Dans un message envoyée à son homologue Priti Patel, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin estime que si la lettre du Premier ministre britannique au président français est une "déception", le fait d'avoir rendu public ce courrier est "pire" encore. En conséquence de quoi Gérald Darmanin a annulé la rencontre.
Ce différend intervient moins de deux jours après le naufrage d'un navire au large de Calais, qui a entraîné la mort de 27 migrants.
Il s'agit du drame migratoire le plus meurtrier depuis la hausse en 2018 des traversées de la Manche, face au verrouillage croissant du port français de Calais (nord de la France) et du tunnel ferroviaire, empruntés jusque-là.
"La mise en place de couloirs sécuritaires serait une véritable option pour éviter ces dangers, que ce soit dans la mer Méditerranée ou en entre la France et le Royaume-Uni, chose qui n'est jamais faite. Il est possible d'envisager des visas humanitaires, c'est une pratique qui devrait peut-être se développer pour éviter ces drames humains", estime dans Forum Tania Racho, docteure en droit européen, spécialiste des questions migratoires et d'asile.
Demande de renvoi des migrants vers la France
Si la France et le Royaume-Uni semblaient jusqu'ici vouloir taire leurs désaccords et améliorer leur coordination, Boris Johnson a demandé jeudi soir à Emmanuel Macron de reprendre tous les migrants arrivant en Angleterre depuis la France.
"Je propose que nous mettions en place un accord bilatéral de réadmission pour permettre le retour de tous les migrants illégaux qui traversent la Manche", a indiqué le dirigeant britannique dans une lettre publiée sur Twitter, évoquant des accords similaires conclus par l'UE avec le Bélarus ou la Russie.
Semblant sur la même longueur d'ondes, la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel a appelé à un "effort international coordonné", devant les députés britanniques.
La lettre de Boris Johnson est "indigente sur le fond et déplacée sur la forme", a pour sa part déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur BFMTV.
"Le problème dépasse nos frontières"
Etaient invités à Calais dimanche les ministres chargés de l'immigration belge, allemand, néerlandais et britannique, ainsi que la Commission européenne. La réunion est "maintenue" mais "sans les Britanniques", a affirmé vendredi le ministère français de l'Intérieur.
"Le problème dépasse nos frontières. C'est pourquoi nous allons travailler à des solutions communes dès dimanche avec nos partenaires européens", a-t-on ajouté dans l'entourage de Gérald Darmanin.
"Le gouvernement britannique choisit de faire de la politique intérieure à un moment où notre seule priorité devrait être d'éviter de nouveaux drames dans la Manche. Nous le regrettons", a-t-on poursuivi dans l'entourage du ministre.
Lutte contre l'immigration, cheval de bataille après le Brexit
Le ministère de l'Intérieur fait valoir que "l'obsession britannique de renvoyer les migrants en France ne doit pas faire perdre de vue le fait que c'est parce qu'ils n'ont pratiquement plus aucune voie légale pour se rendre au Royaume-Uni que ces hommes et ces femmes tentent cette dangereuse traversée".
La question des traversées, qui attise régulièrement les tensions bilatérales, est délicate pour le gouvernement conservateur britannique, qui a fait de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille dans la foulée du Brexit.
Le drame de mercredi s'est déroulé sur un "long boat", un bateau gonflable fragile au fond souple dont l'utilisation par les passeurs s'est accru depuis l'été. Parmi les victimes figurent 17 hommes, sept femmes et trois jeunes.
Au 20 novembre, 31'500 migrants avaient quitté les côtes depuis le début de l'année et 7800 avaient été sauvés. Avant ce naufrage, le bilan humain depuis janvier s'élevait à trois morts et quatre disparus.
afp/ther
Les pêcheurs français bloquent l'Eurotunnel
Des pêcheurs ont commencé vendredi en début d'après-midi à bloquer l'accès des camions de marchandises au terminal fret du tunnel sous la Manche, pour exiger le règlement des litiges de pêche post-Brexit avec le Royaume-Uni, ont constaté des journalistes de l'AFP.
A bord de plusieurs dizaines de fourgonnettes et voitures, les marins-pêcheurs ont bloqué la bretelle d'accès du terminal côté français, une opération prévue pour durer jusqu'à 16H00 dans le cadre d'une journée d'action nationale des pêcheurs français entamée dans la matinée à Saint-Malo.