle a appelé au dialogue pour trouver une solution politique, insistant sur la situation humanitaire et la protection des minorités, notamment des femmes.
En outre, le directeur du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a indiqué qu'une quarantaine de collaborateurs locaux de la DDC et leurs familles recevront un visa humanitaire pour venir en Suisse, s'ils le souhaitent. La décision a été prise par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter.
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Sites archéologiques préservés
Alors que les talibans continuent leur progression, les archéologues semblent confiants concernant la préservation des sites.
Vingt ans après la destruction des célèbres Bouddhas géants de Bamiyan, le discours des talibans a changé, comme l'a expliqué dans l'émission Tout un monde Philippe Marquis, directeur de la Délégation archéologique française en Afghanistan: "Les talibans ont expressément dit qu'il fallait protéger les sites archéologiques afghans car ils faisaient partie du patrimoine".
Pour l'instant, ces déclarations sont suivies par les actes, en tout cas dans les zones déjà sous contrôle taliban.
Réunion de l'Otan prévue vendredi
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg va présider vendredi à 13H00 GMT (15H00 heure locale) une réunion des ambassadeurs des pays de l'Alliance, après la décision des Etats-Unis d'évacuer leurs diplomates et leurs ressortissants d'Afghanistan, ont indiqué deux sources diplomatiques.
"L'évacuation" du pays sera au coeur des discussions, avec les options et adaptations militaires requises pour procéder à ces départs, a précisé l'un de ces responsables.
Chaque membre de l'Alliance à planifié l'évacuation de son personnel diplomatique et de ses ressortissants. "Il s'agit de déterminer qui fait quoi, quand, comment et quel soutien est accordé pour cela", a souligné cette source diplomatique.