L'esclavage est le fait d'exploiter une personne pour sa force de travail, a expliqué lundi Nagham Hriech Wahabi, présidente de l'Organisation internationale contre l’esclavage moderne, dans le 12h30 de la RTS.
"On parle souvent de traite des êtres humains, soit le fait de recruter la personne en la trompant, en lui faisant de fausses promesses ou en la menaçant, avec pour finalité l'exploitation par le travail, avec également des privations de liberté", a-t-elle ajouté.
De nombreux secteurs touchés
En Europe, les secteurs principaux du phénomène sont l'exploitation sexuelle, qui touche à la fois des femmes, des hommes et de plus en plus des enfants, le travail forcé dans le bâtiment, l'agriculture, les boulangeries ou les restaurants, énumère la spécialiste.
La mendicité forcée est également présente, ainsi que la contrainte à commettre des délits, qui touche énormément d'enfants.
L'exploitation des employés domestiques a aussi toujours été très développée en Europe, complète la présidente. "Et ce sont souvent des jeunes femmes qui, pendant longtemps, ont été recrutées dans leur pays d'origine pour venir travailler pour des familles en Europe. Et de plus en plus, elles sont recrutées durant le parcours migratoire, une fois arrivées sur place."
Mieux appliquer les lois
L'arsenal législatif pour combattre ce phénomène est plutôt assez bien fourni au niveau européen, estime Nagham Hriech Wahabi. "Mais la grosse difficulté est ensuite d'identifier des situations individuelles, par exemple dans le travail domestique, car les personnes ne connaissent pas forcément leurs droits ou ne parlent pas la langue du pays. Elles ne peuvent donc pas demander de l'aide."
Pour la spécialiste, l'arsenal législatif gagnerait par conséquent à être mieux appliqué, notamment pour les situations qui relèvent du droit du travail. Elle préconise de viser davantage les conditions d'hébergement indignes ou les conditions de travail indignes, et pas uniquement les infractions au droit du travail. "Il faudrait mettre davantage l'accent sur le respect des droits humains", conclut-elle.
Difficile de porter plainte
Pour les victimes, il est parfois difficile de parler ou de porter plainte, car la personne elle-même ne va pas forcément repérer qu'elle est victime, explique Nagham Hriech Wahabi. "Parce qu'elle n'a pas forcément connu d'autres modes de relation auparavant, ou parce qu'elle se sent complètement dépendante de cette situation, qu'elle a peur."
Pour aider ces personnes, l'Organisation internationale contre l’esclavage moderne va expliquer à la personne qu'elle peut accéder à des droits, quelle que soit sa situation et que ce qui lui est infligé est indigne de la condition humaine. "Nous leur offrons donc une assistance juridique pour les extraire de leur situation, ainsi qu'un accompagnement social et éducatif", relate la présidente de l'organisation.
Celle-ci offre aussi un soutien psychologique pour qu'elles puissent parler des violences subies, car les violences font partie intégrante de ces formes d'exploitation, qu'elles soient physiques ou psychologiques, conclut Nagham Hriech Wahabi.
Interview radio: Yann Amedro
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz