Les registres où cette radicalité s'applique sont certes bien différents: l'identité française pour le premier, le capitalisme pour le deuxième, et la question climatique pour la dernière.
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Pour analyser l'émergence de ces profils radicaux, il faut définir le terme de "radicalité", car on le confond souvent avec extrémisme, précise Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême-droite et président de l'Observatoire des radicalités politiques. Car dans le fond, ces potentiels candidats et candidates à la présidentielle restent globalement dans un cadre démocratique, où il est préférable de parler de "positions de rupture".
Un nombre croissant de citoyens ne se satisfait pas de cette disparition du clivage idéologique.
"Il y a une demande d'une partie de la population de rupture avec ce qui apparaît comme une sorte de continuum assez mou entre un centre-droite et un centre-gauche qui se contentent de faire de la gestion avec des solutions technocratiques, dans le cadre de l'économie de marché et de l'Union européenne", décrit Jean-Yves Camus. "Un nombre croissant de citoyens ne se satisfait plus de cette disparition du clivage idéologique et de cette manière de ne pas trancher, par exemple sur la sortie du nucléaire, sur l'immigration, l'identité."
L'envie de positions de rupture viendrait de ce manque de cap, ou d'un manque de choix politique, et également d'une impression d'un manque de prise du politique sur la réalité.
Marge de manoeuvre réduite
"On a en France une emprise de la technocratie qui a réduit au fil des ans la marge des manoeuvre des politiques", explique le politologue. "Cette marge de manoeuvre est d'autant plus réduite que la question de la souveraineté se pose: la France, sans être entièrement soumise aux instances de Bruxelles, obéit à des engagements internationaux, à des règlements européens. Et au final, une partie des citoyens français a l'impression que rien ne bouge."
Une impression d'immobilisme, dans un monde qui connaît une succession de crises avec plusieurs urgences, dont l’urgence climatique. Dans la primaire d'Europe Ecologie Les Verts, la posture radicale revendiquée par Sandrine Rousseau est davantage perçue à l'interne comme un avantage: il faut agir vite et fort dans ce contexte d'urgence climatique. Finie la politique des petits pas en matière d'écologie, même si sur le fond le programme de la candidate diffère relativement peu de celui de Yannick Jadot, son rival estimé à tort plus modéré, relève Jean-Yves Camus.
Concrétisation
Mais la rupture affichée sur la scène politique française va-t-elle se concrétiser? Est-ce ce que le peuple français souhaite pour le prochain mandat? Est-ce que le vent de dégagisme qui a soufflé sur la dernière élection et qui a abouti à la victoire d'Emmanuel Macron est toujours là? Les éditorialistes français se posent la question.
Pour Béatrice Giblin, géographe et auteure notamment du "Paradoxe français, entre fierté nationale et hantise du déclin", la présidentielle est encore loin, et il n'est pas sûr qu'au moment de se rendre aux urnes, ces figures de rupture aient les faveurs des électeurs et électrices.
"Pour qu'il y ait dégagisme, il faut qu'il y ait une personnalité qui donne envie de dégager les autres", note la spécialiste, pour qui le président Macron, avec 25% d'intention de vote au premier tour, jouit toujours d'une base solide. "Qu'une partie de la jeunesse se radicalise sur le climat, c'est un fait. Mais est-ce qu'elle ira jusqu'au choix d'une personnalité radicale, je n'en suis pas sûre."
Le test du deuxième tour de la primaire verte sera sans doute un premier test de ce que veulent les électrices et électeurs français.
Quant à l'identité nationale et au phénomène Zemmour, qui sans être officiellement candidat est crédité de 10% d'intention de vote, il n'est pour l'heure guère plus qu'un phénomène médiatique, qui fait le buzz avec un livre qui se vend à travers la France, estime Béatrice Giblin.
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Sujet radio: Blandine Levite
Adaptation web: Katharina Kubicek
La droite française joue la prudence sur les primaires
A moins de 7 mois de la présidentielle, la droite française se met en ordre de marche pour battre Emmanuel Macron. Le parti Les Républicains s'est mis d'accord ce week-end sur la méthode pour désigner son champion ou sa championne.
La droite française veut à tout prix éviter le fiasco d'il y a 5 ans, avec une primaire très accrochée, voire agressive, entre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon. Ce dernier, une fois désigné, n'avait pas été soutenu, face aux tourments judiciaires.
Cette fois-ci, le parti a prévu une clause de prudence: en cas d'affaires, le candidat pourra être débranché au cours de la campagne. Hors de question de se laisser couler une nouvelle fois.
Autre décision: la primaire ne sera pas ouverte aux sympathisants cette année. Les adhérents du parti Les Républicains ont rejeté cette option ce week-end, par 58% des voix. Eux seuls auront donc le dernier mot pour départager les candidats et candidates, d'ici un congrès qui doit se tenir dans un peu plus de deux mois, le 4 décembre.
Plusieurs prétendants sont déjà sur les rangs. Xavier Bertrand, le dirigeant de la région des Hauts-de-France, dans le Nord, façonne sa candidature depuis plusieurs mois. Anti-élite, anti-parisien, cet ancien élu local, qui n'a pas fait les grandes écoles, tente de se présenter comme l'anti-Macron.
Face à lui, Valérie Pécresse, actuelle présidente de la région Ile-de-France, se décrit comme "deux tiers Merkel, un tiers Thatcher", deux femmes politiques dont elle loue le courage devant les réformes.
Troisième candidat d'importance: Michel Barnier, l'ancien négociateur du Brexit, côté européen. Lui se pose en homme d'expérience, capable de rassembler et de représenter la France à l'étranger.
Quant au corps électoral qui doit les départager, il s'agit de 80'000 militants du parti Les Républicains, pour l'heure, même s'il est encore possible de s'inscrire pour prendre part au vote.