Les Jeux olympiques n'ont pas encore commencé que les polémiques se multiplient autour de l'événement qui se tiendra à Pékin du 4 au 20 février. Il y a d'abord l'ombre du variant Omicron. Pour lutter contre sa propagation, le public étranger sera absent et les Chinois autorisés à assister aux compétitions soigneusement sélectionnés. Car un foyer épidémique au coeur des JO serait une catastrophe pour la Chine.
"Pékin ne peut pas se permettre de rater ses Jeux pour plusieurs raisons", selon le chercheur français Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, invité de l'émission Géopolitis. "Les autorités chinoises défendent leur politique "zéro Covid" et promeuvent la supériorité de leur modèle de gouvernance dans la gestion de la pandémie", détaille-t-il. Elles se vantent de n'avoir 'que' 5000 morts par rapport au million de décès aux Etats-Unis. Il ne faut donc absolument pas qu'il y ait un foyer épidémique au coeur des JO".
Appels au boycott
Au-delà du risque sanitaire, il y a aussi un risque politique pour la Chine à se retrouver ainsi sous le feu des projecteurs. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, ont annoncé le boycott officiel des Jeux pour protester contre la violation des droits humains par la Chine. "Pékin essaie de [les] masquer systématiquement au Xinjiang et, plus largement, sur l'ensemble du territoire chinois", rappelle Antoine Bondaz.
La Chine, qui a pourtant fini par admettre l'existence des camps de redressement des Ouïghours, ne se laisse pas déstabiliser par les boycotts et a même une stratégie de communication bien rodée. "Pékin renverse cela pour souligner que les Etats-Unis sont en réalité isolés puisqu'ils n'ont pas réussi à convaincre d'autres alliés à boycotter les JO, par exemple la France", décrypte le chercheur de la Fondation pour la recherche stratégique. Cette attitude illustre à elle seule le fonctionnement de la propagande chinoise ces dernières années: disqualifier le modèle occidental pour mettre en avant un modèle alternatif, en particulier dans les pays en voie de développement.
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Rappels à l'ordre
"Même si les Etats-Unis sont omniprésents dans la propagande, aujourd'hui, les principaux défis de la Chine sont intérieurs plus qu'extérieurs", observe Antoine Bondaz. "Depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir fin 2012, il y a une concentration du pouvoir dans la société autour du Parti communiste et, dans le Parti, autour de Xi Jinping. Pékin doit garantir la cohésion sociale parmi les élites du Parti et entretenir une stabilité sociale", poursuit-il.
La priorité pour les autorités chinoises n'est pas tant la croissance économique que le contrôle politique
C'est dans cet esprit que Pékin a entrepris, par exemple, de remettre au pas certains grands groupes privés, notamment du secteur des nouvelles technologies. Les groupes Ali Baba et Tencent ont fait les frais de cette volonté de lutter contre les pratiques monopolistiques et les flux financiers qui font peser un risque sur le système financier.
Début 2021, le patron d'Ali Baba, Jack Ma, a même disparu plusieurs semaines après avoir critiqué le gouvernement. En réaction, celui-ci a interdit in extremis l'introduction en Bourse de la filiale de paiements en ligne d'Ali Baba, Ant Group, qui aurait dû être la plus grande de tous les temps, à plus de 34 milliards de dollars. Un rappel à l'ordre destiné aux autres géants de la tech, qui risquent de concurrencer l'Etat grâce aux milliards de données accumulées sur leurs utilisateurs.
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L'immobilier, qui a plusieurs fois été la locomotive de la croissance chinoise, paie aussi le prix de ce frein à l'endettement émis par Pékin. Pour mettre fin à la spéculation, des lignes rouges ont été édictées pour empêcher les banques de prêter aux promoteurs surendettés. De quoi conduire certains groupes à la faillite, d'autres comme Evergrande, vacillent et font trembler les marchés du monde entier.
Le Parti d'abord
"La priorité pour les autorités chinoises n'est pas tant la croissance économique que le contrôle politique et si la croissance doit ralentir quelque peu, si cela permet de préserver in fine l'autorité, la légitimité du Parti, alors le coût est acceptable", indique Antoine Bondaz. "On a eu tendance à normaliser le système politique chinois en oubliant la primauté du Parti communiste. Or, depuis quelques années, cette primauté revient. Il y a le retour de l'idéologie. Pékin entretient des valeurs socialistes fondamentales pour créer un écosystème de valeurs, toujours pour promouvoir le Parti", souligne-t-il.
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C'est dans ce contexte que la Chine accueillera cette année les athlètes du monde entier, dans une ambiance très différente de celle des Jeux olympiques d'été qui s'étaient tenus à Pékin en 2008. A l'époque, la Chine venait d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce et un vent de libéralisation soufflait sur un société en mutation.
Juliette Galeazzi