Englué dans une série de scandales, Boris Johnson vient de faire face à sa plus grande révolte au Parlement britannique. Près de 100 élus de son propre camp conservateur ont voté contre l’instauration d’un pass sanitaire lors de certains rassemblements. Humiliation suprême, il a fallu le concours de l’opposition travailliste pour que la mesure puisse être adoptée.
Et le navire du dirigeant britannique a commencé à sérieusement prendre l’eau la semaine dernière, avec des révélations sur des fêtes de Noël qui se seraient tenues l’an passé à Downing Street, au moment même où le gouvernement imposait des restrictions sanitaires sévères à la population.
Une enquête est en cours et on ignore si Boris Johnson y a participé, mais le mal est fait. Le pays n’a pas oublié le confinement draconien de l’hiver dernier.
Dégringolade dans les sondages
Aux yeux des Britanniques, Boris Johnson passe non seulement pour un hypocrite qui ne respecte pas ses propres règles, mais aussi pour un lâche qui a nié toute incartade alors qu'une vidéo tombée dans les mains des médias suggère l’inverse.
D'autres scandales avaient précédé, comme des soupçons de mensonge sur l’argent dépensé pour redécorer son appartement officiel, des accusations de favoritisme vis-à-vis des généreux donateurs du Parti conservateur ou des accusations de copinage pour avoir tenté de protéger un ami député.
Par conséquent, le Premier ministre, qui avait réussi à prouver jusqu'ici qu'il pouvait sortir indemne de n'importe quelle situation, a dégringolé dans les sondages.
Un homme désormais en sursis
L'humeur a également changé au sein du Parti conservateur. Beaucoup de députés sont désormais furieux contre la manière de gouverner de Boris Johnson, ses faux pas, ses volte-face, son dilettantisme et son rapport plus qu’approximatif avec la vérité.
Cette colère s’est clairement exprimée lors du vote sur de nouvelles restrictions sanitaires mardi. Ils n’ont plus peur de lui tenir tête et protester contre un tour de vis sanitaire jugé liberticide.
Mais il s’agit aussi d’envoyer un message au Premier ministre: il est désormais en sursis. "Boris Johnson est entré dans une zone de danger", a ainsi souligné l'un de ces députés frondeurs, Sir Geoffrey Cliffton-Brown, jeudi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
"Il doit en prendre conscience (…) S’il admet ses erreurs, qu’il agit différemment l’année prochaine, qu’il consulte davantage son parti, alors nous aurons une bonne chance de nous unir, mais si cela n’arrive pas, ce sera difficile."
De fait, l'horizon politique de Boris Johnson s’est clairement obscurci. Son capital sympathie s’est évaporé, tout comme son autorité.
Une élection test jeudi en Angleterre
Hasard du calendrier, une élection test se déroule jeudi dans une circonscription du centre de l’Angleterre, considérée comme l’un des bastions conservateurs les plus sûrs. Et il est possible que le siège en jeu pour le Parlement échappe au Premier ministre, ce qui mettrait encore un peu plus à mal sa légitimité.
"Je pense que si les conservateurs perdent leur siège dans le North Shropshire, cela va causer un certain degré de panique, mais pas au point de ne pas laisser une chance supplémentaire à leur leader", tempère cependant le politologue Tim Bale, de l'université londonienne Queen Mary.
Moins pire que les autres papables
Même s'il est peu probable que Boris Johnson tombe pour l’instant, cela n’empêche pas de potentiels successeurs de tâter discrètement le terrain. "Ceux qui sont souvent mentionnés sont Liz Truss, cheffe de la diplomatie, Rishi Sunak, chancelier de l’échiquier, et Sajid Javid, ministre de la Santé. Ils sont tous des néolibéraux dans la lignée de Margaret Thatcher", fait remarquer Tim Bale.
Ils incarnent à ses yeux "un conservatisme qui ne convient pas vraiment aux électeurs du Nord et des Midlands, qui ont été conquis par les conservateurs en 2019 au détriment des travaillistes".
Les prochaines élections générales n’auront pas lieu avant 2024 et les conservateurs ont donc un peu de temps s’ils veulent miser sur un autre cheval. Même en sursis, Boris Johnson demeure encore à leurs yeux la moins mauvaise option.
Catherine Ilic/oang