Daniel Ortega réélu avec 75% des voix au Nicaragua, une élection dénoncée à l'étranger
Daniel Ortega devance très largement le candidat libéral Walter Espinoza, qui arrive en deuxième place, avec 14,4% des voix seulement, a annoncé la présidente du tribunal électoral Brenda Rocha. Walter Espinoza est accusé par l'opposition d'être en réalité un allié de Daniel Ortega.
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Seul le taux de participation réel pourrait donner une idée de l'adhésion des Nicaraguayens au "ticket" formé par Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017. Le tribunal électoral a donné un taux de participation de 65,34%, tandis qu'un observatoire proche de l'opposition, donnait un taux d'abstention de 81,5%.
Des partisans de Daniel Ortega ont commencé à fêter dans les rues de Managua, lançant: "Nous l'avons fait, Daniel, Daniel!", tandis que de premiers feux d'artifice étaient lancés.
Une communication contrôlée
Craignant une faible participation, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), ex-guérilla au pouvoir, avait organisé des tournées de porte-à-porte pour mobiliser les électeurs. Le président Ortega a accusé ses opposants d'être "des démons [...] qui choisissent la violence". Les candidats arrêtés "conspiraient, ils ne voulaient pas que ces élections aient lieu car ils ont depuis longtemps vendu leur âme à l'empire" nord-américain, a-t-il justifié.
Les journalistes de plusieurs médias internationaux, dont CNN et le Washington Post, se sont en outre vu interdire l'accès au territoire, et le gouvernement a refusé la présence d'observateurs indépendants. Les autorités ont accrédité samedi environ 200 "accompagnateurs électoraux" et journalistes triés sur le volet, des "militants sandinistes" étrangers, selon l'opposition.
Décapitée, ses leaders en détention ou en exil, l'opposition a organisé une manifestation d'environ un millier de personnes à San José, la capitale du Costa Rica où se sont réfugiés plus de 100'000 Nicaraguayens. Les opposants n'avaient qu'un seul mot d'ordre pour les électeurs: "Restez à la maison".
Les cinq candidats inscrits pour affronter le chef de l'Etat sont considérés par l'opposition comme des faire-valoir compromis avec le pouvoir. Selon un sondage Cid-Gallup, s'ils avaient eu le choix, 65% des 4,4 millions d'électeurs inscrits auraient voté pour un candidat de l'opposition, contre 19% pour le président sortant.
Une chasse aux opposants
Trois ans après la répression qui a fait plus de 300 morts parmi les manifestants qui exigeaient au printemps 2018 la démission de Daniel Ortega, la chasse aux opposants fait rage: 39 personnalités politiques, hommes d'affaires, paysans, étudiants et journalistes ont été arrêtés depuis juin. Parmi eux, les sept candidats potentiels susceptibles de constituer une menace pour le président sortant.
Favorite de l'opposition dans les sondages, Cristiana Chamorro, fille de l'ex-présidente Violeta Chamorro, a été la première arrêtée le 2 juin et placée en détention à domicile.
Les opposants sont accusés d'atteinte à la souveraineté nationale, de soutenir les sanctions internationales contre le Nicaragua, de "trahison de la patrie" ou de "blanchiment d'argent", en vertu de lois votées fin 2020 par le Parlement, acquis à l'exécutif, tout comme le pouvoir judiciaire et le tribunal électoral.
La peur court dans le petit pays de 6,5 millions d'habitants, le plus pauvre de la région, en proie depuis les troubles de 2018 à l'inflation, au chômage et à la pandémie de Covid-19, dont l'ampleur est niée par le pouvoir. Héros de la révolution, l'ancien guérillero Daniel Ortega est accusé par ses opposants d'agir de la même façon que le dictateur Anastasio Somoza qu'il a contribué à renverser en 1979.
ats/iar
Contestations de l'étranger, félicitations de Maduro
Les Etats-Unis ont rapidement dénoncé le résultat de ce scrutin. "Ce que le président du Nicaragua et son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, ont orchestré est une pantomime, une élection qui n'a été ni libre, ni juste, et certainement pas démocratique", a déclaré le président Joe Biden, cité dans un communiqué de la Maison Blanche sur "la comédie électorale au Nicaragua".
L'élection s'est déroulée "sans garanties démocratiques" et achève le basculement de ce pays dans un "régime autocratique", a dénoncé de son côté le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell.
Le gouvernement espagnol a lui qualifié de "farce" la réélection de Daniel Ortega, en estimant que le processus électoral n'avait fait l'objet "d'aucune vérification".
A l'inverse, le président du Venezuela Nicolas Maduro a félicité son homologue sans attendre le résultat. "L'impérialisme et ses alliés rampants en Europe pointent du doigt le Nicaragua, mais il y a des gens qui aiment le Nicaragua", a-t-il affirmé dans une allocution télévisée, annonçant son intention de se rendre prochainement dans le pays d'Amérique centrale.