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Des Jeux olympiques verts et durables, l'ambitieuse promesse de Pékin sous la loupe

La rampe de saut à ski à Zhangjiakou a été pensée pour avoir un impact minimal sur l'environnement. Avec succès ? [AFP - Laurence Chellali]
Des Jeux olympiques verts, la promesse ambitieuse de la Chine / Tout un monde / 6 min. / le 12 janvier 2022
La Chine compte bien faire de ses Jeux olympiques d'hiver une vitrine de durabilité. A tout juste trois semaines du coup d’envoi de ces joutes hivernales, des voix s’élèvent cependant pour dénoncer les dérives environnementales.

Malgré ses pistes flambant neuves aux tracés méticuleusement dessinés, ses infrastructures dernier cri, ses "villages alpins" fraîchement sortis de terre, un ingrédient fait cruellement défaut pour parfaire l’illusion d’une boule à neige… la neige.

"Ces jeux seront parmi les moins durables, parce qu'ils se tiendront dans un environnement sans neige naturelle et dans un climat extrêmement aride", explique Carmen De Jong. Professeure à la faculté de géographie et d’aménagement du territoire de Strasbourg, cette spécialiste en hydrologie a étudié de près les différents sites de Pékin 2022.

Les pentes naturellement enneigées sont rares en Chine. Le nord du pays est majoritairement sec à quelques exceptions. Les canons à neige sont donc indispensables. Carmen De Jong estime à deux millions de mètres cube la quantité d’eau nécessaire pour blanchir l’ensemble des sites olympiques.

"Ils veulent une image alpine, un monde féérique. Tout doit être enneigé pour produire cette illusion. Pour y arriver, pas moins de 10'000 mètres cube d'eau par hectare seront nécessaires", détaille-t-elle. Une quantité d'eau qualifiée d'extraordinaire comparé aux Alpes, où l’enneigement artificiel requiert en moyenne 3000 à 6000 mètres cube d'eau par hectare par saison.

Promotion du renouvelable dans le pays du charbon

Pas de quoi émouvoir Zhang Li, architecte en charge de la conception du site principal de ski situé à Zhangjiakou, où trône notamment le tremplin de saut à ski. "Fabriquer de la neige et capter ensuite l’eau lors de la fonte permet d’assurer un cycle naturel parfait. Grâce à l’absence d’additifs ou de produits chimiques, le sol réabsorbera l’eau sans conséquences néfastes", expose-t-il.

Reste la question énergétique: alimenter les canons et, surtout, acheminer l’eau des différents réservoirs vers le sommet des pentes requiert une quantité d’énergie non-négligeable. "Nous utilisons exclusivement de l’électricité verte", se félicite Zhang Li. "Nous avons la chance de bénéficier des champs d’éoliennes et de panneaux solaires des régions qui entourent les sites de compétition."

Des canons à neige en pleine action sur un site des JO dans la région de Zhangjiakou. [Keystone - Mark Schiefelbein]
Des canons à neige en pleine action sur un site des JO dans la région de Zhangjiakou. [Keystone - Mark Schiefelbein]

Des centaines de nouvelles turbines ont été plantées à proximité de Zhangjiakou. Elles doivent permettre de générer 14 millions de kilowatts, soit une production identique à celle de Singapour. Sept millions de kilowatts supplémentaires issus de panneaux photovoltaïques seront également acheminés vers une centrale destinée à alimenter les différents sites olympiques.

Ces efforts participent au développement des énergies renouvelables dans un pays dont le charbon reste la principale ressource. La houille pèse encore 65% dans la production électrique nationale.

Réserve naturelle "déplacée"

Les organisateurs soulignent en outre l'empreinte minimale des installations: "De nombreuses structures comme le tremplin de saut à ski ont été construites de manière surélevée pour permettre la continuité du passage des diverses créatures et de petits animaux. La faune et la flore ont bien été prises en compte dans les différents projets", rassure Zhang Li.

Mais ces gages peinent à convaincre de nombreux biologistes et experts, dont Carmen De Jong: "Le site alpin de Yanqing a été installé au cœur de la réserve de Songshan. Classée officiellement, elle abrite de nombreuses espèces protégées dont un type rare d’orchidée et des espèces menacées comme le léopard doré".

Plusieurs scientifiques chinois avaient sonné l’alerte à ce sujet en 2015, inquiets de l’impact écologique des différents projets olympiques. La revue scientifique Nature s’était faite l’écho de cette polémique, rapidement étouffée. Censurées par les autorités, les voix critiques sont aujourd'hui inaudibles.

Les responsables régionaux, quant à eux, nient tout problème. Les contours de la réserve naturelle auraient été redessinés et étendus pour éviter tout impact négatif. "Ce n’est pas sérieux! On ne déplace pas aussi facilement une réserve naturelle", dénonce Carmen De Jong qui souligne l’opacité du système cadastral en Chine et la complaisance du Comité International Olympique dans cette affaire.

Pénuries d'eau

Peu en Chine osent aujourd'hui questionner ouvertement la nature ou le bien-fondé des infrastructures de Pékin 2022. Zhang Junfeng se contente pour sa part de rappeler prudemment la réalité hydrologique qui caractérise la Chine. "Toute la moitié nord du pays souffre d’une pénurie d’eau chronique extrêmement grave".

La Chine a beaucoup investi pour développer les sports d'hiver dans le pays. Ici, le site principal de ski des Jeux olympiques, situé à Zhangjiakou. [Keystone - Roman Philipey]
La Chine a beaucoup investi pour développer les sports d'hiver dans le pays. Ici, le site principal de ski des Jeux olympiques, situé à Zhangjiakou. [Keystone - Roman Philipey]

Cet ingénieur et militant écologiste organise régulièrement des excursions le long de cours d’eau pour sensibiliser le public à cette problématique. "A partir de 2012, le gouvernement a multiplié les déviations et projets de transfert d’eau du sud au nord pour limiter le manque d’eau. Si la détérioration des ressources aquifères a pu être ralentie, la crise est très loin d’être résolue", explique-t-il. Une crise aigüe que promet d’intensifier encore le réchauffement climatique.

Opportunité de promouvoir les sports d'hiver

"Les Jeux olympiques, c’est en fin de compte un petit problème à côté de l’objectif final du gouvernement qui utilise l’évènement comme catalyseur pour promouvoir les sports d’hiver", explique Carmen De Jong, inquiète par la multiplication des installations dans le sillage de la candidature de Pékin 2022.

Le pays compte en effet désormais plus de 700 stations de ski. "Avec de tels sites qui dépendent largement de l’enneigement artificiel, on va vers une situation potentiellement catastrophique à l'avenir. De mettre cette eau en jeu pour un pur passe-temps, c’est peut-être le plus grave dans toute cette affaire... Ce n’est pas une nécessité humaine", déplore-t-elle.

Loin d’être une nécessité humaine, l’industrie des sports d’hiver, encore balbutiante en Chine, constitue toutefois une opportunité économique. Flairant un filon susceptible de dynamiser l'activité des provinces du nord, Pékin tente de promouvoir le ski qui ne fait pas partie de l'ADN de sa population.

"Il faut observer ce phénomène par le prisme des autorités locales de régions souvent assez pauvres, moins gâtées par la croissance économique. Elles sont prêtes à sacrifier une partie des ressources en eau pour parvenir à améliorer leurs perspectives de développement sur le long terme. Si je comprends cette stratégie, je ne la cautionne pas", se risque pour sa part Zhang Junfeng.

Michael Peuker

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