Cette décision a été qualifiée d'"historique" par les défenseurs des droits de ce pays conservateur et très catholique d'Amérique latine.
"C'est un pas de plus dans la lutte historique pour l'égalité (des femmes), la dignité et le plein exercice de leurs droits", a déclaré le président de la Cour, Arturo Zaldivar.
"A partir de maintenant il ne sera pas possible, sans violer les critères du tribunal et de la Constitution, de poursuivre une femme qui avorte dans les cas validés par ce tribunal", a-t-il détaillé.
Une portée nationale
La Cour s'est réunie en séance plénière pendant deux jours pour examiner la constitutionnalité des articles du code pénal de l'Etat de Coahuila, dans le nord du Mexique, qui punissent les femmes qui se font avorter, avec des peines pouvant aller jusqu'à trois ans de prison.
Ces articles ont été déclarés inconstitutionnels à l'unanimité des dix juges présents, ce qui établit une jurisprudence pour les tribunaux dans le pays.
Une source judiciaire a expliqué que cet arrêt a en effet une portée nationale car il va permettre aux femmes qui vivent dans des Etats où l'avortement est criminalisé d'avoir accès à l'avortement sur décision d'un juge.
"La femme doit demander [aux services de santé] de pratiquer l'avortement, et s'ils le lui refusent, elle peut se présenter devant un juge et déposer un recours. Le juge aura désormais le pouvoir d'ordonner que l'avortement soit pratiqué", a expliqué Alex Alí Méndez, avocat constitutionnel et expert des questions d'avortement.
Liberté pour les femmes emprisonnées
Une troisième conséquence de l'arrêt de la Cour suprême, a ajouté l'avocat, est qu'il constituera un outil permettant aux femmes emprisonnées pour avoir avorté de recouvrer leur liberté.
Le Groupe d'information sur le choix reproductif (GIRE), qui milite pour le droit à l'avortement, a salué ce qu'il a appelé un "jugement historique".
L'avortement non médicalisé est la quatrième cause de décès maternel au Mexique, selon le groupe.
Une vingtaine d'Etats concernés
Le Mexique est un pays fédéré où les Etats sont autonomes dans l'adoption de leurs lois, mais celles-ci peuvent être invalidées par le biais d'un recours lorsqu'elles contreviennent à des arrêts de la Cour suprême qui font jurisprudence, comme celui de mardi. Une vingtaine d'Etats mexicains criminalisent encore les interruptions de grossesse.
La ville de Mexico a dépénalisé l'avortement jusqu'à douze semaines de grossesse en 2007 et il est pratiqué gratuitement dans les cliniques de la mairie, que les femmes vivent ou non dans d'autres quartiers. Oaxaca, Veracruz et Hidalgo sont d'autres Etats qui ont dépénalisé l'avortement jusqu'à douze semaines de grossesse.
La religion catholique, qui prohibe généralement l'avortement, est majoritaire au Mexique avec 77,7% des personnes croyantes, selon le dernier recensement officiel de 2020.
afp/jfe
Possible dans plusieurs pays, interdit dans d'autres
L'avortement est légal en Uruguay, à Cuba, en Argentine. Il est totalement interdit au Salvador, au Honduras, au Nicaragua, en République dominicaine et en Haïti.
Dans les autres pays d'Amérique latine, l'avortement n'est autorisé que dans les cas où la vie de la femme est en danger, ou dans certains cas s'il y a eu viol ou si le fœtus n'est pas viable.
La décision de la plus haute cour de justice mexicaine intervient six jours après celle de la Cour suprême des Etats-Unis, profondément remaniée par Donald Trump, de refuser le blocage d'une loi du Texas, un Etat limitrophe du Mexique, interdisant la majorité des interruptions de grossesse, même en cas d'inceste ou de viol.
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