Né en Suisse, Alexander Schallenberg, membre du Parti populaire autrichien, a été désigné directement par son prédécesseur et collègue de parti Sebastian Kurz, jeune prodige politique forcé au départ après une série de scandales liés à des affaires de corruption.
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Par rapport à son prédécesseur, qui était alors le dirigeant le plus jeune d'Europe, il s'inscrit à 52 ans comme un "vieux routinier de la politique". Après avoir commencé en tant que porte-parole du ministère des Affaires étrangères, il a géré plusieurs dossiers avant d'en devenir lui-même le ministre.
Mélange de contraintes et d'incitations
Mais le nouveau dirigeant prend ses fonctions dans un contexte particulier. Il doit stabiliser la situation politique intérieure tout en affrontant, comme les autres dirigeants européens, la résurgence de la pandémie.
Et le dirigeant conservateur assume une stratégie stricte envers les personnes non-vaccinées. Le pays a beaucoup resserré les mesures sanitaires, avec une politique de certificat sanitaire dite "2G", soit uniquement accordée aux personnes vaccinées ou guéries, et non aux personnes testées.
"On fait un mélange de règles strictes, et en même temps on fait tout pour faciliter l'accès à la vaccination", explique Alexander Schallenberg, qui en appelle à la responsabilité sociale. "C'est en quelque sorte une obligation ou une responsabilité de chaque citoyen qui habite en Autriche."
L'Autriche fait face à une situation délicate, avec plus de 10'000 infections enregistrées par jour et un taux de vaccination aux alentours de 64%. Le chancelier se dit optimiste pour convaincre "encore environ une moitié des personnes hésitantes".
Un hiver "rude et solitaire" pour les non-vaccinés
Mais si la situation devait se dégrader encore, il faudra "augmenter la pression sur les non-vaccinés", quitte à mettre en place un confinement ciblé.
"On a établi au sein du gouvernement une procédure très claire, avec différentes étapes au vu des personnes qui sont hospitalisées. Et la dernière étape, c'est un lockdown pour les non-vaccinés", explique Alexander Schallenberg. "Je trouve que ceux qui ont fait tout ce qu'il fallait faire et qui procèdent au troisième vaccin, on ne peut pas les priver de leurs droits."
"Cet hiver va être un hiver pour ceux qui ont des anticorps. Seuls eux auront accès aux pistes de ski, à la gastronomie... Pour les autres, ça sera plutôt un hiver solitaire et rude!", prévient-il, tout en se défendant de créer une société à deux vitesses. "Je ne vois pas ça comme une séparation. On ne donne pas des faveurs, au contraire, on rétablit les libertés pour les personnes vaccinées."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Texte web: Pierrik Jordan
L'Autriche soutient la Suisse dans son dialogue avec Bruxelles
Interrogé sur sa position personnelle et celle de l'Autriche vis-à-vis de la Suisse, et notamment de son rapport avec l'Union européenne (UE) après l'abandon de l'accord-cadre, Alexander Schallenberg se dit en faveur d'une politique constructive de coopération. Mais il met en garde sur la méconnaissance du système helvétique de la part de certains Etats de l'UE.
"Nous sommes d'avis qu'il faut trouver des voies, des nouveaux accès. On est déçus certes, parce que l'accord-cadre aurait été une base. Mais le Conseil fédéral a décidé, et maintenant il faut affronter la situation. Il ne s'agit pas de se venger ou de punir, il faut être rationnel", plaide-t-il.
Une minorité de pays de l'UE connaissent la Suisse
"Je trouve que la Suisse est un pays européen", estime le chancelier autrichien. "La Suisse est un partenaire économique très important, aussi dans la recherche, et il faut trouver des voies pour collaborer le plus étroitement possible", dit-il, précisant aussi qu'il faut préserver "un accès équitable et contrôlé au marché commun".
Alexander Schallenberg note également que l'élargissement de l'Union ces dernières années a compliqué la posture diplomatique de la Suisse sur le front européen.
"Avec les élargissements depuis 2004, le nombre de pays qui connaissent bien les particularités politiques suisses sont devenus minoritaires au sein de l'UE. Et certainement Berne a une tache plus rude de convaincre les 27 pays membres de la particularité de la situation suisse", expose-t-il.
Rétablir la confiance par les actes
Sur le plan de la politique intérieure, ébranlée par les différents scandales de corruption, Alexander Schallenberg se veut confiant. "Je crois que la coalition de gouvernement avec les Verts est assez solide", dit-il.
"La situation reste volatile", concède toutefois le dirigeant. "Mais il ne faut pas oublier qu'on est encore dans une crise, la pandémie n'est pas finie. Et il faut aussi soutenir la croissance économique. On a compris qu'on a cette responsabilité commune, car le peuple autrichien ne veut pas d'une nouvelle crise politique ou de nouvelles élections. Ma tâche en tant que chancelier est de calmer l'affaire", déclare-t-il.
Pour cela, il faudra également rétablir la confiance de la population autrichienne dans la classe politique. Et pour cela, Alexander Schallenberg mise sur les actions concrètes qui constitueront son futur bilan. "C'est le travail de substance qui va rétablir la crédibilité. Il ne faut pas en parler, il faut agir."