En 7 ans, le Kenya a enregistré une hausse de 12% du nombre de ses éléphants grâce notamment aux lois anti-braconnage et aux organisations de protection de la faune. Mais avec l'augmentation de la démographie qui devrait doubler d'ici 2050 en Afrique, les animaux sauvages et les populations locales se disputent les mêmes ressources: eau, nourriture, espace.
Cette compétition entraîne chaque jour des dégâts colossaux. Pillages des cultures par les éléphants d’un côté, vengeances sur les animaux à coups de lances et de flèches de l’autre et, au milieu, des victimes collatérales. Maina Sein Sumaiya s’est fait charger par un éléphant il y a quelques mois. "J'allais chercher du bois quand je suis tombée face à face avec un éléphant. Il m'a chargée, poussée contre un arbre et m'a cassé la jambe en deux. (...) Je ne peux plus travailler et ce sont mes enfants qui doivent aller chercher l'eau et le bois", raconte-t-elle au micro de Mise au Point.
Une cohabitation compliquée
Pour atténuer les conflits toujours plus nombreux entre les éléphants et les humains, l’association de protection de la faune Big Life a mis en place des patrouilles nocturnes. Leur but: empêcher les éléphants de s'introduire dans les champs pour manger les cultures. "Sans nous, les rangers, la vie des paysans serait encore plus compliquée. Il y aurait aussi plus d’éléphants attaqués à coups de flèches ou empoisonnés. Ce qui signifie qu’ils pourraient même disparaître", explique Johnson Salash, un ranger de Big Life.
Un seul éléphant a besoin chaque jour de 300 kg de nourriture et 150 litres d’eau. "S’il ne trouve pas ses besoins dans son habitat naturel, l’éléphant ira toujours chercher ailleurs", explique Samuel Ole Kaanki, chef de projets chez Big Life.
La guerre des ressources
Pour Jeremy Goss, responsable scientifique à Big Life, le problème "c'est que les champs s'étendent désormais jusqu'en bordure des habitats naturels des éléphants. (...) A mesure que le milieu naturel des éléphants se réduit, la compétition pour les ressources devient tellement grande qu’ils sont obligés de quitter leur écosystème pour trouver de l’eau ou de la nourriture dans les champs et les habitations".
Au Kenya, 60% de la faune vit en dehors des zones de protection. Pour atténuer l’intrusion des éléphants dans les champs tout en leur permettant de circuler librement, Big Life a déjà posé 100 kilomètres de barrières électrifiées à l’énergie solaire. Mais ces infrastructures sont chères, elles coûtent 10’000 dollars le kilomètre de barrière et elles n'empêchent pas l'attrait de la région pour les grands promoteurs agricoles.
Des cultures au milieu de la faune
Des hectares de cultures se retrouvent au milieu de zones stratégiques pour la faune. Samuel Ole Kaanki, président de l'ALOCA (Association de conservation des propriétaires terriens d'Amboseli), n’a rien pu faire pour arrêter les promoteurs agricoles.
"C’est un corridor de migration. (...) En bloquant ce corridor, ils perturbent les éléphants qui doivent alors chaque jour changer de route. Ce qui les rend plus agressifs. Du coup, s’ils voient une personne sur leur chemin, ils peuvent la charger et la tuer. Chaque mois, on perd au moins une ou deux personnes à cause de cette perturbation de la faune", explique Samuel Ole Kaanki.
Propos recueillis par Magali Rochat
Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva