Le président chinois Xi Jinping a lancé une vaste campagne pour réduire les inégalités dans son pays. Cela concerne aussi bien les personnes que les entreprises à haut-revenus. Elles sont encouragées à rendre davantage à la société.
Malgré la pandémie, le nombre de milliardaires en Chine a atteint des records. Il y a, par exemple, le patron d'Alibaba, Jack Ma, le patron de l'entreprise de jeux vidéos Tencent ou encore celui de la maison-mère de TikTok. Si Xi Jinping s'attaque à eux, c'est que leur pouvoir s'accroît et qu'ils deviennent des menaces pour le gouvernement.
"Il n'est pas question que ces données échappent au gouvernement"
Selon Marie-Françoise Renard, professeure à l'Université Clermont Auvergne et spécialiste de l’économie chinoise, cette volonté de réduire les inégalités est politique et économique.
"Il y a, d'un côté, l'envie de montrer que le Parti communiste (PCC) se souci du bien-être de la population et donc qu'il a une certaine éthique vis-à-vis des inégalités. D'un autre côté, le PCC veut affirmer le contrôle sur le secteur privé et améliorer le pouvoir d'achat de la population", explique la spécialiste.
Depuis quelques mois, Xi Jinping veut renforcer le contrôle sur les entreprises privées, notamment, les entreprises de technologie pour des raisons politiques. "Il y a des enjeux très importants puisque ces entreprises disposent d'un très grand nombre de données. Il n'est pas question que ces données échappent complètement au gouvernement", souligne Marie-Françoise Renard.
Le gouvernement chinois veut également accroître la consommation intérieure du pays et pour cela "il faut améliorer le pouvoir d'achat de la population, notamment des plus pauvres et des classes moyennes", précise la spécialiste.
Pas encore de mesures concrètes
"Pour l'instant, il n'y a pas de mesures concrètes hormis les dons. Les plus grandes entreprises et les milliardaires doivent faire des dons de plus en plus importants", explique Marie-Françoise Renard.
L'experte imagine qu'à plus long terme, Xi Jinping se fondera "sûrement" sur une politique fiscale. "Il y a beaucoup de réformes à faire en matière de fiscalité en Chine. Il y a très peu d'impôts sur le capital et pas d'impôts sur les successions. Il y a également une redistribution par la politique sociale qui est insuffisante en Chine", ajoute-t-elle.
Des mesures trop strictes risquent de faire fuir les milliardaires. Marie-Françoise Renard explique que c'est déjà en partie le cas en Chine. "On sait que les achats immobiliers à l'extérieur de la Chine sont très souvent des achats de précaution pour des gens qui voudraient partir à l'étranger", déclare-t-elle.
Toutefois, "cela ne veut pas dire que ça va se réaliser parce que les milliardaires peuvent, pour différentes raisons, préférer exercer leurs activités en Chine", nuance-t-elle. De plus, les taxes existent toujours davantage dans les autres pays et l'évasion fiscale n'est plus aussi facile que par le passé.
Le PCC veut éviter l’émergence de personnalités connues
Les milliardaires comme Jack Ma (le fondateur d’Alibaba) sont très populaires en Chine car le fait de devenir riche est une forme d'espoir pour les Chinois et les Chinoise. " Quand les gens deviennent très riches, cela a un effet stimulant sur le reste de la population qui se dit que c'est possible", raconte Marie-Françoise Renard.
Ce n'est pas possible pour le gouvernement que les personnes puissent avoir une telle notoriété et qu'elles deviennent intouchables.
Cette notoriété fait concurrence au pouvoir du Parti communiste. Il devient, par exemple, difficile de maltraiter ou d’emprisonner les personnalités comme Jack Ma.
"Le durcissement vis-à-vis des personnes célèbres illustre le besoin de contrôler tout ce qui est privé. (...) Ce n'est pas possible pour le gouvernement que les personnes puissent avoir une telle notoriété et qu'elles deviennent intouchables", selon la spécialiste.
Cependant, les écarts de richesse sont de plus en plus visibles et dans un certain nombre de cas liés à la corruption. Devenir riche est, ainsi, moins bien perçu par la population.
Faire fuir les investisseurs étrangers
Des mesures plus sévères peuvent faire fuir les investisseurs étrangers. L'objectif du gouvernement est de moins dépendre des investissements étrangers et d'avoir une innovation plus domestique. "Donc petit à petit, la Chine ne plus dépendra aussi fortement des entreprises étrangères", explique Marie-Françoise Renard.
Toutefois, "la loi chinoise a assoupli les conditions d'investissement pour les étrangers, notamment, la possibilité de devenir propriétaire à 100% d'une entreprise en Chine. De plus, le pays est un très grand marché pour les entreprises étrangères qui regarderont à deux fois avant d'abandonner ce marché", nuance-t-elle.
Pour la spécialiste, cela fait donc "planer un doute sur la croissance chinoise à venir, dans la mesure où les investissements étrangers ont participé largement à cette croissance. Il a toujours été difficile d'investir en Chine et aujourd'hui il y a une incertitude sur ce que le gouvernement peut imposer".
Eric Guevara-Frey / aps
Contrôle du secteur technologique
Xi Jinping a interdit récemment des horaires sans fin dans le secteur technologique. La régulation de la "semaine 996" (de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine) est un signe de la reprise en main de l’économie par le gouvernement chinois.
"Le gouvernement a un droit de regard sur ce qu'il se passe et les annonces qui sont faites ces derniers temps vont de plus en plus dans ce sens", explique Marie-Françoise Renard.