Quatre pays ont annoncé le boycott diplomatique des JO d'hiver, Pékin assure qu'ils "paieront le prix"
"Nous sommes profondément troublés par les violations des droits humains du gouvernement chinois", a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau lors d'une conférence de presse.
Quelques heures plus tôt à Londres, le Premier ministre britannique Boris Johnson avait annoncé qu'il y aurait "effectivement un boycott diplomatique des Jeux d'hiver de Pékin". Mais les athlètes britanniques se rendront aux JO, a-t-il poursuivi, soulignant que le boycott sportif n'était "pas la politique" du Royaume-Uni.
Réplique chinoise
"Le gouvernement chinois n'a pas invité" de ministres ou officiels britanniques, a rétorqué un porte-parole de l'ambassade chinoise à Londres, affirmant que les JO sont un rassemblement sportif, "pas un outil de manipulation politique pour quelque pays que ce soit".
"La politisation du sport est une violation patente de l'esprit de la charte olympique, en particulier du principe de neutralité politique", a poursuivi le porte-parole sur le site internet de l'ambassade.
Les sources de tension sont nombreuses entre Londres et Pékin, entre respect des droits humains au Xinjiang, recul des libertés dans l'ex-colonie britannique de Hong Kong et exclusion du géant chinois Huawei des infrastructures 5G britanniques.
Devant les députés britanniques, Boris Johnson a assuré qu'il soulevait régulièrement auprès du régime chinois la question des droits humains, au coeur de la décision des pays occidentaux.
Les Etats-Unis "paieront"
Avant les annonces britannique et canadienne, la décision des Etats-Unis avait suscité la colère de Pékin, et celle de Canberra, le mépris. Pour expliquer sa décision, l'Australie a invoqué la question du respect des droits humains au Xinjiang, mais d'autres différends existent entre Canberra et Pékin, allant de la question des lois australiennes sur l'ingérence étrangère jusqu'à la récente décision d'acquérir des sous-marins à propulsion nucléaire.
Interrogé lors d'un point de presse mercredi, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, a assuré que son pays n'avait jamais eu l'intention d'inviter des hauts responsables australiens. "Tout le monde se fiche de savoir s'ils viennent ou non", a-t-il lancé. La décision de Canberra "montre aux yeux de tous que le gouvernement australien suit aveuglément les pas d'un certain pays", a estimé Wang Wenbin, sans nommer les Etats-Unis.
Washington a en effet annoncé en début de semaine un "boycott diplomatique" au nom de la défense des droits humains. Pékin a rétorqué que "les Etats-Unis paieront le prix de leur mauvais coup".
"Une mesure extrêmement symbolique"
Pour Carole Gomez, directrice de recherche à l'Institut de Relation internationales et stratégiques (IRIS), ce boycott diplomatique est "une mesure extrêmement symbolique" qui a avant tout pour objectif de "marquer les esprits" afin "d'apporter un message collectif et collégial à ces Jeux olympiques et paralympiques".
Invitée de La Matinale jeudi, la spécialiste des relations entre sport et diplomatie juge "qu'une tribune sans doute un peu moins fournie que celle qu'on peut voir d'habitude lors des cérémonies d'ouverture" pourrait impacter l'image de la Chine.
Néanmoins, la chercheuse admet qu'il est encore difficile de savoir quelles seront les véritables conséquences sur le pays: "Cela va dépendre de l'importance que va prendre ce mouvement. Au moment où les Etats-Unis se sont prononcés, ils ont été seuls. Ils sont désormais suivis par l'Australie, le Canada, le Royaume-Uni et la France devrait aussi se prononcer bientôt (...). Il sera intéressant de voir si cela va prendre de l'ampleur et s'il va y avoir une gradation dans les sanctions à l'encontre de Pékin", détaille-t-elle.
Questionnée enfin pour savoir si de tels boycotts ont eu des résultats dans le passé, Carole Gomez tempère: "Il y a eu un boycott à Moscou en 1980 et à Los Angeles en 1984, mais c'était à l'initiative des athlètes (...) Cela n'a par exemple pas eu d'influence sur le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, mais cela a permis de fédérer l'ensemble du bloc de l'Ouest, d'attirer l'attention du grand public et de faire un peu bouger les lignes".
ats/ther
La France ne boycottera pas
La France enverra sa ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, et ne "fera pas" de boycott diplomatique des JO, a déclaré jeudi le ministre de l'Education et des Sports Jean-Michel Blanquer.
"Il faut condamner les violations des droits de l'Homme en Chine, parce qu'il y en a (...) Il faut savoir, s'agissant des compétitions sportives, avoir l'attitude adéquate et adaptée", a ajouté le ministre.
Lors d'une conférence de presse jeudi, le président français Emmanuel Macron a quant à lui estimé qu'un boycott purement diplomatique mais pas sportif serait une mesure "toute petite et symbolique".
"Il faut être clair, soit on fait un boycott complet, on n'envoie pas d'athlètes, soit on essaie de réengager les choses et d'avoir une action utile comme toujours à l'international", a-t-il déclaré.
Paris avait dans un premier temps indiqué qu'il "se coordonnerait" avec les autres pays de l'Union européenne sur l'attitude à adopter.
Les Verts appellent Berne à se joindre au boycott
En Suisse, ce sont les Verts qui demandent que Berne se joigne à ce boycott diplomatique international. Pourtant, la Suisse n'avait pas boycotté les Jeux d'été de Pékin en 2008. Mais pour le conseiller national Nicolas Walder, la situation était totalement différente.
"Il y avait l'espoir assez généralisé que la Chine se dirigeait vers une ouverture et vers une démocratisation. Mais depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir a début des années 2010, la Chine s'est refermée", estime-t-il. "Le niveau des crimes présumés commis aujourd'hui en Chine s'apparente à des génocides de masse."