A compter de ce 1er janvier, la France préside pour six mois le Conseil de l'Union européenne, qui représente les intérêts des 27 Etats-membres face à la Commission et au Parlement européens. Elle succède à la Slovénie.
Symbole de ce relais, la Tour Eiffel et l'Elysée se sont illuminés en bleu, couleur de l'Europe, à minuit. Des dizaines d'autres monuments emblématiques le seront à travers tout l'Hexagone durant la première semaine de janvier.
C'est la 13e présidence semestrielle tournante exercée par la France depuis 1958 et la première depuis 2008. La présidence semestrielle convoque les réunions des ministres, fixe l'agenda et conduit les négociations.
Concrètement, les ministres français présideront durant un semestre les réunions de leurs homologues européens dans leur domaine de compétence (agriculture, santé, intérieur...).
Rendre l'Europe puissante
Pendant six mois, la France va donc disposer d'un important pouvoir d'influence pour faire avancer certains sujets et trouver des compromis à 27 même si l'exercice, très encadré, implique neutralité et doigté. Emmanuel Macron, déjà élu en 2017 sur un programme pro-européen, a fixé comme objectif de la "PFUE" (présidence française de l'UE selon un sigle raccourci) de rendre "l'Europe puissante dans le monde".
"La France aura (de facto) une période très courte pour la présidence - et un agenda très ambitieux. Trois mois, c'est très, très bref. Ça va être très sportif", observe Claire Demesmay, chercheuse au centre franco-allemand Marc-Bloch à Berlin.
Elle va devoir jouer de son influence pour faire avancer certains sujets et dégager des compromis à 27 même si cet exercice d'"honnête courtier", très encadré, lui interdit d'être à la fois juge et partie.
La future présidence française a mis en avant trois priorités - des salaires minimum dans toute l'UE, la régulation des géants du numérique et une taxe carbone aux frontières - sur lesquelles elle peut espérer des résultats. Emmanuel Macron plaide aussi pour une Europe qui "sache protéger ses frontières" face aux crises migratoires et a esquissé une série de réformes, dont celle de l'espace Schengen.
>> Lire aussi : Emmanuel Macron veut réformer Schengen pour mieux protéger les frontières
Les crises, une chance pour faire émerger une vision européenne?
Les crises offrent aussi une tribune de premier plan. Emmanuel Macron pourrait ainsi faire entendre la voix de l'Europe dans les négociations russo-américaines à venir sur l'Ukraine et la sécurité en Europe.
"L'Histoire lui offre peut-être une chance (de faire) émerger une vision européenne" sur ces enjeux, souligne Michel Duclos, ancien ambassadeur, dans une tribune au quotidien français L'Opinion.
Ce pari pro-européen n'est pas sans risque dans un pays parmi les plus eurosceptiques de l'UE, où l'Europe reste perçue comme distante et bureaucratique.
"La présidence de l'UE peut contribuer à corriger cette appréciation en proposant une incarnation de l'Europe, au bénéfice et par la personne d'Emmanuel Macron", considère Pierre Sellal, ex-représentant de la France auprès de l'UE.
La nouvelle vague de Covid-19 qui submerge l'Europe pourrait toutefois gâcher la "fête" pour les quelque 400 réunions et événements programmés aux quatre coins de l'Hexagone.
>> Lire aussi : Il y a 20 ans, l'euro s'imposait, non sans heurts, dans les ménages
boi avec afp
Un tremplin pour la présidentielle?
Si la France va présider l'Europe durant six mois, elle aura toutefois surtout les yeux tournés vers la présidentielle des 10 et 24 avril, puis des législatives qui vont suivre, un scénario déjà vécu en 1995, quand Jacques Chirac avait succédé à François Mitterrand.
Pas encore officiellement candidat, Emmanuel Macron va toutefois assurément profiter de cette aubaine européenne pour avancer ses pions. "Cette présidence lui offre une plateforme bienvenue pour mettre en avant son bilan européen, se distinguer de certains de ses concurrents et porter de nouvelles revendications, de nouvelles idées", résume Claire Demesmay, chercheuse au centre franco-allemand Marc-Bloch à Berlin.
Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement informel des 10 et 11 mars en France, qui doit aborder la réforme du pacte de stabilité et de croissance, un thème cher à la France, peut aussi s'avérer "un coup de maître politique", relève Sébastien Maillard. "Faire une démonstration de force de son leadership européen, entouré de ses homologues à un mois du premier tour, ça peut conforter sa stature", note-t-il.
Mais cette exposition peut aussi s'avérer à double tranchant: "Il ne peut pas arriver au premier tour sans avoir obtenu quelques résultats de sa présidence européenne. C'est la difficulté pour lui mais ce peut être aussi une vraie chance", estime Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors à Paris.
>> Lire aussi : Macron, Pécresse, Le Pen... qui sont les sept favoris de la présidentielle française?