Dans l'État rural du Bihar, au nord-est de l’Inde, l’indice de fécondité est le plus élevé du pays. Mais c’est aussi dans cette région que la fertilité a le plus fortement baissé ces dernières années. Les femmes ont peu accès aux moyens de contraception et ont encore en moyenne plus de trois enfants.
Usha Devi, assistante sociale depuis plus de 10 ans, est en première ligne d’une petite révolution qui annonce la fin du boom démographique indien. Son objectif est de sensibiliser les femmes au planning familial.
La stérilisation plutôt que les enfants
Pour éviter aux femmes la pression de grossesses non-désirées ou des avortements souvent risqués, Usha Devi les encourage à opter pour la stérilisation, une méthode radicale loin de faire l'unanimité dans le pays.
"Quand j’ai commencé, les gens m’envoyaient balader avec mes histoires de stérilisation. Ils se méfiaient et me disaient de me faire stériliser moi-même avant de venir les voir. Mais maintenant les familles sont plus ouvertes à l'idée. Les femmes me disent qu’elles vont y réfléchir et en parler à leur mari et belle-famille", explique l'assistante sociale.
"Les femmes portent toute la responsabilité de la contraception"
En Inde, plus d’un tiers des femmes mariées en âge de procréer se font stériliser de leur propre chef. "Très peu d’hommes se font stériliser en Inde rurale. Ce sont les femmes qui portent toute la responsabilité de la contraception. Les hommes ne veulent pas le faire", précise Usha Devi.
Dans certains hôpitaux de campagne, deux jours par semaine sont consacrés à des opérations de stérilisation et les patientes sont nombreuses. C'est par exemple le cas de Madhuri Kumari, 25 ans, qui a subi une ligature des trompes. Une intervention chirurgicale de stérilisation irréversible que la jeune femme a choisie, convaincue par Usha Devi.
"C’est elle qui m’a conseillée. Elle m’a dit: “Madhuri, tu as déjà deux filles et un garçon, tu n’as pas besoin d’un autre enfant ”. Elle m’a dit qu’elle portera la responsabilité de l'opération. Je suis illettrée mais je ne veux pas que mes enfants le soient. Ils ont leur vie à réussir, ils ont le droit d’avoir une meilleure existence. (...) Les gens me disent d’avoir un autre garçon. Mais je ne veux plus ce genre de pression", raconte Madhuri Kumari.
"Les aspirations des jeunes Indiennes ont changé"
La stérilisation plutôt que l’agrandissement familial, la décision est de moins en moins stigmatisée dans le pays. Punam Muttreja, directrice de la Fondation indienne pour la population, voit dans ce changement le début d’une nouvelle ère pour les femmes indiennes.
"Les aspirations des jeunes Indiennes ont changé et elles font plus que jamais usage de leurs droits. Elles essaient de repousser l'âge du mariage, l'âge du premier enfant mais c’est surtout leur éducation qui est la meilleure pilule contraceptive. Elles veulent aussi éduquer leurs enfants, les maintenir en bonne santé et les soutenir financièrement. Donc tout le monde ne peut pas se permettre d’avoir plus de deux enfants", précise Punam Muttreja.
Propos recueillis par Anida Saifi et Thomas Denis
Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva