Sur le terrain, les Jeux olympiques (JO) à venir suscitent un faible engouement auprès de la population, loin de la ferveur de 2008. Beaucoup de Chinois et Chinoises se montrent même indifférents et jusqu'ici la promotion de l'événement a été assez discrète en dehors de Pékin.
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"Je ne m'y intéresse pas… Je ne sais rien. J'ai l'impression que la promotion a été assez faible. Du coup, je ne suis pas très au clair avec l'événement. J'ai déjà vu des gens pratiquer ces sports d'hiver, au nord, une fois. Mais je n'ai jamais essayé. Je vous l'ai dit, ça ne m'intéresse pas", témoigne M. Yin, vendeur à Shanghai, mardi dans La Matinale.
"Rien à voir avec les JO de 2008"
Une population peu portée sur les sports d'hiver, la prudence d'un pouvoir barricadé derrière sa muraille sanitaire et des tensions internationales lestées par les appels au boycott (lire encadrés) sont autant de raisons qui expliquent la retenue des autorités.
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Même si la propagande est plus mesurée que lors des JO de 2008, elle commence à s'intensifier dans le pays.
"En 2008, la Chine a organisé ses premiers JO qui lui ont permis de faire son grand 'coming out' au monde en affichant sa puissance", analyse Susan Brownell, professeure à l'Université du Missouri et experte du sport en Chine. "Ces JO d'hiver sont différents en termes de motivation. La Chine a déjà eu sa grande fête en 2008, elle n'a pas besoin d'une deuxième. Certes, politiquement, c'est un événement qui reste important, mais sa portée n'a rien à voir avec les JO de 2008."
L'enjeu de la situation sanitaire
L'enjeu pour Pékin sera donc de prouver, à domicile avant tout, l'efficacité et la supériorité de son système, en accueillant l'événement sans mettre à mal la situation sanitaire en Chine.
Or, avec l'apparition de plusieurs foyers de Covid-19 ces derniers mois (lire encadré), les autorités sont plus que jamais sur les dents à la veille de JO qui s'annoncent pour le moins particuliers.
vajo
Nicolas Bancel: "La Chine n'a plus rien à prouver à l'Occident"
Nicolas Bancel, historien et professeur à l'Institut des Sciences du sport de l'Université de Lausanne, était invité dans le 12h30 de la RTS mardi.
RTS: Quel impact un boycott diplomatique des Jeux olympique de Pékin peut-il avoir?
Nicolas Bancel: L'impact sera très limité, puisque cela ne concerne que quatre pays: le Canada, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Australie. Et c'est un boycott diplomatique. Les équipes sportives seront présentes. Cela va simplement contribuer à la tension entre cette partie de l'Occident et la Chine.
Dans ce contexte, est-ce que Pékin pourra utiliser ces JO pour son prestige?
Pékin va quand même le faire, même si la propagande commence doucement. Ce ne sont pas les JO de 2008. Les JO d'hiver n'ont pas le même prestige que les JO d'été. En 2008, Pékin devait prouver au monde la puissance de la Chine. Aujourd'hui, cette puissance ne fait plus aucun doute, la Chine n'a plus rien à prouver à l'Occident. La Chine s'inscrit même dans une stratégie de tensions face à l'Occident. Il n'y a pas les mêmes enjeux qu'il y a treize ans, les JO seront moins importants d'un point de vue géopolitique.
L'enjeu sera davantage sanitaire...
La Chine a opté pour une stratégie 'zéro Covid'. Les règles sont donc extrêmement strictes. Les athlètes vont être confinés, chacun dans une partie du village olympique. Les visiteurs étrangers ne seront pas admis comme spectateurs. La vaccination et deux tests négatifs sont exigés simplement pour entrer en Chine. Et les athlètes seront soumis à des tests quotidiens. La stratégie sanitaire est maximale. Les autorités ne veulent pas que ces JO débouchent sur l'apparition d'un foyer épidémique en Chine.
Propos recueillis par Yann Amedro
Un protocole sanitaire très strict
Les organisateurs des Jeux olympiques ont édicté un protocole extrêmement strict. Le "playbook", document de 78 pages, réunit les règles à respecter, sous peine d'être disqualifié.
La première règle exige que tout le monde soit vacciné. Mais ce n'est pas tout. Pour entrer en Chine, les athlètes devront présenter deux tests négatifs dans les 96 heures qui précèdent leur arrivée. Ils devront ensuite se faire tester quotidiennement.
La deuxième règle: c'est que tout se passe en circuit fermé. Les 3000 athlètes seront disséminés dans 13 villages olympiques indépendants. Ils devront limiter leurs déplacements à leur village et à leurs sites de compétition et ils ne pourront se déplacer qu'avec des véhicules de l'organisation.
Si un athlète est testé positif, mais sans symptôme, il sera placé dans une chambre d'hôtel. Les symptomatiques seront emmenés dans un hôpital. La sortie d'isolement sera conditionnée à la présentation de deux tests négatifs.
Ces JO se dérouleront dans des meilleures conditions qu'à Tokyo, insiste le CIO. Contrairement à Tokyo, ces Jeux devraient accueillir des spectateurs, mais pas de l'étranger. Dans une proportion qui reste encore à déterminer.
La communauté tibétaine manifeste son opposition en Suisse
Des militants pro-tibétains se sont rassemblés mardi dans plusieurs villes de Suisse pour protester contre la tenue en février des Jeux olympiques à Pékin. Ils ont demandé à la Suisse de suivre l'exemple d'autres pays, et de boycotter diplomatiquement ces JO.
A Genève, plusieurs dizaines de personnes se sont réunies sur la place des Nations, devant l'ONU, pour dénoncer les violations répétées des droits de l'homme en Chine, que ce soit au Tibet, où l'oppression menace d'effacement la culture et l'identité locales, ou au Xinjiang, avec la répression des Ouïghours.
Mardi matin également, des actions ont été menées dans plusieurs autres villes de Suisse par des membres de la "Tibetan Youth Association in Europe" comme à Lausanne.
D'autres opérations ont été menées ailleurs en Suisse. Comme à Zurich, où l'on pouvait lire "Boycott Beijing 2022" sur une banderole fixée sur l'un des ponts enjambant la Limmat.