En Italie, le président sortant Sergio Mattarella réélu, une surprise pour sortir du chaos
Plébiscité, Sergio Mattarella a recueilli 759 voix sur 1009 sénateurs, députés et responsables régionaux appelés à voter. Les élus présents dans l'hémicycle de la Chambre des députés où se tenait le dépouillement ont longuement applaudi les résultats.
Agé de 80 ans, le président Mattarella avait dit à plusieurs reprises qu'il ne comptait pas continuer dans ses fonctions mais dans la journée - la tradition politique italienne exclut en effet que le président ne brigue un second mandat (voir encadré) - il a fait connaître aux chefs de groupes parlementaires sa volonté de se mettre "à disposition".
Un tel scénario assure la stabilité au sommet de l'Etat en maintenant Mario Draghi, un moment donné favori, à la tête du gouvernement, dans un pays en phase de reprise économique.
"Félicitations, cher Sergio, pour ta réélection", a twitté le président français Emmanuel Macron. "Je sais pouvoir compter sur ton engagement pour que vive l'amitié entre nos pays, ainsi que cette Europe unie, forte et prospère que nous sommes en train de bâtir".
Mario Draghi a salué dans un communiqué une "merveilleuse nouvelle pour les Italiens".
Après les échecs successifs du collège des grands électeurs à lui trouver cette semaine un successeur, faute de consensus lors des sept premiers tours de l'élection, cette réélection apparaît comme un soulagement en Italie pour une classe politique qui est apparue plus divisée que jamais depuis le début du scrutin.
Selon une source de l'agence Reuters, c'est Mario Draghi qui aurait lui-même exhorté samedi Sergio Mattarella à céder aux suppliques de la classe politique italienne, "pour le bien du pays".
"Recherche d'un nom dans le chaos"
L'actuel président du Conseil italien et ancien dirigeant de la Banque centrale européenne ambitionnait pourtant de faire son entrée au Quirinal. Il était donné comme principal favori, mais sa candidature aurait risqué de faire exploser la coalition gouvernementale.
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"Les Italiens ne méritent pas que cette confusion se prolonge plusieurs jours encore", a également considéré plus tôt Matteo Salvini, chef de la Lega, appelant les grands électeurs à apporter leurs suffrages à Sergio Mattarella.
Et pour cause, la confusion était totale: samedi, le quotidien Corriere della Sera titrait "A la recherche d'un nom dans ce chaos", tandis que le journal catholique L'Avvenire déplorait en Une qu'il y ait plus de "veto que de votes".
Mario Draghi "trop important" au gouvernement
Longtemps considéré comme le favori, l'actuel chef du gouvernement Mario Draghi a vu ses chances diminuer au fil des jours. De nombreux et nombreuses parlementaires refusaient de voter en sa faveur, craignant que son départ du gouvernement ne déstabilise l'exécutif au point de provoquer des élections anticipées avant la fin de la législature prévue en 2023.
Son départ fragiliserait aussi la reprise de la troisième économie de la zone euro et la mise en oeuvre de réformes imposées par l'Union européenne pour bénéficier des dizaines de milliards d'euros du plan européen de relance, dont l'Italie est la première bénéficiaire.
Pas de consensus à droite
À partir du cinquième tour, les partis de droite et d'extrême-droite (la Lega, Forza Italia et Fratelli d'Italia) avaient mis en avant la candidature de l'actuelle présidente du Sénat Elisabetta Casellati, une fidèle de l'ancien chef de gouvernement Silvio Berlusconi. La gauche et les populistes du Mouvement 5 Etoiles (M5S) avaient opté pour l'abstention.
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Mais cette catholique de 75 ans, qui se démarque notamment par sa posture anti-avortement, n'avait finalement obtenu que 382 voix sur les 453 qu'elle aurait dû théoriquement obtenir dans son propre camp. Un échec sans appel.
"Grand sacrifice"
C'est dans ce contexte que la candidature du président sortant Sergio Mattarella, un juge sicilien de 80 ans, était désespérément souhaitée.
"Demandons à Mattarella de rester, pour continuer avec la même équipe, avec Draghi" à la tête du gouvernement, avait appelé samedi Matteo Salvini. Le milliardaire Silvio Berlusconi, dont la candidature au Quirinal avait échoué prématurément, a également annoncé que son parti, Forza Italia, serait prêt à voter pour le sortant.
"Nous savons que nous lui demandons un grand sacrifice, mais nous savons aussi que nous pouvons le lui demander dans l'intérêt du pays", a commenté Silvio Berlusconi. Sergio Mattarella a déjà effectué un mandat particulièrement tumultueux, entre crises politiques et coronavirus, qu'il a su gérer avec diplomatie, un rôle apprécié par l'ensemble des partis italiens.
Poste protocolaire
Le président de la République italienne, élu pour sept ans, n'a pour l'essentiel qu'un rôle honorifique et protocolaire. Mais il peut avoir une influence décisive sur la désignation du président du Conseil, et il a le pouvoir de dissoudre le Parlement. Il peut également refuser le mandat de gouverner à des coalitions qu'il juge trop fragiles.
Il a donc un rôle important en cas de crise politique dans un pays dont le paysage politique est très morcelé.
jop avec agences
Un seul précédent
Le président de la République italienne est élu au suffrage indirect pour un mandat de sept ans, par un collège composé de 630 députés et députées, 315 sénateurs et sénatrices, cinq sénateurs à vie ainsi que de 58 déléguées et délégués régionaux.
Si la Constitution n'interdit pas formellement une réélection, la pratique veut que les président ne sollicitent pas de second mandat. Ainsi, un seul cas fait exception à cette règle tacite, celui de Giorgio Napolitano, qui a accepté en 2013 d'être reconduit dans ses fonctions. Il s'agissait alors déjà de mettre un terme une crise politique, après l'élection d'un Parlement sans majorité.
Giorgio Napolitano avait cependant prévenu qu'il n'assumerait pas ce second mandat jusqu'à son terme, et il a ainsi démissionne en 2015. Il occupe aujourd'hui un siège de sénateur à vie.
Traditionnel casse-tête politique
Le résultat des présidentielles italiennes, sans candidats officiels et à bulletins secrets, est traditionnellement difficile à anticiper. A ce jour, le record de l'élection la plus longue est détenu par Giovanni Leone, élu en 1971 au 23ème tour de scrutin.