Des premiers heurts en 1968 à la signature de l'accord de paix du Vendredi Saint, le 10 avril 1998, l'Irlande du Nord a été déchirée par trois décennies de conflits opposant républicains en majorité catholiques, partisans de la réunification de l'Irlande, et unionistes protestants, défenseurs du maintien de la province dans la Couronne britannique.
Trois décennies de "Troubles"
Les incidents commencent le 5 octobre 1968 lorsqu'une manifestation pacifique de catholiques en faveur des droits civiques est brutalement réprimée par la police à Londonderry, seule ville à majorité catholique de la province britannique.
Cette journée préfigure trois décennies de "Troubles". Tout bascule en quelques mois. Des rassemblements et des marches de catholiques dégénèrent en affrontements avec la police et les protestants. En août 1969, les violences embrasent Londonderry et Belfast. L'armée britannique est déployée dans les rues.
L'année 1970 voit l'émergence de l'IRA "provisoire", née des cendres de l'ancienne Armée républicaine irlandaise, dont la guérilla avait mené en 1921 à la partition de l'île en une république indépendante au sud et une province du Royaume-Uni au nord.
Alors que l'organisation clandestine lance ses actions sanglantes, des milices d'extrémistes protestants se forment.
13 civils tués
Le dimanche 30 janvier 1972, des parachutistes britanniques tirent sur une manifestation pacifique contre les discriminations à l'encontre de la minorité catholique d'Irlande du Nord à Londonderry. Le bilan de la fusillade est de 13 civils tués, dont six âgés de 17 ans. Tous abattus par balles, la plupart dans le dos. On relève également seize blessés, plusieurs gravement atteints.
Cette journée appelée par la suite "Bloody Sunday" a été immortalisée par la célèbre chanson d'U2.
Pour les habitants, il ne fait aucun doute que les parachutistes ont "perdu la tête" et tiré sans discrimination sur tout ce qui bougeait.
De son côté, l'armée britannique affirme que les parachutistes ont répondu aux tirs des "terroristes" de l'IRA, version confortée par un rapport réalisé à la hâte dans les semaines suivantes. L'IRA, qui verra les adhésions affluer, se défend d'avoir provoqué le "massacre" et annonce des représailles.
Représailles de l'IRA
Trois jours après ce "Bloody Sunday", l'ambassade britannique à Dublin est réduite en cendres par une foule en rage.
Le 24 mars, le gouvernement britannique suspend les institutions de la province et y impose son administration directe.
En 1974, l'IRA étend ses attaques meurtrières à la Grande-Bretagne. Des attentats dans des pubs de Guilford, Woolwich et Birmingham font une trentaine de morts.
Le 27 août 1979, l'organisation frappe pour la première fois la famille royale: Lord Mountbatten, cousin de la reine Elizabeth II et dernier vice-roi des Indes, est tué par une bombe placée sur son bateau de pêche dans le nord-ouest de l'Irlande. Le même jour, 18 soldats britanniques sont tués en Ulster.
Grève de la faim
En 1981, le militant républicain Bobby Sands, imité par neuf de ses compagnons détenus à la prison de Maze près de Belfast, entame une grève de la faim pour réclamer le statut de prisonniers politiques. La Première ministre Margaret Thatcher reste inflexible. La mort des dix grévistes de la faim marque un tournant.
Les nationalistes irlandais connaissent un regain de popularité. En 1982, le Sinn Fein, branche politique de l'IRA, remporte ses premiers sièges au Parlement d'Irlande du Nord. L'année suivante, Gerry Adams est élu à la tête du parti.
A l'automne 1984, l'IRA cible le sommet du pouvoir britannique. Une bombe visant Margaret Thatcher tue cinq personnes au Grand Hotel de Brighton (sud), où se tient le congrès du Parti conservateur.
Après une première tentative lors de la Conférence de Sunningdale en 1973, Margaret Thatcher reprend le flambeau des discussions en 1985. Mais l'accord posant le principe d'un droit de regard de Dublin sur les affaires intérieures d'Ulster est rejeté par les deux camps.
Nouvelles négociations avec John Major
En 1992 et 1993, deux spectaculaires attentats de l'IRA font quatre morts et causent des centaines de millions de livres de dégâts dans la City.
Les négociations prennent un nouvel élan avec le successeur de la Dame de fer, John Major, qui invite tous les partis, y compris le Sinn Fein, à la table des négociations. L'IRA décide d'un cessez-le-feu en 1994, mais les discussions achoppent sur la question du désarmement des groupes paramilitaires.
En février 1996, l'IRA reprend ses actions meurtrières avant de rétablir une trêve en juillet 1997, peu après l'arrivée au pouvoir du travailliste Tony Blair.
Accord de paix en 1998
Le 10 avril 1998, après de longues tractations, Londres, Dublin et les dirigeants loyalistes et séparatistes nord-irlandais signent à Belfast un accord de paix soutenu par l'IRA. L'accord du Vendredi Saint instaure un partage du pouvoir entre élus catholiques et protestants au sein d'institutions semi-autonomes.
Quatre mois plus tard, l'explosion d'une voiture piégée tue 29 personnes dans une petite rue commerçante d'Omagh, en Irlande du Nord. Cet attentat d'un groupuscule dissident de l'IRA est le plus meurtrier de l'histoire du conflit. Le carnage cimentera les accords de paix.
Au total, les "Troubles" ont tué plus de 3500 personnes en 30 ans.
agences/lan
Des excuses solennelles en 2010 et pas de poursuite
La version de l'armée a finalement été contredite dans un rapport d'enquête publié en 2010.
Le rapport établit, après douze ans d'investigations, que les parachutistes britanniques ont tiré les premiers. Les victimes quant à elles n'étaient pas armées et n'étaient pas des poseurs de bombes de l'IRA.
Lors d'excuses solennelles aux familles, le Premier ministre de l'époque David Cameron a qualifié l'action de l'armée comme "injustifiable".
Aucun soldat britannique n'a été jugé pour le Bloody Sunday. Les poursuites pour meurtres engagées contre l'un d'eux ont été abandonnées pour des questions juridiques et le gouvernement britannique a présenté un projet de loi pour mettre un terme à toutes les poursuites liées aux "Troubles", dénoncé de toute part comme une "amnistie".