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Homme d'affaires volcanique, Bernard Tapie est décédé à l'âge de 78 ans

Homme aux mille vies, Bernard Tapie est décédé à l'âge de 78 ans
Homme aux mille vies, Bernard Tapie est décédé à l'âge de 78 ans / 12h45 / 1 min. / le 3 octobre 2021
Ancien patron de l'Olympique de Marseille et de l'équipementier Adidas, Bernard Tapie est mort dimanche matin à l'âge de 78 ans des suites d'un cancer, a annoncé la famille de l'homme d'affaires et ancien ministre dans un communiqué publié par le journal la Provence.

"Dominique Tapie et ses enfants ont l'infinie douleur de faire part du décès de son mari et de leur père, Bernard Tapie, ce dimanche 3 octobre à 8h40, des suites d'un cancer", peut-on lire dans le communiqué, qui précise qu'il est "parti paisiblement, entouré de sa femme, ses enfants, ses petits-enfants et son frère, présents à son chevet".

Bernard Tapie se battait depuis plusieurs années contre un cancer de l'estomac rendu public en 2017. Il a fait part de son souhait d'être inhumé à Marseille, sa "ville de coeur", a fait savoir sa famille.

>> Voir une archive de 1985: Bernard Tapie accueilli à Genève, à l'invitation de l'Office de promotion industrielle de Genève :

Bernard Tapie à Genève en 1985
Bernard Tapie à Genève en 1985 / L'actu en vidéo / 4 min. / le 3 octobre 2021

Self-made man à la gouaille inépuisable

Bernard Tapie en 1992, alors patron d'Adidas. [AFP - Georges Gobet]
Bernard Tapie en 1992, alors patron d'Adidas. [AFP - Georges Gobet]

Self-made man, milliardaire à la gouaille inépuisable, investisseur invétéré, comédien à ses heures, héros pour les uns et bateleur pour les autres, Bernard Tapie a mené une multitude d'existences successives, souvent tourmentées par les affaires judiciaires.

A son apogée, Bernard Tapie et sa mâchoire conquérante furent aussi un symbole des années 1980, les "années fric" marquées par le culte de la réussite et le mythe de l'entrepreneur triomphant.

Ex-ministre sous François Mitterrand, il a vécu ses dernières années au rythme des rebondissements de procédure dans le feuilleton de la vente d'Adidas par une filiale du Crédit lyonnais.

Figure du sport et des affaires

Fils d'un plombier, le futur "Nanard" - le surnom que lui donneront les Guignols de l'info - a été élevé dans le béton de la banlieue parisienne. Il s'est essayé à la chanson "pop", mais sa véritable percée commence dans les affaires au cours des années 1970.

Bernard Tapie, patron de l'Olympique de Marseille, avec le footballeur français Jean-Pierre Papin. [AFP - DPPI]
Bernard Tapie, patron de l'Olympique de Marseille, avec le footballeur français Jean-Pierre Papin. [AFP - DPPI]

Alliant le talent de la finance au sens de la gestion et à la persuasion, il rachète des sociétés en difficulté, rembourse une partie de leurs dettes, les "dégraisse" et les revend en réalisant au passage une plus-value. Son grand coup d'éclat sera, en 1990, la prise de contrôle du groupe allemand d'équipements sportifs Adidas.

Ses succès sportifs feront encore plus pour son image. L'équipe cycliste professionnelle qu'il monte autour de Bernard Hinault, La Vie claire, s'adjuge le Tour de France en 1985. Il prend ensuite, en 1986, la direction de l'Olympique de Marseille, club de football endetté et découragé qui languit à la 17e place du championnat de France.

Cinq ans plus tard, constellé de vedettes acquises à coups de millions, l'OM remporte la Ligue des champions, une performance qu'aucun autre club français n'a réalisée à ce jour et qui vaut encore à Bernard Tapie une aura particulière chez les supporters marseillais.

>> Le portrait de Bernard Tapie dans le 19h30 :

Décédé dimanche à l’âge de 78 ans, Bernard Tapie était un homme complexe dont l’énergie et l’ambition l’ont mené au sommet de divers domaines. Portrait
Décédé dimanche à l’âge de 78 ans, Bernard Tapie était un homme complexe dont l’énergie et l’ambition l’ont mené au sommet de divers domaines. Portrait / 19h30 / 2 min. / le 3 octobre 2021

Une carrière politique à gauche

Bernard Tapie avec le président français François Mitterrand en 1994. [AFP - Georges Gobet]
Bernard Tapie avec le président français François Mitterrand en 1994. [AFP - Georges Gobet]

C'est à Marseille aussi qu'il se fait élire député pour la première fois en 1989 sous le patronage de François Mitterrand. Personnalité d'ouverture au sein d'une gauche si étrangère en apparence aux valeurs qu'il représente, il effectue deux passages au ministère de la Ville, en 1992-1993, avec un intermède dû à une mise en examen pour abus de biens sociaux.

Il conduit aussi la liste du Mouvement des radicaux de gauche (MRG) avec un certain succès, puisqu'il obtient 12% des voix et emmène avec lui au Parlement européen des personnalités comme Noël Mamère et Christiane Taubira.

Au-delà de ces mandats, le haut fait de son incursion en politique reste un débat d'une virulence rare face à Jean-Marie Le Pen, alors président du Front national, sur le plateau de TF1, en 1989.

La route tourne au milieu des années 90

Mais aux réussites succèdent les revers de fortune à partir des années 1990. L'ex-entrepreneur star est plusieurs fois condamné à de la prison ferme, notamment dans l'affaire du match de football arrangé entre Valenciennes et Marseille en 1993, et dans celle dite du Phocéa, un dossier de fraude fiscale portant le nom de son luxueux bateau.

En 1993, la vente d'Adidas à un groupe d'investisseurs marque le début d'une affaire aux multiples ramifications qui s'étale sur un quart de siècle (lire encadré). A ces déboires judiciaires, s'est ajouté le combat contre un cancer de l'estomac rendu public en 2017.

"J'ai été le symbole de quelque chose, et maintenant cette chose, il faut la détruire", disait-il dans une interview au Monde en 2015.

>> Voir aussi l'interview dans Forum d'Ian Hamel, journaliste et correspondant en Suisse pour le journal Le Point, auteur du livre "Notre ami Bernard Tapie" :

Bernard Tapie, mort d’un wonderboy devenu paria: interview d’Ian Hamel (vidéo)
Bernard Tapie, mort d’un wonderboy devenu paria: interview d’Ian Hamel (vidéo) / Forum / 7 min. / le 3 octobre 2021

agences/vic

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"Une combativité à déplacer les montagnes"

Première personnalité à réagir officiellement, le Premier ministre français Jean Castex a déclaré dimanche en début de matinée sur BFM TV qu'il "s'inclinait devant la mémoire" de Bernard Tapie. "La première image qui me vient, c'est celle du combattant, pour ses idées, ses convictions. Il a toujours été très engagé contre l'extrême droite, mais surtout pour des causes, son club, sa ville, l'entreprise aussi".

Un peu plus tard dans la journée, le président français Emmanuel Macron et son épouse se sont déclarés "touchés" par le décès de l'ancien ministre. Dans un communiqué publié par l'Elysée, le chef de l'Etat a rendu hommage à celui dont "l'ambition, l'énergie et l'enthousiasme furent une source d'inspiration pour des générations de Français".

Succès et débordements

Emmanuel Macron a évoqué "un homme qui avait une combativité à déplacer les montagnes et à décrocher la lune, ne déposait jamais les armes", mais note aussi "qu'à la légende dorée se mêlèrent les ombres d'une chronique judiciaire".

"Bernard Tapie, par ses défis, ses engagements, ses succès, ses débordements comme ses déboires aura été l'acteur et le révélateur d'une époque", a abondé l'ex-président François Hollande.

Dans la catégorie des gagnants

Louant un "homme à la faconde légendaire, et la voix de stentor, gouailleur mais tellement vrai", l'ex-ministre de la Culture Jack Lang, qui l'a côtoyé dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy au début des années 1990, retient la "générosité même" de ce "combattant permanent, inflexible, et intransigeant face au Front national".

Le cycliste français Bernard Hinault, qui a remporté en 1985 le dernier de ses cinq Tours de France dans une équipe créée autour de lui par Bernard Tapie, a célébré pour sa part un "personnage hors du commun". "Il avait envie de toucher à tout. Peut-être a-t-il fait une erreur d'aller en politique, mais c'était son choix", a estimé la champion cycliste. Au sujet des controverses suscitées par l'homme d'affaires, "il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Lui faisait partie de la première catégorie", a tranché Bernard Hinault.

>> Voir les hommages à Bernard Tapie dans le 19h30 :

Autant admiré pour son succès que controversé pour ses frasques, notamment judiciaires, Bernard Tapie ne laissait pas indifférent. Hommages choisis
Autant admiré pour son succès que controversé pour ses frasques, notamment judiciaires, Bernard Tapie ne laissait pas indifférent. Hommages choisis / 19h30 / 2 min. / le 3 octobre 2021

L'affaire Adidas/Crédit Lyonnais toujours pas terminée

S'estimant floué par la filiale du Crédit Lyonnais qu'il a chargée de réaliser la vente d'Adidas, Bernard Tapie s'est lancé dans une longue bataille de procédures.

En 2008, il obtient gain de cause devant un tribunal arbitral et se voit octroyer 404 millions d'euros. Mais cet arbitrage finira par être cassé et l'homme d'affaires condamné, en 2015, à rembourser ces sommes.

>> Lire à ce sujet : La justice française demande à Bernard Tapie de rembourser 403 millions

Le procès en appel dans le dossier Adidas/Crédit Lyonnais, interrompu en octobre dernier en raison de l'état de santé de Bernard Tapie, avait redémarré début mai. Affaibli, l'homme d'affaires avait renoncé à y assister. La cour d'appel de Paris avait mis sa décision en délibéré au 6 octobre.

>> Lire aussi : Bernard Tapie relaxé dans l'affaire de la vente d'Adidas