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La Chine envisage de taxer davantage les hauts revenus

Le président chinois Xi Jinping. [KEYSTONE - Zhang Ling / Xinhua via AP]
Xi Jinping réclame une meilleure répartition des revenus en Chine / La Matinale / 1 min. / le 20 août 2021
Le président chinois Xi Jinping a appelé cette semaine à une meilleure redistribution des richesses. Dans le sillage d’une campagne sans précédent à l'encontre des grandes entreprises privées nationales, Pékin pourrait accroître davantage la pression sur les ultra-riches.

"Enrichissez-vous!" La fameuse injonction de Deng Xiaoping, le père des réformes à l'origine de l'ouverture économique de la Chine résonne encore dans les esprits. Avec plus de 250 milliardaires fin 2020, selon le classement annuel du cabinet Hurun, le pays compte plus d'ultra-riches que l'Inde et les Etats-Unis réunis. Une réalité qui tranche cependant avec la condition de centaines de millions de Chinois aux revenus parfois extrêmement modestes.

"Si nous avons permis à certains individus et à certaines régions de s'enrichir en premier, l'heure de la prospérité commune pour tous a sonné", a déclaré cette semaine la commission centrale des affaires économiques et financières présidée par Xi Jinping. Cette annonce laisse entrevoir de nouvelles mesures fiscales – l'introduction d'un impôt sur la fortune et d'un impôt sur la propriété notamment – en vue de favoriser une meilleure répartition des richesses dans un des pays les plus inégalitaires du monde. La question des inégalités plonge les autorités dans l'embarras: le bureau national de statistique ne publie plus l'indice de Gini – principal outil de mesure des inégalités – depuis 1991.

Cette déclaration du pouvoir intervient alors que Pékin s'est lancé dans une campagne de régulation agressive du secteur privé. De nombreuses entreprises nationales et investisseurs sont pris de court face à un interventionnisme sans précédent du gouvernement central, source d'incertitude et d'interrogations sur l'avenir de la libéralisation du pays.

De nombreux experts estiment cependant qu'une meilleure redistribution des ressources est cruciale à l'heure où l'économie ralentit. "Les ménages chinois détiennent aujourd'hui 50% de la richesse produite dans le pays, explique Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin. Historiquement, c'est le taux le plus faible au monde. En Europe ou aux Etats-Unis, ce taux se situe entre 70 et 80%."

"Le résultat de ces inégalités est que les Chinois n'ont pas les moyens de consommer tout ce qu'ils produisent", ajoute le spécialiste. La consommation domestique, véritable moteur de la croissance, peine ainsi à décoller dans le pays dont le produit intérieur brut repose largement sur les investissements du gouvernement.

Stratégie de Xi Jinping pour consolider sa popularité

Avec cette annonce, le pouvoir vise à remédier à cette situation. Chen Daoyin, ancien professeur à l'Université de Shanghai, évoque également une stratégie politique. Il souligne la tenue l'an prochain du vingtième congrès du Parti communiste, une phase délicate avant laquelle Xi Jinping doit renforcer sa popularité. Après avoir supprimé la limite du nombre maximum de mandats à la tête du pays en 2018, le président chinois sera vraisemblablement reconduit dans ses fonctions, brisant ainsi officiellement les codes instaurés après la mort de Mao Zedong dans le but de limiter le pouvoir personnel des dirigeants.

"L'intervention accrue du gouvernement chinois dans l'économie ces dernières semaines est similaire à la campagne anti-corruption", analyse le professeur. Cette campagne a permis à Xi Jinping de gagner le coeur du peuple à son arrivée au pouvoir en 2012. Les Chinois critiquaient alors la corruption. Maintenant, le pouvoir s'attaque aux entreprises privées géantes que les gens perçoivent comme des acteurs privilégiés qui les exploitent. En ajoutant les ultra-riches à cette campagne, le gouvernement s'attaque aux injustices capitalistes que le peuple déteste."

Les mesures annoncées risquent cependant d’être délicates à mettre en œuvre. Lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes membres du Parti communiste, les plus riches bénéficient souvent de liens très étroits avec le pouvoir. Fervent marxiste, le président chinois ne cache pas sa détermination. Le dirigeant le plus fort depuis Mao appelle ses troupes à revenir aux fondamentaux communistes. Xi Jinping semble décidé à rendre leur éclat au marteau et à la faucille, ternis par des décennies de libéralisation économique.

Michael Peuker/iar

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