Réunis à Pékin, les presque 370 membres du comité central du Parti communiste chinois auront pour principale tâche d’examiner un projet de résolution historique passant en revue les "réalisations majeures et les expériences historiques" du pouvoir.
Ce rendez-vous politique annuel revêt cette fois-ci une importance particulière: il s’agit de l’ultime réunion de l’élite politique chinoise avant le congrès du Parti communiste (PCC). Cette grand-messe, qui a lieu chaque cinq ans, permet de renouveler et de désigner les dirigeants chinois. Après avoir pris soin d’abolir la limite de deux mandats à la tête du parti en 2018, Xi Jinping devrait être reconduit dans ses fonctions l’an prochain.
Les pages les plus sombres du PCC atténuées
Obsédé par le contrôle, le PCC veille de près sur son histoire et la manière dont elle est retranscrite. Au fil des ans, Pékin n’a pas hésité à atténuer les chapitres les plus sombres d’un passé tumultueux, allant même jusqu’à effacer certains épisodes sensibles de la mémoire collective.
Depuis son arrivée au pouvoir, Xi Jinping se montre particulièrement attentif au facteur historique. "Pour détruire un pays, il suffit simplement d’éradiquer son histoire", avait-il déclaré en 2015. D’où sa préoccupation constante de présenter le parti unique sous son meilleur jour afin d’en renforcer la légitimité. En instrumentalisant l’Histoire, Xi Jinping tente aussi d’imposer son autorité et sa suprématie actuelles et futures.
Des résolutions pour justifier la stratégie politique
Depuis sa fondation en 1921, le Parti communiste chinois n’a publié que deux "résolutions historiques". Sorte d’inventaires du passé, ces documents permettent d’identifier, de choisir et de qualifier les succès et les échecs pour justifier la stratégie politique à venir. Véritable parole d’évangile, ces documents ont largement influencé la direction politique de la Chine.
Avec la première résolution historique décrétée en 1945, Mao Zedong s’était imposé comme figure incontestée au sein du parti après une brutale campagne de "rectification" de trois ans ayant résulté sur la purge de ses opposants idéologiques.
La deuxième résolution historique, publiée en 1981 à l’initiative de Deng Xiaoping, père de l’ouverture et des réformes économiques en Chine, a mis l’accent sur les excès de Mao et ses erreurs. En dénonçant notamment la révolution culturelle et sa décennie de chaos et de destruction, Deng Xiaoping a pu inaugurer la phase libérale responsable du miracle économique chinois.
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Se placer au même niveau que Mao et Deng
Fort de sa propre résolution historique, Xi Jinping entend se placer de fait au même niveau que Mao Zedong et Deng Xiaoping. Si le contenu exact de sa version révisée de l’Histoire n’est pas connu en détails, l’actuel homme fort chinois pourrait pointer les effets pervers d’une libéralisation sauvage pour plaider la nécessité d’un contrôle accru de l’Etat.
Le dirigeant devrait également insister longuement sur ses propres accomplissements au cours de sa décennie au pouvoir, plaçant la Chine sur la voie triomphale de la "renaissance nationale".
La pensée de Xi Jinping comme voie à suivre
Cette troisième résolution renforcera quoi qu’il en soit l’autorité de Xi Jinping, dont la pensée, inscrite dans la Constitution, est d’ores et déjà présentée comme la voie à suivre. De quoi intensifier davantage l’endoctrinement intensif dont fait l’objet depuis quelques années la société chinoise.
En fusionnant sa personne avec l’avenir du parti, Xi Jinping veut se propulser vers un troisième mandat et assure, sur le long terme, son statut d’exception à la tête du pouvoir chinois.
Michael Peuker/oang