Bienvenue au pays du soleil de minuit et des aurores boréales. La Laponie suédoise, dans le cercle arctique, est une terre de contraste. Ses montagnes, ses rivières, ses marais et… ses mines. Il s'agit de l'une des régions où les conséquences du changement climatique sont les plus visibles.
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Kiruna, tout au nord du pays, est un symbole. La ville abrite la plus grande mine de fer au monde. Trente millions de tonnes de minerai de fer sont extraites chaque année de la terre. Une dizaine de tour Eiffel chaque jour.
Les habitants considèrent cette mine comme un monument. "Si vous êtes né dans la ville, alors vous savez que la mine est votre mère", raconte Gun-Britt Landine Henriksson, guide dans la mine et à l'office de tourisme de Kiruna.
Vivre de ce qui nous détruit
"On ne peut pas survivre sans la mine et la mine ne peut pas exister sans nous. C'est une vie en symbiose. La mine sera encore en activité durant les 40 prochaines années, parce qu’il y a beaucoup de fer autour de nous."
C'est le paradoxe de Kiruna. En creusant la terre, la surface est menacée. Après 120 ans d'exploitation, les sols se sont affaissés. Un tiers de la ville risque de s'effondrer. A tel point, qu'il va falloir déplacer les habitants.
"Tout le centre-ville, avec les boutiques, les habitations, les appartements, les maisons, va déménager à l'extérieur dès l'année prochaine. Une nouvelle ville en construction", explique Gun-Britt Landin Henriksson.
Le permafrost s'évapore
Nonante pour cent du fer extrait de la mine est aujourd'hui expédié en Europe, pour fabriquer des voitures, des téléphones, tous ces objets du quotidien.
Cette activité, symbole d'une mondialisation frénétique, est donc considérée comme un des symptômes du problème climatique. Car autour de Kiruna, les glaciers eux ne déménagent pas, ils disparaissent.
A écouter >> Kiruna, la ville suédoise qui déménage
Le petit village d'Abisko, à une centaine de kilomètres au nord de Kiruna, près de la frontière norvégienne, abrite une station de recherche. Keith Larson y travaille depuis dix ans. Ce scientifique américain a pu constater la fonte du permafrost, le sol souterrain gelé.
Le plus haut sommet de Suède disparaît
Une bombe à retardement qui va libérer des milliards de tonnes de CO2 au cours des prochains siècles. Mais les conséquences sont aussi visibles au niveau des sommets.
"En Suède, la plus haute montagne s'appelle le Kebnekaise et cette montagne a deux sommets", décrit Keith Larsson. "Un sommet est fait de roche, l'autre est couvert par un glacier. Le sommet enneigé à toujours été le plus haut. Mais depuis quelques années, avec la fonte de la glace, il a perdu de la hauteur. Désormais, ce n'est plus le sommet le plus haut de Suède. C'est l'autre. Le sommet rocheux. Et le glacier lui continue de fondre année après année". Ce sommet du Kebnekaise a perdu plus de 30 mètres.
Entre l'activité minière intense, le climat et les sols qui se réchauffent, la biodiversité est aussi touchée. Un des emblèmes suédois est directement affecté: les rennes. En vingt ans leur population a diminué de moitié.
Nourrir les rennes
Les rennes sont la principale source de nourriture pour les Samis, peuple autochtone de Laponie. Les hivers sont moins longs et plus doux, avec de la pluie qui crée une couche de glace. Il faut désormais nourrir les troupeaux.
"En hiver, les rennes creusent dans la neige pour trouver le lichen, mais avec la couche de glace, ils ne peuvent plus le sentir. Ils creusent au hasard et gaspillent beaucoup d'énergie en cherchant cette nourriture", explique Ola Bergdahl, un représentant des Samis. "Nourrir les rennes nous coûte cher. Ce n'est pas normal. En les nourrissant, on devient des fermiers. On n'a jamais été des fermiers."
La ville de Kiruna, coincée entre le fer et la glace, raconte ainsi l'engrenage du bouleversement climatique. Incapable de renoncer à son activité économique, elle met en danger son environnement et sa population. L'histoire de l'Homme qui perd le Nord.
Foued Boukari, envoyé spécial en Suède
Le permafrost, bombe à retardement pour le climat
Entouré de montagnes enneigées, le plateau de Stordalen est un vaste marécage de tourbe, criblé d'étangs boueux. Une étrange odeur d'oeuf pourri vient y troubler l'air pur du Grand Nord suédois.
Nous sommes en Arctique, à une dizaine de kilomètres de la petite ville d'Abisko, où le réchauffement climatique est trois fois plus rapide qu'ailleurs dans le monde.
Plantée dans les marais, couverts de touffes d'herbe et d'arbustes d'où pointent baies bleues et oranges et fleurs blanches, une nacelle aux allures de capsule spatiale révèle l'importance insoupçonnée de ce lieu perdu aux confins du monde.
Ici, les scientifiques scrutent la fonte du sol souterrain gelé, connu sous le nom géologique de permafrost (ou pergélisol).
Quand pour faire ses tests le chercheur Keith Larson avance sur les planches de bois posées en réseau pour circuler au-dessus des étangs marécageux, la structure s'enfonce dans la tourbière et des bulles émergent à la surface.
Longtemps verrouillés dans le permafrost, les gaz à effet de serre s'en libèrent aujourd'hui.
Entre le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2), le permafrost contient quelque 1700 milliards de tonnes de carbone organique, presque deux fois la quantité de carbone déjà présente dans l'atmosphère.
Le méthane perdure 12 ans dans l'atmosphère, contre des siècles pour le dioxyde de carbone, mais il a un effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.
Les scientifiques ont prévenu: la fonte du permafrost est une "bombe à retardement" pour le climat.
AFP