Sous le feu des critiques qui l'accusent d'avoir "trahi" la "révolution" de 2019 au Soudan ayant chassé du pouvoir l'autocrate Omar el-Béchir, le général Abdel Fattah al-Burhane a expliqué mardi avoir dissous toutes les autorités de transition composées de civils et de militaires car "certains attaquaient l'armée et incitaient contre cette composante essentielle de la transition".
Le Premier ministre est "chez moi"
Il s'est aussi exprimé sur le sort du Premier ministre Abdallah Hamdok, dont la communauté internationale réclame la libération depuis son arrestation la veille: il est "chez moi", avait assuré le chef de l'armée dans l'après-midi.
Le premier ministre limogé Abdallah Hamdok a finalement été ramené en soirée chez lui à Khartoum et des "mesures de sécurité ont été prises dans le périmètre de son domicile", a indiqué un responsable militaire, semblant signifier qu'il avait été assigné à résidence.
Economiste de l'ONU devenu le visage civil d'une transition post-dictature partagée avec les militaires, Abdallah Hamdok a été enlevé avec son épouse, nombre de ses ministres et les autres dirigeants civils de la transition lundi à l'aube.
"Oui, on a arrêté des ministres et des politiciens, mais pas tous", a ajouté le général Burhane lors d'une conférence de presse de près d'une heure en forme de monologue.
Les manifestants ne veulent pas renoncer
Pour le second jour consécutif, des milliers de Soudanais ont manifesté contre l'armée à Khartoum, bloquant les rues du centre-ville avec des pierres, des branchages et des pneus brûlés, tandis que les forces de sécurité ont été déployées avec leurs blindés sur les ponts et grands axes.
En soirée, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes contre les manifestants pour dégager un important axe routier, selon des témoins. Mais les protestataires ont continué à le bloquer.
Lundi, quatre manifestants ont été tués par des tirs de l'armée selon un syndicat de médecins pro-démocratie, et 80 blessés.
Après la proclamation de la "désobéissance civile", les manifestants veulent, disent-ils, "sauver" la révolution qui a renversé en 2019 le régime de l'autocrate Omar el-Béchir tombé sous la pression de la rue et de l'armée.
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Réunion d'urgence à l'ONU
A New York, le Conseil de sécurité a entamé une réunion à huis clos sur le coup de force au Soudan, condamné en Occident et qui a coûté à ce pays pauvre d'Afrique de l'Est, une aide américaine cruciale et pourrait lui causer la perte du soutien financier européen.
Englué depuis deux ans dans une transition qui n'a pas vu le jour, ce pays pauvre d'Afrique de l'Est est plongé dans l'inconnu.
Washington a déjà "suspendu" une aide de 700 millions de dollars au Soudan dans la mesure où la perspective des premières élections libres semble de plus en plus compromise.
jfe avec agences
Antony Blinken s'est entretenu avec le Premier ministre soudanais
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s'est entretenu par téléphone mardi avec le Premier ministre soudanais renversé, Abdallah Hamdok, qui a été ramené chez lui après avoir été retenu par l'armée, selon un communiqué du département d'Etat.
"Le secrétaire d'Etat se réjouit de la libération du Premier ministre et renouvelle son appel aux forces militaires soudanaises pour qu'elles libèrent tous les dirigeants civils en détention et garantissent leur sécurité", a ajouté le porte-parole du département d'Etat, Ned Price, dans le communiqué.
Abdallah Hamdok a été ramené chez lui mardi soir et reste "sous surveillance renforcée" au lendemain d'un putsch mené par le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane.
Le Premier ministre Abdallah Hamdok et la quasi-totalité des dirigeants civils soudanais avaient été arrêtés lundi quelques heures seulement après le départ du Soudan de l'émissaire des Etats-Unis pour la Corne de l'Afrique Jeffrey Feltman.
Antony Blinken a à nouveau exprimé sa "forte inquiétude" concernant ce putsch et exhorté les militaires soudanais à ne pas faire usage de la violence contre les manifestants.
Trois ambassadeurs, dont celui en Suisse, font défection
Les ambassadeurs soudanais en Suisse, en France et en Belgique ont annoncé mardi leur défection. Ils ont condamné le coup d'Etat militaire de la veille et proclamé leurs ambassades comme celles du "peuple soudanais", a annoncé sur Facebook le ministère de l'Information.
"Nous réaffirmons notre engagement indéfectible et notre soutien total à la lutte du peuple soudanais pour la liberté, la paix et la justice, ainsi qu'au processus de transition visant à établir un système démocratique permanent dans le pays", souligne encore la représentation soudanaise basée à Genève sur sa page Facebook.
Elle appelle à la libération immédiate du Premier ministre Abdallah Hamdok et des autres détenus et à la restauration du processus de transition. "Nous continuerons à nous tenir aux côtés de notre peuple afin de réaliser ses aspirations à un Soudan pacifique et prospère", conclut-elle.
Le DFAE déconseille les voyages non urgents au Soudan
La Suisse déconseille de se rendre au Soudan pour des voyages touristiques et tout autre voyage qui ne présente pas un caractère d'urgence. Cette recommandation reste valable "tant que la situation n'est pas clarifiée".
La situation est confuse depuis le coup d'Etat miliaire de lundi et tendue et son évolution est incertaine, indique mardi le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans ses conseils aux voyageurs. De manière générale, il est déconseillé de se rendre dans certaines parties du pays.
Dans un message publié lundi sur Twitter, le DFAE s'était déclaré "profondément préoccupé" par le coup d'Etat et par "les tentatives de saper la transition politique vers un gouvernement civil et la démocratie". Il a appelé "toutes les parties à s'abstenir d'utiliser la violence et à revenir au dialogue". Il a exprimé son soutien au peuple soudanais "dans son aspiration à un avenir pacifique".