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Le pronom "iel" n'a pas sa place dans le dictionnaire, estime un linguiste

L'invité de La Matinale (vidéo) - Bernard Cerquiglini, linguiste
L'invité de La Matinale (vidéo) - Bernard Cerquiglini, linguiste / La Matinale / 10 min. / le 22 novembre 2021
Le nouveau pronom neutre "iel", "peu attesté et qui ne résout rien, n'a pas sa place dans le dictionnaire", estime le linguiste français Bernard Cerquiglini. Il critique aussi le langage inclusif et les points médians.

Il y a quelques jours, le pronom "iel" a fait son entrée dans le dictionnaire Robert. Mais il est "très peu attesté, sinon dans des textes militants ou dans des oeuvres littéraires expérimentales", a expliqué lundi Bernard Cerquiglini dans La Matinale de la RTS, justifiant ainsi la décision inverse du dictionnaire Larousse, pour lequel il travaille comme conseiller scientifique.

"Ce mot n'appartient pas - encore - à la langue générale et n'a donc pas à entrer dans un dictionnaire usuel, en un volume, qui regroupe 80'000 mots", précise ce lexicographe, qui a exercé de nombreuses fonctions au ministère français de l’Education nationale et au Conseil supérieur de la langue française. Il détaille ainsi sa réserve par rapport à "l'audace" de ses confrères du Petit Robert.

Décision imprudente

Pour ce linguiste, peut-être l’un des plus célèbres du monde francophone, la décision du Robert est "imprudente", même si ses rédacteurs ont peut-être voulu aider aux progrès de la langue. "Il s'agit non pas, cette fois-ci, de féminiser les noms de métiers. Un pronom, c'est tout autre: il s'agit du système de la langue, de la morphologie, et cela pose toute une série de questions".

Par exemple, comment accorder ce pronom: "Iel est heureux ou heureuse"?, illustre Bernard Cerquiglini. Il faudrait donc introduire du neutre dans la syntaxe du français "parce qu'on a rentré ce petit pronom". Or, depuis de nombreux siècles, la langue française, comme les autres langues romanes, fonctionne sur deux genres, masculin et féminin, rappelle le linguiste.

Le neutre pour les esclaves

"Le neutre du latin, qui d'ailleurs servait à désigner les objets et les esclaves - donc je m'étonne qu'on revendique le neutre du latin - a disparu au profit d'un système à deux genres. C'est le système de la langue française et de bien des langues romanes. Et on ne touche pas à un système ainsi, par simple militantisme", affirme le spécialiste, pour qui il s'agit du coeur de la langue.

Le pronom "iel" n'est pas encore entré dans la langue de tous les jours, ajoute-t-il. Contrairement à tout un vocabulaire issu de la pandémie, que le Larousse a fait entrer l'année passée dans son répertoire.

Contre l'écriture inclusive

Bernard Cerquiglini, pourtant connu comme un linguiste progressiste, s'indigne aussi contre l'écriture inclusive - qui intègre tous les genres dans la typographie d'un même mot. "Nous avons tout ce qu'il faut dans la langue française pour énoncer la parfaite égalité entre les femmes et les hommes, la parfaite égalité des genres. On peut coordonner les pronoms masculins et féminins", soutient le linguiste en prenant l'exemple d'une phrase commençant par "les candidates et les candidats".

Selon lui, il n'est pas nécessaire d'inventer une typographie - car l'écriture inclusive est une typographie, avec ses parenthèses, crochets ou points médians - pour marquer cette égalité. "Avec cette typographie difficile, nous rendons la lecture peu commode, ainsi que l'enseignement de la langue, et nous ne résolvons rien". 

"Toute ma carrière j'ai défendu la langue", en féminisant les professions comme cela était le cas jusqu'au XVIIIe siècle, et "j'appartiens à un courant qui souhaite que la langue soit simple, transparente, à la disposition de tous", résume le linguiste.

Interview radio: Benjamin Luis

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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