Outre les Libyens, des Etats tiers ou des mercenaires qui ont soutenu le Gouvernement d'union nationale (GNA) à l'ouest ou, dans le cas des Russes, l'Armée nationale libyenne (ANL) à l'est sont aussi responsables de violations du droit international humanitaire (DIH). Certaines parties "ont aussi perpétré des crimes de guerre", affirme le président de la mission d'établissement des faits, Mohamed Auajjar.
Avec ses collègues Chaloka Beyani and Tracy Robinson, il a entendu plus de 150 personnes et mené des investigations dans plusieurs pays sur les violences depuis 2016, en seulement trois mois. Celles-ci ont aussi eu des conséquences importantes sur l'économie et sur les centres de santé.
"Enormes abus" contre les migrants
Des milliers de déplacés ou de migrants restent détenus dans des conditions très difficiles, dans des sites contrôlés par l'Etat ou des milices. "Les violations contre les migrants sont perpétrées de manière large par des acteurs étatiques et non étatiques", affirme Chaloka Beyani. Et "il est assez clair" que les refoulements en mer ont abouti à d'"énormes" abus contre ces personnes, a-t-il dit à la presse sur la question de l'attitude des Etats européens.
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Dans les prisons, des détenus ont été torturés quotidiennement et leurs proches ont été empêchés de les voir. Les détentions arbitraires sont souvent utilisées, ajoute Tracy Robinson.
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Fosses communes
La mission cible de possibles crimes contre l'humanité mais elle admet n'avoir pas eu accès encore aux centres de détention du sud du pays, notamment en raison de la sécurité. "Nous ne sommes encore qu'au début des investigations", a dit Tracy Robinson, alors que celles-ci devront être renouvelées ou non cette semaine par le Conseil des droits de l'Homme.
Elle ajoute que la mission, qui est restée quelques jours dans le pays, surtout dans la région de Tripoli, a fait face à des contraintes dans certains sites du pays. Les membres de celles-ci n'ont toutefois pas pu se rendre dans des prisons et souhaitent étendre leurs investigations, notamment à l'est dans la région de Benghazi.
Plusieurs fosses communes avaient pu être identifiées à Tarhouna, ville exposée à de nombreuses violences de 2016 à l'année dernière. Des investigations supplémentaires devront aussi être menées dans cette zone, dit la mission.
Violences sexuelles et exécutions sommaires
Les violences ont fait des centaines de milliers de déplacés. Certains d'entre eux continuent de faire face à de graves abus et la Libye viole ses obligations internationales en ne les protégeant pas, selon la mission.
Certains acteurs militaires ont eu recours à des enfants, des exécutions extrajudiciaires de femmes et des violences sexuelles contre les populations vulnérables ont été perpétrés. Malgré les efforts en cours pour unifier les autorités, l'établissement des responsabilités de ces crimes par la justice libyenne fait face à des "défis significatifs", ajoute la mission.
Liste "confidentielle"
Parmi les groupes et individus, libyens comme étrangers, suspectés d'avoir perpétré des abus, une liste confidentielle sera remise aux mécanismes judiciaires qui mèneront des poursuites.
Mohamed Auajjar appelle aussi les autorités à accélérer leurs efforts. Les violences dans ce pays ont fait des milliers de victimes. Selon une estimation de l'ONU, environ 20'000 soldats de pays tiers ou mercenaires au total ont aidé les parties au conflit et la plupart d'entre eux n'ont pas quitté le territoire.
La Suisse copréside le groupe de travail sur les droits humains et le DIH pour la communauté internationale. De possibles crimes de guerre et crimes contre l'humanité avaient déjà été identifiés ces dernières années par plusieurs acteurs. Alors que des élections sont prévues en décembre, le Conseil de sécurité de l'ONU a récemment étendu la Mission de l'ONU en Libye (MANUL) pour six mois seulement, symbole des divisions sur ce pays.
afp/kkub