"Vive l'armée", "Vous êtes des héros", lançaient les manifestants favorables au putsch militaire, certains adressant des messages hostiles à la France. A grands coups de klaxons, de sifflets et de vuvuzelas, les manifestants se sont massés sur la place de la Nation, au coeur de la capitale burkinabè, pour célébrer les nouveaux hommes forts du pays.
Une "libération"
Des posters du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, leader des putschistes, étaient même vendus sur place. "Nous avions demandé à plusieurs occasions le départ du président Kaboré qui n'a pas entendu cet appel. L'armée nous a entendu et compris", se réjouissait Lassane Ouedraogo, un manifestant de 43 ans et militant de la société civile.
"Pour nous ce n'est pas un coup d'Etat. C'est une libération de notre pays qui était dirigé par des incompétents", renchérit Julienne Traoré, une enseignante de 30 ans.
Coup de force
Lundi après-midi, une quinzaine de militaires étaient apparus à la télévision nationale pour annoncer "mettre fin au pouvoir" de Roch Marc Christian Kaboré, président depuis 2015. Ce coup de force est venu clore trois jours de manifestations anti-Kaboré et de mutineries dans plusieurs casernes du pays.
Le pouvoir est désormais entre les mains du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) et son homme fort, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, commandant de la 3e région militaire qui couvre notamment la zone Est, une des plus touchées par les attaques djihadistes.
Frontières partiellement rouvertes
Le MPSR, qui a instauré un couvre-feu de 21h00 à 05h00, dissous l'Assemblée et suspendu la Constitution, a promis "un délai raisonnable" pour un "calendrier de retour à un ordre constitutionnel accepté de tous".
La junte a annoncé mardi à midi la réouverture des frontières aériennes, fermées depuis minuit. Les frontières terrestres rouvrent uniquement pour les véhicules "humanitaires", ceux "transportant des denrées de première nécessité" ainsi que "les équipements destinés aux forces de défense et de sécurité".
Lundi soir, des centaines d'habitants de Ouagadougou étaient déjà descendus dans les rues de la capitale pour célébrer la prise de pouvoir des militaires. Mardi, on s'interrogeait toujours sur le sort du désormais ex-président Kaboré, dont l'ONU et la France ont réclamé mardi la "libération immédiate".
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Sans effusion de sang
Le MPSR assure de son côté, sans le nommer, que "les opérations se sont déroulées sans effusion de sang et sans aucune violence physique sur les personnes arrêtées qui sont détenues dans un lieu sûr dans le respect de leur dignité", sans donner de noms.
Au pouvoir depuis 2015, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte antidjihadiste sa priorité, était de plus en plus contesté par une population excédée par les violences djihadistes et son impuissance à y faire face.
afp/jpr
Coup d'Etat condamné par la communauté internationale
Le coup d'Etat militaire qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso était largement condamné par la communauté internationale mardi, les Etats ouest-africains annonçant la tenue d'un sommet extraordinaire "dans les prochains jours".
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a jugé que "les coups d'Etat militaires étaient inacceptables", réclamant aux militaires en Afrique de l'Ouest de "défendre leur pays, pas d'attaquer leurs gouvernements".
La Communauté économique des Etats ouest-africains (Cédéao) a elle "fermement" condamné "le coup d'Etat militaire", estimant que la démission de Roch Marc Christian Kaboré avait été "obtenue sous la menace, l'intimidation et la pression des militaires après deux jours de mutinerie".
Le président français Emmanuel Macron a lui aussi "condamné" ce "coup d'Etat militaire". "On m'a dit qu'il n'était pas menacé dans son intégrité physique", a ajouté Emmanuel Macron, au sujet de Roch Kaboré, dont on ignorait toujours mardi où il se trouvait.
L'organisation régionale G5 Sahel qui lutte contre le terrorisme (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) a également condamné "énergiquement cette tentative d'interruption de l'ordre constitutionnel" au Burkina Faso.