L'influente juridiction doit entendre les arguments des parties dans le cadre de deux recours distincts contre cette loi. Le texte interdit d'avorter dès que les battements de coeur de l'embryon sont perceptibles, soit vers six semaines de grossesse, même en cas d'inceste ou de viol.
Ce seuil est particulièrement court, puisqu'il correspond à un retard de règles d'une quinzaine de jours, si bien que de nombreuses femmes n'ont pas conscience d'être enceintes.
Le droit fédéral est moins restrictif
Il intervient bien plus tôt que la limite fixée par la Cour suprême elle-même. Après avoir reconnu en 1973 le droit des femmes à avorter, la haute Cour a précisé en 1992 qu'il s'appliquait tant que le foetus n'est pas viable hors de l'utérus, soit vers 22 semaines de grossesse.
Mais ces arrêts historiques, bien qu'ayant autorité sur tout le pays, ne passent toujours pas auprès d'une partie de la population, surtout à droite et dans les milieux religieux.
Pour satisfaire leurs électeurs, les élus locaux républicains adoptent régulièrement des lois qui bafouent ouvertement la jurisprudence de la haute Cour.
Une astuce pour compliquer le travail de la Haute cour
Jusqu'ici, les tribunaux ont toujours empêché leur mise en oeuvre, mais le Texas, véritable laboratoire des idées les plus conservatrices, a toutefois imaginé un dispositif inédit qui complique l'intervention de la justice fédérale. Sa loi confie en effet "exclusivement" aux citoyens le soin de faire respecter cet interdit, en les encourageant à poursuivre au civil les personnes et organisations qui aident les femmes à avorter au-delà de six semaines.
En cas de victoire devant le juge, le texte prévoit que ces citoyens obtiendront 10'000 dollars (9100 francs) de dédommagements.
Ses détracteurs y voient eux une prime à la délation. "De parfaits étrangers pourront désormais se mêler des décisions de santé les plus intimes et personnelles auxquelles les femmes ont à faire face", a regretté le président démocrate Joe Biden le 2 septembre, au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi.
>> Lire : Le gouvernement Biden veut bloquer la loi anti-avortement au Texas
Décisions et contre-décisions à la pelle
Saisie en urgence une première fois lors de cette échéance, la Cour suprême avait refusé d'intervenir, s'abritant derrière les "questions nouvelles de procédure" posées par le texte. Depuis, la bataille s'est intensifiée avec l'intervention du gouvernement fédéral et des décisions contradictoires d'un juge de première instance et d'une cour d'appel.
Le 22 octobre, la Cour suprême a finalement décidé de se jeter dans la mêlée et d'agir vite: elle a planifié une audience dix jours plus tard, une célérité qu'elle n'avait pas manifesté depuis son intervention pour attribuer la présidentielle contestée de 2000 à George W.Bush.
Lundi, les neuf sages vont entendre les arguments des parties. Ils ne devraient pas aborder le droit à l'avortement mais uniquement le mécanisme légal créé par le Texas. La Cour suprême pourrait rendre sa décision assez rapidement.
afp/oang
Les défenseurs de l'avortement prudemment optimistes
Même si les magistrats conservateurs sont majoritaires (six sur neuf, dont trois nommés par Donald Trump), les défenseurs du droit à l'avortement affichent un optimisme prudent car le mécanisme texan suscite des critiques même à droite.
Ils ont en effet reçu le soutien d'alliés improbables: dans un argumentaire transmis à la Cour, la Firearms Policy Coalition, qui défend le droit au port d'armes, a souligné que le mécanisme retenu par le Texas pourrait être adopté dans d'autres Etats pour s'attaquer à d'autres droits.
Quelle que soit l'issue de cette bataille, la guerre ne sera pas terminée: la Cour suprême doit examiner le 1er décembre une loi du Mississippi qui interdit d'avorter après 15 semaines de grossesse.