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Les talibans pourraient donner un nouveau souffle à tous les djihadistes

L'ancien chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) Abdelmalek Droukdel, tué par l'armée française en 2020. [AFP - Thomas Coex]
L'ancien chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) Abdelmalek Droukdel, tué par l'armée française en 2020. - [AFP - Thomas Coex]
La victoire des talibans en Afghanistan risque de faire souffler un vent d'espoir chez les djihadistes partout dans le monde. Ils pourraient être galvanisés par la défaite d'une puissance étrangère et le triomphe de la stratégie des nouveaux maîtres de Kaboul.

Dans le monde entier, les combattants du mouvement djihadiste et salafiste, dont la plupart sont affiliés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique (EI), ne peuvent que constater la réussite des "étudiants en religion" afghans, de retour au pouvoir à Kaboul.

>> Lire : Les forces gouvernementales afghanes ont cédé la main aux talibans

"Cela donne aux djihadistes un formidable élan. Cela leur fait croire qu'ils peuvent expulser une puissance étrangère, même une majeure telle que les Etats-Unis", estime le directeur de recherche du think-tank de géopolitique new-yorkais Soufan Center.

Colin Clarke s'attend "à un solide bombardement de propagande, culminant avec le 20e anniversaire des attaques du 11 septembre (2001). Cela va gonfler le moral des djihadistes, de l'Afrique du Nord jusqu'en Asie du Sud-Est".

La victoire va "enhardir" les djihadistes partout

Le cas afghan n'est pas nécessairement duplicable ailleurs, car tous les groupes actifs ne combattent pas des puissances étrangères. L'exemple du Sahel notamment, où la France a récemment annoncé un retrait d'une partie de ses 5100 soldats au profit de forces spéciales européennes après plus de huit années de présence, est très différent du dossier afghan.

Mais "la conquête de l'Afghanistan par les talibans est quelque chose qui va enhardir les djihadistes partout", souligne Aymenn Jawad Al-Tamimi, chercheur pour le programme sur l'extrémisme de l'Université George Washington (Etats-Unis). "C'est pertinent dans le contexte ouest-africain", dit-il, là où ont émergé des discussions sur les négociations avec le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda.

Symboliquement, les événements en Afghanistan permettent de convaincre les militants que "s'ils continuent à se battre, leurs adversaires finiront par s'effondrer", ajoute le chercheur irakien.

La propagande djihadiste en marche

Depuis la prise de Kaboul, de nombreux commentaires de propagande de la sphère djihadiste circulent sur les réseaux sociaux. Pour le mouvement palestinien Hamas, ce succès des talibans "prouve que la résistance des peuples, au sommet desquels notre peuple moudjahidine palestinien, mènera finalement à la victoire et à la réussite de ses objectifs de liberté et de retour, avec la permission d'Allah".

L'agence de propagande d'Al-Qaïda, Al-Thabat, assure pour sa part que "les musulmans et moudjahidines du Pakistan, du Cachemire, du Yémen, de Syrie, de Gaza, de Somalie et du Mali célèbrent la libération de l'Afghanistan et son application de la charia".

Profitable même pour les frères ennemis de l'EI

Du côté du groupe Etat islamique, la question est plus épineuse. Quand Al-Qaïda a prêté allégeance aux talibans, l'EI les a qualifiés d'apostats. Et en Afghanistan, la haine est d'autant plus tenace que l'Etat islamique au Khorasan (ISKP) a été créé par des transfuges talibans.

Mais Daech profite tout de même de l'effondrement de l'Etat afghan. Un spécialiste occidental de l'EI, qui publie ses recherches sur Twitter sous le pseudonyme "Dr Q.", a ainsi relevé 216 attaques de l'ISKP entre le 1er janvier et 11 août de cette année, contre 34 l'an passé à la même période. "Cela fait de l'Afghanistan une des provinces de l'EI les plus dynamiques", assure-t-il. "Tout n'est pas directement lié au retrait américain, mais la victoire des talibans donne de l'air aussi à l'ISKP".

Au-delà des haines fratricides, ce commentateur pointe des convergences d'objectifs: "L'EI communique régulièrement sur le fait que les Occidentaux ne peuvent rester éternellement" en terre étrangère; à cet égard, le triomphe des talibans légitime leur façon de faire", écrit-il.

Le spectre des événements en Irak

Colin Clarke rappelle lui aussi que le chaos et la guerre constituent les conditions élémentaires du développement de tout groupe djihadiste, quelle que soit son obédience. "L'effondrement de l'armée afghane est une étrange réminiscence de ce que nous avons vu en Irak en 2011. Je crains que la même situation ne se reproduise en Afghanistan, avec simultanément le développement de l'EI et la résurrection d'Al-Qaïda".

C'est là que réside peut-être la plus grande leçon que les talibans ont livrée à la sphère djihadiste mondiale: patience et détermination peuvent triompher, quel que soit l'ennemi. Et cet enseignement est galvanisant pour tous les mouvements aux ambitions locales, adversaires ou alliés des nouveaux patrons de Kaboul.

"Pour beaucoup de groupes qui poursuivent un agenda local, les talibans ont constitué l'archétype de la bonne application de cette stratégie", constate froidement Charles Lister, chercheur au Middle-East Institute, dans une vidéo postée sur YouTube.

>> Le portrait des talibans dans le 19h30 :

À quoi ressemble les talibans en 2021?
À quoi ressemble les talibans en 2021? / 19h30 / 2 min. / le 17 août 2021

afp/oang

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