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Edith Bruck, l'une des dernières survivantes de la Shoah, "a appris l'amour à Auschwitz"

L'invité de La Matinale (vidéo) - René de Ceccatty, écrivain
L'invité de La Matinale (vidéo) - René de Ceccatty, écrivain / La Matinale / 9 min. / le 27 janvier 2022
Edith Bruck est l'une des dernières voix, l'un des derniers grands témoins de la Shoah. Dans "Le pain perdu", traduit en français par René de Ceccatty, l'écrivaine italienne d'origine hongroise conte et raconte la déportation, puis la libération, qui est aussi un enfermement.

"Le pain perdu" doit son titre à la scène originelle, pour la jeune adolescente, de l'arrestation de sa famille dans leur village de Tiszabercel, en Hongrie, près de la frontière ukrainienne: sa mère prépare le pain, ce jour funeste de 1944, quand les gendarmes raflent les juifs.

Elle a 13 ans lorsqu'elle est emmenée par les gendarmes hongrois avec ses parents et ses cinq frères et soeurs. Ses parents et un frère ne reviendront pas des camps. Avec une soeur, elle est transférée d'Auschwitz à Bergen-Belsen, puis libérée par les Alliés en 1945.

L'amour au milieu de l'horreur

Edith Bruck dit: "Auschwitz fut mon université". "Cela peut paraître choquant, mais Edith Bruck y a beaucoup plus appris l'amour que la haine. Certes la haine et l'humiliation y étaient majoritaires, mais il y a eu des lumières dans sa vie", relate René de Ceccatty jeudi dans La Matinale.

Et d'ajouter: "La première fut le soldat qui l'a orientée du côté du camp de travail en la séparant de sa mère qui est directement allée au four crématoire. Edith Bruck s'est débattue pour rester avec sa mère qui l'a repoussée, car elle avait compris que ce soldat était en train de sauver la vie de sa fille."

Le premier livre d'Edith Bruck s'appelle "Qui t'aime ainsi". "Qu'un récit de déportation porte le mot 'amour' est fondamental et c'est ce qui singularise Edith Bruck parmi d'autres déportés, estime René de Ceccatty. Elle n'a pas appris la haine, la vengeance ou la rancœur. Mais elle a appris l'amour. C'est ce qui donne la force à ses livres."

L'italien, une "langue dépourvue de haine"

Edith Bruck raconte aussi sa longue pérégrination, la marche de la mort, le retour impossible dans son village natal, l'exil fracassé en République tchèque et en Israël. Jusqu'à l'Italie. A Rome, elle rencontre Nelo Risi, poète et cinéaste, frère du réalisateur Dino. Ils ne se quitteront plus jusqu'à la mort de Nelo en 2015.

"Elle dit souvent: 'Ecrire est mon oxygène'. Elle a rapidement choisi l'italien qui était dépourvu de haine, raconte René de Ceccatty. Le problème, c'est que le hongrois était pour elle la langue de l'insulte raciale. Et elle n'arrivait pas à se détacher des cris qu'elle avait entendus, même avant la déportation."

Propos recueillis par David Berger/vajo avec l'afp

"Le pain perdu", Editions du sous-sol, 176 pages

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Un livre salué par la critique et les lecteurs

Edith Bruck a publié une trentaine d'ouvrages en six décennies d'écriture, mais "Le pain perdu", publié aux Editions du sous-sol, lui a valu, à 90 ans, une aussi soudaine que tardive notoriété en Italie.

Le livre a remporté le prix Strega Giovani, équivalent du Goncourt des lycéens, le prix Viareggio, et s'est écoulé à quelque 100'000 exemplaires.

Le pape François, après l'avoir lue, a souhaité la rencontrer et lui a rendu visite en février 2021.

Edith Bruck a rencontré le pape François. [ANADOLU AGENCY VIA AFP - RICCARDO DE LUCA]
Edith Bruck a rencontré le pape François. [ANADOLU AGENCY VIA AFP - RICCARDO DE LUCA]

Campagne de sensibilisation déployée à Genève

Jeudi, à l'occasion de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, les associations dénoncent la banalisation des symboles liés à cette période de l'histoire. A Genève, par exemple, un écran a été disposé au cœur de la ville pour interpeller les passants.

"Pour moi, la banalisation est une forme de négationnisme à bas bruit. Petit à petit, l'importance historique s'efface et on ne prend plus l'étoile jaune pour ce qu'elle a été. Effacer la Shoah de l'histoire, c'est le plus grand danger", explique le président de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) Laurent Selvi, jeudi dans le 12h45.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la CICAD constate une forte hausse des actes antisémites. Des symboles comme l'étoile jaune ou encore la porte d'Auschwitz ont été détournés en gré de l'actualité.

>> Lire aussi : Le parallèle entre les mesures anti-Covid et la Shoah interpelle et inquiète

Cette année, les autorités cantonales ont voulu participer à cette campagne. "La Shoah n'est ni d'un seul lieu, ni d'un seul temps, souligne la conseillère d'Etat genevoise Anne Emery-Torracinta. (...) Il faut rappeler les mécanismes qui ont permis des horreurs qui pourraient malheureusement se reproduire aujourd'hui."

>> Le reportage du 12h45 :

Le 27 janvier, journée en mémoire des victimes de l'holocauste, une campagne de sensibilisation est déployée en Suisse romande
Le 27 janvier, journée en mémoire des victimes de l'holocauste, une campagne de sensibilisation est déployée en Suisse romande / 12h45 / 1 min. / le 27 janvier 2022