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Pékin, de 2008 à 2022, à nouveau des Jeux, mais un contexte qui s'est durci

Samuel Kamau Wansiru du Kenya mène le peloton du marathon alors que les concurrents passent devant un portrait géant du président Mao sur la place Tiananmen, lors de l'épreuve du marathon masculin, le dernier jour des Jeux olympiques 2008 de Pékin, en Chine, le 24 août 2008. [EPA/KEYSTONE - Ahmad Yusni]
Jeux olympiques de Pékin: un contexte très différent entre 2008 et 2022 / Tout un monde / 6 min. / le 31 janvier 2022
La flamme olympique illuminera une nouvelle fois le ciel de Pékin vendredi. La capitale chinoise deviendra alors la première ville de l'histoire à avoir accueilli tant les Jeux d'été que les Jeux d'hiver. Mais après le succès triomphal des JO de 2008, le pays semble avoir changé de visage...

"Un monde, un rêve": le slogan des Jeux olympiques de 2008 symbolisait l'ouverture de la Chine vers le monde. A cette époque, même si l'octroi des JO à Pékin avait suscité l'indignation des militants des droits humains, les pays démocratiques accordaient encore le bénéfice du doute à Pékin.

En 2022, cette Chine pleine de promesses paraît lointaine. La pandémie mais aussi les événements à l'étranger ont redistribué les cartes. Pour les journalistes, pour les sportifs, pour les autorités chinoises et même pour le peuple chinois, le contexte n'est plus tout à fait le même.

Une liberté d'expression critiquée

En 2008, le gouvernement chinois avait levé de nombreuses restrictions pour les journalistes étrangers. Ainsi, les correspondants et envoyés spéciaux avaient l'autorisation de se déplacer librement à travers le pays, à l'exception du Tibet. Les autorités avaient même annoncé que des manifestations pendant l'événement seraient tolérées, sous conditions strictes. Dans les faits, ces espaces d'expression étaient finalement restés lettre morte, faute de permis délivrés.

La menace de savoir que les athlètes risquent d’être punis ou jugés en Chine en cas de prise de parole ou de signe de protestation devrait suffire à dissuader les plus téméraires

Heather Dichter, historienne du sport à l’université De Montfort, au Royaume-Uni

Sur le papier, ces libertés existent encore pour les médias, mais la volonté de "bien faire" de 2008 tranche avec la réalité de 2022. Ainsi, Pékin a récemment menacé les athlètes de représailles s'ils s'aventuraient sur le terrain de la protestation, quelle qu'elle soit.

Cette prise de position est inédite dans l'histoire des Jeux olympiques, souligne lundi dans Tout un monde Heather Dichter, historienne sport à l'Université de Montfort, au Royaume-Uni. "Le fait que la Chine fasse ce genre de déclaration choc à l'égard des athlètes les soumet à une pression supplémentaire. La menace de savoir qu'ils risquent d'être punis ou jugés en Chine en cas de prise de parole ou de signe de protestation devrait suffire à dissuader les plus téméraires", analyse l'historienne.

>> Ecouter aussi l'analyse de Michael Peuker dans Médialogues sur la pratique du journalisme en Chine au temps du Covid :

Michael Peuker, correspondant rts Chine. [RTS - 19h30 / 1 min. / le 3 décembre 2020]RTS - 19h30 / 1 min. / le 3 décembre 2020
Le COVID complique le journalisme en Chine / Médialogues / 21 min. / le 26 janvier 2022

Un boycott diplomatique

En 2008, une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président américain George W.Bush, avaient fait le déplacement pour les Jeux.

Quatorze ans plus tard, les choses ont bien changé. Les Etats-Unis et plusieurs de leurs alliés, comme l'Australie, la Grande-Bretagne, le Canada ou le Japon, ont décidé de boycotter l'événement, notamment à cause de la répression des Ouïghours au Xinjiang.

>> Lire aussi : La Chine exhorte les Etats-Unis à "cesser de perturber" les Jeux de Pékin

Dans une déclaration commune, près de 250 ONG ont également récemment demandé aux athlètes et aux entreprises de ne pas légitimer les abus perpétrés par les autorités chinoises en se rendant aux Jeux.

>> Lire aussi : Les gouvernements appelés à boycotter les JO de Pékin par 250 ONG

En Suisse aussi, certaines voix se sont élevées pour appeler à un boycott. Le Conseil fédéral a finalement annoncé qu'il ne se rendrait pas à Pékin en raison de la situation sanitaire toujours tendue. De plus, les restrictions sanitaires appliquées en Chine empêcheraient des rencontres bilatérales substantielles ou de réels contacts avec les athlètes suisses, a précisé le gouvernement.

>> Lire aussi : Le Conseil fédéral n'ira pas aux Jeux olympiques d'hiver de Pékin

"Acceptez la Chine comme elle est"

Pour Yang Dali, expert de la politique chinoise à l'Université de Chicago, l'impact de ce désaveu reste toutefois modéré pour le régime. "Le boycott est très limité, étant donné qu'il n'implique pas les athlètes, mais seulement les hauts dignitaires étrangers. De toute façon, les attentes du public chinois sont très faibles et ils ne feront donc pas attention. Et une fois la cérémonie d'ouverture passée, toute l'attention sera focalisée sur les compétitions."

L'impact du boycott est très limité étant donné qu'il n’implique pas les athlètes, mais seulement les hauts dignitaires étrangers

Yang Dali, expert de la politique chinoise à l’université de Chicago

Par ailleurs, contrairement à l'année 2008, la Chine ne ressent plus le besoin d'afficher des millions de sourires pour faire plaisir au monde entier, observe Xu Guoqi, professeur à l'Université de Hong Kong. "Avec le slogan officiel de ces Jeux, 'Ensemble pour un destin commun', les Chinois vous disent  'soyons unis'. Pour le Parti, cela veut dire 'rejoignez-nous, acceptez la Chine comme elle est. On ne vous doit rien, c'est à vous de vous adapter', analyse le spécialiste.

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Une nouvelle stratégie de propagande

Enfin, contrairement à 2008, la Chine ne cherche plus à séduire un public international mais vise plutôt ses 1,4 milliard d'habitants. "Le président Xi Jinping répète aux Chinois que la Chine a atteint les objectifs fixés pour le centenaire de la fondation du Parti communiste. Le Parti déclare avoir tiré le pays au rang de nation modérément aisé, en éliminant au passage la pauvreté extrême", analyse Xu Guoqi.

Par ailleurs, organiser un tel évènement sans accroc contribuerait à démontrer au monde l'efficience de la Chine, y compris en temps de pandémie. Une pandémie qui représente paradoxalement une chance pour le régime. En effet, la tenue des événements dans une bulle hermétique, sans public étranger, confère au Parti communiste un contrôle quasi-total de ces Jeux, un véritable instrument de propagande interne.

Le président Xi Jinping répète aux Chinois que la Chine a atteint les objectifs fixés pour le centenaire de la fondation du Parti communiste

Xu Guoqi, professeur à l’Université de Hong Kong

Mais cela à condition que la pandémie reste sous contrôle à l'extérieur de la bulle. L'apparition de nombreux petits foyers à travers le pays inquiète le pouvoir, qui a fait de sa gestion zéro Covid le symbole de sa supériorité. Une flambée d'infections à l'échelle nationale serait un échec cuisant pour Pékin.

>> Ecouter aussi le Forum des médias sur les enjeux politiques des JO de Pékin :

Forum des médias - Jeux Olympiques de Pékin: un enjeu politique d'abord?
Forum des médias - Jeux Olympiques de Pékin: un enjeu politique d'abord? / Forum / 19 min. / le 30 janvier 2022

Sujet radio: Michael Peuker

Adaptation web: Hélène Krähenbühl

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