Une grande partie de la communauté internationale dénie déjà toute légitimité à ce scrutin. C'est un vote qui a "perdu toute crédibilité", selon le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, un "simulacre" pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Trois ans et demi après la répression qui a fait plus de 300 morts parmi les manifestants qui exigeaient sa démission, Daniel Ortega fêtera son 76e anniversaire le 11 novembre, à l'orée d'un nouveau mandat de cinq ans, avec son épouse Rosario Murillo comme vice-présidente.
Les Nicaraguayens ne s'y trompent pas: les cinq candidats inscrits pour affronter le chef de l'Etat sont des comparses du pouvoir et ne peuvent faire oublier la mise hors-jeu des trois principaux partis d'opposition, ainsi que l'arrestation des sept adversaires potentiels les plus menaçants.
Chasse aux opposants
Depuis six mois, la chasse aux opposants est ouverte: 39 personnalités politiques, hommes d'affaires, paysans, étudiants et journalistes ont été arrêtés depuis juin. La peur court dans le pays d'Amérique centrale de 6,5 millions d'habitants, le plus pauvre de la région.
Selon un sondage Cid-Gallup, s'ils avaient le choix, 65% des 4,3 millions d'électeurs inscrits voteraient pour un candidat de l'opposition, contre 19% pour le président sortant.
En revanche, pour l'institut de sondage M&R, proche du gouvernement, Daniel Ortega et les 90 candidats au Parlement présentés par le front sandiniste de libération nationale (FSLN, au pouvoir) recueillent 70% des intentions de vote.
"Trahison à la patrie"
Favorite de l'opposition dans les sondages, Cristiana Chamorro, 67 ans, fille de l'ex-présidente Violeta Chamorro (1990-1997), a été la première arrêtée et placée en détention à domicile.
Les opposants sont accusés, pêle-mêle, d'atteinte à la souveraineté nationale, de soutenir les sanctions internationales contre le Nicaragua, de "trahison à la patrie" ou de "blanchiment d'argent", en vertu de lois votées à la fin 2020 par le Parlement, acquis au pouvoir, tout comme le pouvoir judiciaire et le tribunal électoral.
La commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) juge ainsi que ces élections ne visent que "la perpétuation au pouvoir" de Daniel Ortega et son épouse.
Depuis les manifestations du printemps 2018, 100'000 Nicaraguayens ont pris le chemin de l'exil, tandis que 150 opposants sont toujours derrière les barreaux, qualifiés par Daniel Ortega de "criminels" et de "fauteurs de coups d'Etat" à la solde de Washington. L'ancien guérillero est aujourd'hui accusé par ses opposants d'agir de la même façon que le dictateur Anastasio Somoza qu'il a contribué à renverser en 1979.
"Restez à la maison"
L'opposition prépare des manifestations au Costa Rica, à Miami ou Madrid et n'a qu'un seul mot d'ordre pour les électeurs: "Dimanche, restez à la maison!". Ne reste plus en effet que le boycottage des urnes dans un pays en proie à l'inflation, au chômage et à la pandémie due au coronavirus, dont l'ampleur est niée par le pouvoir.
Pour l'analyste nicaraguayenne Elvira Cuadra, exilée, l'isolement du pays affectera les investissements et les financements internationaux, avec des conséquences sociales et une émigration croissante.
D'autant que, outre les nouvelles sanctions adoptées par les Etats-Unis et l'Union européenne, les relations se sont tendues avec des alliés historiques comme le Mexique et l'Argentine.
Pour la présidente du centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh) Vilma Nunez, Daniel Ortega a mis en place un "Etat policier" afin d'avoir "le contrôle social de la population, réprimer et écraser les opposants".
ats/jfe