Si l'on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l'Eglise – enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse – le nombre grimpe à 330'000, a indiqué Jean-Marc Sauvé en dévoilant les conclusions de la Commission indépendante sur les abus dans l'Eglise (Ciase). "Ces résultats sont bien plus que préoccupants, ils sont accablants et ne peuvent en aucun cas rester sans suite", a déclaré Jean-Marc Sauvé.
Une autre donnée avait déjà été révélée dimanche par le président de la Ciase: le nombre de prédateurs, évalué entre "2900 à 3200", hommes – prêtres ou religieux – entre 1950 et 2020, une "estimation minimale".
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Deux ans de travaux
Résultat de deux ans et demi de travaux, le rapport était remis publiquement mardi matin à Paris à l'épiscopat français et aux ordres et congrégations religieuses, en présence de représentants d'associations de victimes.
"Vous apportez enfin aux victimes une reconnaissance institutionnelle de toute la responsabilité de l'Eglise, ce dont les évêques et le pape n'ont pas été capables à ce jour", a publiquement lancé en préambule François Devaux, cofondateur d'une association de victimes. "Le système est déviant", a-t-il déclaré, en appelant à un concile "Vatican III".
Appels à témoigner
La Ciase a fait de la parole des victimes "la matrice de son travail", selon Jean-Marc Sauvé. D'abord avec un appel à témoignages, ouvert dix-sept mois, qui a recueilli 6500 appels ou contacts de victimes ou proches. Puis en procédant à 250 auditions longues ou entretiens de recherche. Elle a aussi effectué une plongée dans de nombreuses archives, de l'Eglise, des ministères de la Justice ou de l'Intérieur, de la presse.
Une fois le diagnostic posé, la Commission a énuméré plusieurs dizaines de propositions dans plusieurs domaines: écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et des religieux, droit canonique ou encore transformation de la gouvernance de l'Eglise.
"Contributions" financières
Elle a aussi préconisé une politique de reconnaissance, puis une réparation financière propre à chaque victime. Les faits sont presque toujours prescrits, les auteurs décédés, rendant un recours à la justice improbable. Les procédures canoniques (le droit de l'Église) sont longues et peu transparentes.
Quelles suites l'Eglise donnera-t-elle au rapport? L'épiscopat a pris des mesures au printemps, promettant non pas des réparations mais un dispositif de "contributions" financières, versées aux victimes à partir de 2022, qui ne fait pas l'unanimité chez ces dernières ni chez les fidèles, lesquels sont appelés à contribuer aux dons.
ats/gma
Le pape dit son "immense chagrin"
Le pape François a exprimé mardi son "immense chagrin" après la publication du rapport. "Ses pensées se tournent en premier lieu vers les victimes, avec un immense chagrin pour leurs blessures et gratitude pour leur courage de dénoncer. Elles se tournent aussi vers l'Église de France, afin que, ayant pris conscience de cette effroyable réalité (...) elle puisse entreprendre la voie de la rédemption", a déclaré le porte-parole du Vatican, Matteo Bruni, évoquant devant des journalistes la réaction du pape.
"Honte" et "effroi"
Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, a exprimé "sa honte", "son effroi" et a demandé "pardon" aux victimes de pédocriminalité, mardi après la publication du rapport accablant de la Ciase.
"Mon désir en ce jour est de vous demander pardon, pardon à chacune et chacun", a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort devant la presse.
"A travers votre compte rendu, nous avons entendu la voix des personnes victimes, entendu leur nombre. Leur voix nous bouleverse, leur nombre nous accable. Il dépasse ce que nous pouvions supposer", a-t-il encore souligné.