Dans ce pays enclavé du Sahel, deux coups d'Etat survenus en moins d'un an ont provoqué la colère de la communauté internationale. La junte au pouvoir depuis août 2020 a été sanctionnée dimanche par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l'Ouest (Cédéao). Et tout le pays avec elle.
Pourtant, la population ne semble pas fondamentalement hostile à ce pouvoir de transition. Mais aucun des quinze pays-membres de la Cédéao ne reconnaît les autorités militaires. Au lendemain du premier coup d'Etat d'août 2020, la junte avait promis de rendre le pouvoir aux civils. Des élections devaient être organisées le 27 février prochain.
Soutien occidental à la Cédéao
Cette solution était approuvée par tout le monde. Mais il y a trois semaines, le gouvernement a convoqué les organisations de la société civile lors d'une grande consultation dans les régions et dans la capitale Bamako. Les conclusions ont recommandé que la transition soit rallongée, de cinq mois à cinq années supplémentaires, afin de réformer correctement le pays.
Un nouvel échéancier, qui prévoyait des élections en décembre 2025, a alors été présenté aux Etats ouest-africains, qui l'ont rejeté en bloc et ont donc décidé d'établir ces sanctions, saluées et soutenues mardi par la France et l'Union européenne. Elles sont pourtant lourdes de conséquences pour l'un des pays les plus pauvres du monde, en pleine instabilité politique.
Dans la population malienne, la nouvelle de ces sanctions fait gronder la colère contre la Cédéao, et croître un certain soutien au gouvernement de transition. En effet, celui-ci s'est lancé dans de grands travaux de réorganisation de l'administration, et également de lutte contre une corruption qui la gangrène. Des réformes attendues par la population.
Rapport de force défavorable au Mali
L'abandon de la part de la Cédéao pourrait être lourd de conséquences pour le Mali. D'une part, le pays est au coeur depuis 2013 de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui l'aide à faire face aux menaces terroristes. Or, sur les quelque 13'000 casques bleus engagés, plus de 5000 sont fournis par douze des quinze pays de la Cédéao. Leur retrait serait une catastrophe.
D'autre part, il s'agit d'un pays enclavé, entouré par sept autres pays, qui vit de l'importation, en particulier du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. "Les pays de la Cédéao pourraient facilement vivre sans le Mali en leur sein, plutôt que l’inverse", explique ainsi Boubacar Haïdara, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde. Un conflit avec la Cédéao représenterait donc un désastre économique pour le pays.
Dialogue ouvert
Ainsi, selon le chercheur, la question de quitter ou non la Cédéao ne se posera pas pour le Mali. Le dialogue restera ouvert et une solution sera trouvée dans les semaines à venir. Une analyse qui semble étayée par le discours d'apaisement prononcé lundi soir à la télévision nationale par le président du gouvernement de transition, le colonel Assimi Goïta.
"Je dois vous dire que même si nous regrettons le caractère illégitime, illégal et inhumain de certaines décisions, le dialogue reste ouvert au dialogue avec la Cédéao", a-t-il alors déclaré.
Paul Lorgerie/jop