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Ultime feu vert des dirigeants du G20 à la grande réforme fiscale

L’accord qui a été trouvé sur un impôt minimal de 15% pour les entreprises multinationales ne fait pas l’unanimité, à commencer aux États-Unis
L’accord qui a été trouvé sur un impôt minimal de 15% pour les entreprises multinationales ne fait pas l’unanimité, à commencer aux États-Unis / 19h30 / 2 min. / le 30 octobre 2021
Après moult marchandages et concessions, les chefs d'Etat et de gouvernement du G20 ont donné samedi à Rome l'ultime feu vert à une réforme fiscale historique qui ambitionne de mettre fin aux paradis fiscaux. Elle ne va pas assez loin selon des pays en développement.

Sous l'égide de l'OCDE, au total 136 pays représentant plus de 90% du PIB mondial, dont les 20 les plus riches, s'étaient engagés début octobre à taxer de manière plus équitable les multinationales et à instaurer un taux d'impôt minimal mondial de 15% à partir de 2023.

Ce feu vert, annoncé par la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, sera formalisé dans le communiqué final du G20 dimanche, selon plusieurs sources proches des négociations.

Une petite révolution qui risque cependant de prendre du retard, dans la mesure où chaque pays doit désormais traduire cet accord mondial dans sa propre législation, une partie qui n'est pas gagnée d'avance.

150 milliards de dollars par an

Le premier volet de cette réforme, qui consiste à taxer les entreprises là ou elles font leurs profits, indépendamment de leur siège social, se heurte notamment à de fortes réticences au Congrès américain.

Car cette mesure frappe surtout les géants d'internet américains, les fameux Gafa (acronyme désignant Google, Amazon, Facebook et Apple), enclins à pratiquer l'optimisation fiscale en établissant leur siège là où la taxation est la plus faible, ce qui leur permet de payer des impôts dérisoires au regard de leurs revenus.

L'impôt minimal de 15% devrait rapporter environ 150 milliards de dollars de recettes supplémentaires par an.

Une centaine de multinationales enregistrant plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel verront une partie de leurs impôts redistribuée vers les pays où elles exercent effectivement leurs activités.

>> L'analyse de Pierre-Marie Glauser, professeur de droit fiscal à l'UNIL, dans le 19h30 :

Quel sera l’impact d’un impôt minimal de 15% pour les multinationales en Suisse? L’éclairage de Pierre-Marie Glauser, professeur de droit fiscal à l’UNIL
Quel sera l’impact d’un impôt minimal de 15% pour les multinationales en Suisse? L’éclairage de Pierre-Marie Glauser, professeur de droit fiscal à l’UNIL / 19h30 / 3 min. / le 30 octobre 2021

Jugé insuffisant

Ce périmètre ainsi que la taxe minimale de 15% sont jugés insuffisants par certains pays émergents, d'autant que le taux moyen d'impôt sur les sociétés dans le monde est à présent de 22%, contre 50% en 1985.

L'Argentine avait ainsi plaidé pour un taux de 21%, voire 25%, car "l'évasion fiscale des multinationales est l'un des aspects les plus toxiques de la mondialisation", selon son ministre de l'Economie Martin Guzman.

Si l'Argentine a fini par se rallier à l'accord, le Kenya, le Nigeria, le Sri Lanka et le Pakistan, associés aux négociations qui comprenaient 140 pays, manquent à l'appel.

"L'accord a été négocié avec les pays en développement et reflète une bonne partie de leurs demandes, mais il est vrai que c'est un compromis", a déclaré à l'AFP Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE et artisan de la réforme.

Sa version finale permet ainsi à davantage de petites économies de bénéficier d'une partie de l'impôt redistribué, en abaissant à 250'000 euros par an le minimum requis pour les recettes des entreprises qui y sont réalisées, contre un million d'euros pour les pays plus riches.

Hésitation sur le climat

Les choses s'annoncent en revanche plus compliquées sur le climat, où beaucoup appellent de leurs voeux un signal fort à la veille de l'ouverture dimanche de la réunion de la COP26 à Glasgow en Ecosse.

>> Lire aussi : La COP26, sommet du dernier espoir pour limiter à temps la surchauffe

D'autant que le G20, qui comprend des pays développés comme les Etats-Unis et les membres de l'Union européenne, mais aussi les grandes économies émergentes comme la Chine, la Russie, le Brésil ou l'Inde, représente 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

La défense de l'environnement était d'ailleurs l'un des mots d'ordre des manifestants qui commençaient à se rassembler samedi après-midi dans les rues de Rome. Diverses organisations (syndicats, extrême gauche, Fridays for Future) ont appelé à des rassemblements où elles espèrent mobiliser des milliers de personnes.

>> Le récit des enjeux du G20 à Rome dans le 19h30 :

Le G20 se réunit dès aujourd’hui à Rome. Les discussions porteront autour de la sauvegarde du climat, la fiscalité et la lutte mondiale contre le Covid-19
Le G20 se réunit dès aujourd’hui à Rome. Les discussions porteront autour de la sauvegarde du climat, la fiscalité et la lutte mondiale contre le Covid-19 / 12h45 / 1 min. / le 30 octobre 2021

Reconnaissance des vaccins

"C'est l'occasion maintenant d'essayer de prendre certains des engagements vagues de (l'accord de) Paris et de les solidifier dans des engagement solides, rapides pour réduire les émissions" de gaz à effet de serre, a souligné le Premier ministre britannique Boris Johnson dans une interview diffusée samedi par la chaîne ITV.

"Nous devons être plus ambitieux" sur le climat, estimait aussi le président du Conseil européen Charles Michel, tout en reconnaissant que la question était difficile notamment "pour certains pays dépendant du charbon".

La Chine, et avec elle beaucoup de pays émergents, dépend encore énormément de cette énergie fossile très émettrice de CO2, notamment pour faire tourner ses centrales électriques dans le contexte actuel de crise énergétique.

Absence de la Chine et de la Russie

Les discussions sont compliquées par l'absence à Rome des présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine, qui ne participent au G20 que par visioconférence.

Dans leurs premières interventions samedi, ils ont plaidé pour une reconnaissance mutuelle des vaccins anti-Covid actuellement disponibles, les sérums chinois et russe n'étant notamment pas acceptés partout dans l'Union européenne.

"Tous les pays qui en ont besoin ne peuvent pas avoir accès aux vaccins" anti-Covid, a relevé Vladimir Poutine, dont la déclaration a été retransmise par la télévision publique russe, fustigeant "la concurrence malhonnête, du protectionnisme" et le fait que certains "ne sont pas prêts à une reconnaissance mutuelle des vaccins et des certificats de vaccination".

Discussions sur l'Iran

Depuis Pékin, le président Xi a lui aussi demandé "la reconnaissance mutuelle des vaccins", selon ses propos rapportés par la télévision d'Etat CCTV.

En marge du G20, qui marque le grand retour des réunions multilatérales en présentiel depuis le début de la pandémie, se tiennent aussi de nombreuses réunions bilatérales et en petit comité.

L'une des plus attendues rassemblait samedi après-midi les présidents américain Joe Biden et français Emmanuel Macron, ainsi que la chancelière allemande Angela Merkel et Boris Johnson, pour discuter d'une reprise des négociations sur le nucléaire avec l'Iran.

Un responsable de la Maison Blanche a dit attendre de ce rendez-vous une déclaration qui enverra un signal "d'unité" de ces quatre pays sur la question, "mais aussi posera le cadre de ce que nous pensons être la voie à suivre".

Entretien Macron-Johnson dimanche

Le président argentin Alberto Fernandez a de son côté lancé une offensive diplomatique et multipliait les réunions bilatérales avec des dirigeants européens avant sa rencontre en fin d'après-midi avec la directrice Fonds monétaire international (FMI), en pleines tractations sur une renégociation de la dette du pays sud-américain.

Et à l'heure où le torchon brûle entre Paris et Londres sur les droits de pêche en Manche, Emmanuel Macron discutera aussi dimanche matin en tête-à-tête avec Boris Johnson. Ce dernier a affirmé samedi qu'il "n'exclut pas" d'activer pour la première fois un outil de règlement des conflits prévu dans les accords post-Brexit avec l'UE.

agences/kkub

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Centre historique de Rome paralysé

Jusqu'ici, pas d'accroc à la sécurité du gratin mondial du G20 réuni à Rome, si ce n'est un accident mineur causé vendredi par l'une des 84 voitures transportant la délégation américaine. "Pas de blessés graves", a aussitôt rassuré la Maison Blanche.

Le centre historique de Rome est paralysé par les mesures drastiques de sécurité mises en place pour ce G20, notamment dans le quartier périphérique de l'Eur, où se tiennent les réunions des dirigeants à l'intérieur d'un bâtiment ultra-moderne baptisé "Le nuage" et signé de l'archistar Massimiliano Fuksas.

Des manifestants et manifestantes pour le climat, en marge du G20 à Rome. [AP/Keystone - Luca Bruno]
Des manifestants et manifestantes pour le climat, en marge du G20 à Rome. [AP/Keystone - Luca Bruno]

La zone centrale de ce quartier à l'architecture grandiose, voulu par le dictateur Benito Mussolini pour glorifier le fascisme, est complètement bouclée et ses grandes avenues sont quasiment désertes.

De l'autre côté de la ville, une manifestation animée par un groupe reprenant des chansons du groupe ABBA réclamait aux dirigeants du G20 de l'argent pour aider les pays pauvres à lutter contre le réchauffement climatique. Reste à savoir si leurs chants sont arrivés jusqu'aux oreilles de leurs destinataires.