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Ce que l'on sait de Peng Shuai, la joueuse de tennis chinoise portée disparue

Le monde du tennis s’inquiète de la disparition de la joueuse chinoise Peng Shuai, qui a accusé un ancien dignitaire communiste de l’avoir abusée sexuellement
Le monde du tennis s’inquiète de la disparition de la joueuse chinoise Peng Shuai, qui a accusé un ancien dignitaire communiste de l’avoir abusée sexuellement / 19h30 / 2 min. / le 19 novembre 2021
De l'ONU à la Maison Blanche en passant par les instances mondiales du tennis, les prises de position se multiplient pour demander à la Chine de faire la lumière sur la disparition de Peng Shuai. La joueuse chinoise n'a pas donné signe de vie depuis début novembre, après avoir provoqué une onde de choc en accusant sur Weibo l'ex-vice-Premier ministre Zhang Gaoli de l'avoir violée.

Née le 8 janvier 1986 à Xiangtan, dans la province chinoise du Hunan, Peng Shuai commence le tennis à l'âge de huit ans, gravissant les échelons jusqu'à atteindre les sommets dans les années 2010.

En 2013 et en 2014, elle remporte ainsi en double les Grand Chelem de Wimbledon et de Roland-Garros avec sa partenaire taïwanaise Hsieh Su-wei. Elle devient même la première Chinoise à accéder à la place de numéro un mondial dans sa discipline au mois de février 2014. La même année, elle est la troisième joueuse du pays à accéder aux demi-finales en simple d'un tournoi du Grand-Chelem, à New York, après Zheng Jie et Li Na.

Ces réussites l'élèvent en Chine au statut d'icône, d'exemple et de coqueluche des médias d'Etat et du gouvernement. Considérée comme une athlète modèle, le People's Daily, le principal journal du parti communiste, estime alors qu'elle sera pour toujours "notre princesse chinoise".

Quelques années plus tard, la joueuse qui faisait la fierté des autorités est dans leur viseur pour avoir dénoncé haut et fort - fait rare en Chine - un viol présumé par un très haut cadre du parti.

Les accusations dans le détail

Le 2 novembre 2021, Peng Shuai se fend d'une très longue publication sur Weibo. Dans celle-ci, elle explique la relation qu'elle a entretenue avec Zhang Gaoli, vice-Premier ministre de l'époque.

"Tu me disais que tu m'aimais (...) mais du début à la fin, tu m'as toujours demandé de garder secrète la relation que j'entretenais avec toi", peut-on lire.

La joueuse décrit la relation sexuelle consentante qu'elle a d'abord eue avec l'homme politique, il y a dix ans. Le membre du comité permanent du bureau politique, âgé aujourd'hui de 75 ans, aurait ensuite disparu de la vie de Peng Shuai, jusqu'à resurgir il y a 3 ans à Pékin, aux abords d'un court de tennis.

Zhang Gaoli, membre du Comité permanent du bureau politique de 2012 à 2017 et vice-Premier ministre de la République populaire de Chine de 2013 à 2018. [Reuters - Kenzaburo Fukuhara]
Zhang Gaoli, membre du Comité permanent du bureau politique de 2012 à 2017 et vice-Premier ministre de la République populaire de Chine de 2013 à 2018. [Reuters - Kenzaburo Fukuhara]

"Après mon match, toi et ta femme m'avez emmenée chez vous. Tu m'as emmenée dans ta chambre et comme ça avait été le cas à Tianjin il y a dix ans, tu voulais coucher avec moi. Cet après-midi, j'étais vraiment effrayée. Je ne m'attendais pas à ce que les choses se passent comme cela (...) J'avais tout enfoui en moi et puisque tu n'avais pas l'intention de prendre des responsabilités, pourquoi es-tu venu me chercher à nouveau, et m'a forcée à faire l'amour ? (...) Il m'est impossible d'avoir des preuves et tu as tout nié par la suite mais cet après-midi-là, au début, je n'ai pas consenti et j'ai pleuré tout le temps", ajoute-t-elle.

Le message de Peng Shai suggère que sa relation avec Zhang Gaoli s'est terminée définitivement après une dispute dans la nuit du 30 octobre 2021. Elle aurait ensuite eu rendez-vous avec lui pour discuter le 2 novembre, mais le politicien ne serait jamais venu. Le soir même, la joueuse postait ses accusations en ligne.

La disparition forcée, une pratique fréquente en Chine

Moins d'une demi-heure plus tard, le message n'était déjà plus disponible sur Weibo et les mots clefs "Peng Shuai" ou même "tennis" étaient censurés sur la plateforme.

Dès le 4 novembre, la Chine avait bloqué toute référence à ce message attribué à Peng Shuai, mais dont l'AFP n'a pas été en mesure de confirmer s'il avait bien été écrit par la joueuse elle-même, son entourage se refusant à tout commentaire.

Depuis, la joueuse n'a pas communiqué directement ou fait d'apparition publique, et Zhang Gaoli n'a pour sa part jamais réagi publiquement à ses accusations.

Cette situation provoque l'inquiétude des organisations internationales et de la WTA, l'association des joueuses de tennis professionnelles, car la République populaire de Chine n'en est pas à son coup d'essai. Sous Xi Jinping, la carrière de nombreuses personnalités s'est arrêtée soudainement car elles déplaisaient au régime. Effacées de l'internet chinois, placées en isolement, peu de détails fuitent sur ce qu'il arrive à ces personnes brusquement prises en grippe par Pékin. La très populaire actrice Zhao Wei est sans doute la dernière victime en date. Depuis le mois d'août 2021, toutes ses références en ligne ont été effacées. La star aux 86 millions d'abonnés s'est quant à elle tout simplement évaporée, sans qu'on ne sache rien de son sort.

>> Revoir aussi le reportage du 19h30 :

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Peng Shuai, ancienne numéro 1 mondiale en double, est portée disparue depuis le 2 novembre dernier / 19h30 / 1 min. / le 16 novembre 2021

Des réactions plus courroucées que d'habitude

Si les réactions ont d'abord été timides, les critiques internationales se sont par la suite faites plus vives que d'habitude. Crispées par la peur de perdre l'immense marché chinois, les associations sportives hésitent souvent à se positionner dans de tels cas. Mais cette fois-ci, la WTA est montée au créneau en demandant une enquête "transparente et juste", allant même jusqu'à menacer la Chine, fait rarissime, de ne plus figurer sur le circuit féminin planétaire du tennis.

Son président, Steve Simon, a de plus mis en doute l'authenticité d'un courriel attribué par un média chinois à la joueuse, dans lequel elle entendait rassurer sur son sort et retirait ses accusations contre Zhang Gaoli. "Je ne crois pas du tout que ce soit la vérité", a indiqué Steve Simon, qualifiant de "mise en scène" le message en question.

Sur les réseaux sociaux aussi, la disparition de la joueuse a fait grand bruit et des stars de la petite balle jaune, allant de Naomi Osaka à Novak Djokovic, en passant par Serena Williams ou Daniil Medvedev, n'ont là aussi pas hésité à partager publiquement leurs inquiétudes sur le sort de Peng Shuai. L'ONU a quant à elle demandé vendredi des preuves que la championne de tennis chinoise Peng Shuai va bien.

Par la voix de la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, vendredi, les Etats-Unis se sont déclarés eux aussi "très préoccupés" par le sort de la joueuse chinoise. Washington appelle Pékin à fournir une "preuve vérifiable" et "indépendante" concernant la sécurité de l'athlète et l'endroit où elle se trouve. "Nous savons que (le gouvernement chinois) n'a aucune tolérance pour les personnes qui s'expriment, et (qu'il y a) des antécédents quand il s'agit de réduire au silence ceux qui s'expriment", a ajouté Jen Psaki.

Jeudi, le président américain Joe Biden avait par ailleurs déclaré "envisager" un boycott diplomatique des Jeux olympiques d'hiver prévus en février à Pékin, pour protester contre les violations des droits humains en Chine.

Vendredi, lors d'un point de presse à Genève, Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a également jugé qu'il serait "important d'avoir des preuves sur le lieu où (Peng Shuai) se trouve et de savoir si elle va bien". "Et nous demandons instamment qu'une enquête soit menée en toute transparence sur ses allégations d'agression sexuelle", avait-elle insisté.

La pression s'accroît donc sur le Parti communiste, qui pensait sans doute qu'en quelques jours cette histoire serait oubliée. Une affaire qui tombe mal pour le pouvoir alors que les Jeux olympiques, déjà plombés par la pandémie de coronavirus, doivent avoir lieu à Pékin du 4 ou 20 février 2022. Sur la toile, de plus en plus d'internautes pressent d'ailleurs leur gouvernement de boycotter l'événement.

ther

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