Valérie Niquet: "La Chine espérait faire des JO une grande fête à la gloire de sa puissance et de son dirigeant"
"Peu de pays ont suivi le mouvement lancé par les Etats-Unis. Quoiqu'il y a encore des points d'interrogation pour le Japon, le Danemark... Beaucoup utiliseront évidement le prétexte du Covid-19", explique Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, mercredi dans La Matinale.
Avant d'ajouter: "Même s'il n'y a pas un boycott diplomatique et que la Chine peut se réjouir que tout le monde ne suivent pas les Etats-Unis, les délégations des grandes diplomaties seront d'un niveau limité. Il n'y aura pas de ministres des Affaires étrangères, de présidents... La France, par exemple, sera représentée par la ministre des Sports."
Pour l'auteure du livre "La Chine en 100 questions", ce boycott diplomatique est "très ennuyeux" pour Pékin, "puisque la Chine de Xi Jinping espérait faire de ces JO d'hiver une grande fête à la gloire de sa puissance et de son dirigeant".
"Stratégie contre-productive"
L'image de la Chine, notamment depuis l'arrivée au pouvoir Xi Jinping, s'est "considérablement dégradée" dans l'ensemble des grandes démocraties, selon Valérie Niquet: "Plus de 70% de leurs habitants, selon des sondages, ont une image très négative de la puissance chinoise. C'est l'effet d'une stratégie assez agressive et offensive qui s'avère contre-productive en termes de perceptions de la Chine comme une opportunité positive."
Le 20 janvier dernier, l'Assemblée nationale française a adopté une résolution dénonçant le "génocide" des Ouïghours par la Chine et demandant au gouvernement d'en faire de même. "Les choses vont de plus en plus loin, estime la sinologue. C'est assez exceptionnel qu'un parlement, et plus encore le parlement français, adopte une telle résolution, même si elle n'a pas de conséquences immédiates."
"Déception" sur l'ouverture de la Chine
Le 8 août 2008, à la cérémonie d'ouverture des JO d'été de Pékin, le président des Etats-Unis George W. Bush ou encore le président français Nicolas Sarkozy étaient présents en tribunes.
Qu'est-ce qui a changé en quatorze ans? "Il y a eu une grande déception, observe la spécialiste de la Chine. Beaucoup pensaient que les JO de 2008 inauguraient une période d'ouverture de la Chine de plus en plus importante vers le monde extérieur. Avec l'arrivée de Xi Jinping, Pékin a fait, au contraire, le choix de la fermeture."
Et de compléter: "Les dirigeants chinois ont très peur de voir leur pays évolué dans le sens de l'URSS avec un effondrement. Pour eux, c'est la principale menace qui pèse sur le Parti communiste. Ils ont donc choisi de reprendre fermement le contrôle à tous les niveaux."
La Chine espérait que les JO de 2022 soient la réédition de ceux de 2008 "avec une image triomphante" du pays. "Et après le Covid-19 et les JO de Tokyo sans public, la Chine espérait que les JO d'hiver soient la marque de triomphe de Pékin sur le virus et le retour à la normale. On voit que ce n'est pas le cas, puisque l'épidémie n'est pas terminée et que même le pays, en dépit de sa politique 'zéro Covid', fait face à des confinements répétés", souligne Valérie Niquet.
Propos recueillis par David Berger/vajo
La participation diplomatique de la Suisse en question
La Suisse officielle doit-elle participer aux JO de Pékin? Le Conseil fédéral décidera, selon toute vraisemblance mercredi, s'il y participera.
Officiellement, le gouvernement a l'intention d'y envoyer un conseiller fédéral ou une conseillère fédérale, mais le Covid-19 pourrait le forcer à renoncer.
La crainte du Conseil fédéral est d'envoyer l'un de ses membres qui serait contraint de rester sur place à l'isolement après un test positif. Gênant pour un membre du gouvernement.
Autre contrainte liée au Covid-19: si un membre du gouvernement se rend en Chine, les rencontres pourraient être rares. Le président de la Confédération Ignazio Cassis et la ministre des Sports Viola Amherd n'étaient déjà pas très motivés à faire le déplacement, selon le Tages Anzeiger.
Pour le Conseil fédéral, il n'est pas question de boycotter les JO. Mais la situation sanitaire pourrait lui permettre d'éviter les critiques. Une situation d'autant plus délicate qu'il y a à peine deux mois, Ignazio Cassis - qui n'était pas encore président - s'était envolé pour la Chine, mais avait dû faire demi-tour suite à une avarie de l'avion du Conseil fédéral.
>> Relire : Le voyage d'Ignazio Cassis en Chine annulé après un atterrissage forcé
Les Chinois se mettent gentiment aux sports de glisse
Trois cent millions de Chinois sur les pistes en 2022, tel était l'objectif annoncé par Pékin en 2015 lors de l'attribution des XXIVe JO d'hiver.
Sous l’impulsion de Xi Jinping, ils sont officiellement plus de 340 millions à avoir "goûté aux joies du tourisme hivernal" cette année, selon les médias officiels.
Dans les faits, ils sont loin de tous pratiquer ce sport de glisse qui reste balbutiant dans le pays. Véritable phénomène de mode parmi les classes aisées, beaucoup tente de tirer parti du potentiel économique.