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Gilbert Casasus: "L'Allemagne a une volonté d'apaisement avec la Russie"

L'Allemagne envisage de desserrer les cordons de la bourse pour la croissance économique. [Keystone/epa - Rainer Jensen]
L'ambiguïté de l'Allemagne dans la crise ukrainienne / Tout un monde / 13 min. / le 1 février 2022
Accusée d'ambiguïté dans la crise ukrainienne, l'Allemagne se montre solidaire avec les alliés occidentaux tout en ménageant la Russie, son grand fournisseur de gaz. "Il y a plusieurs zones grises dans la politique étrangère allemande", estime le politologue Gilbert Casasus.

Quelle est la place de l'Allemagne dans le monde? La question se pose, alors que Berlin semble traîner des pieds dans la crise russo-ukrainienne, refusant de livrer des armes à l'Ukraine ou appelant à la prudence dans les sanctions qui pourraient être décidées contre Moscou en cas d'invasion.

Selon Gilbert Casasus, professeur d'études européennes à l'Université de Fribourg, le manque de position claire sur la crise ukrainienne peut s'expliquer par une certaine "compréhension russe" au sein du gouvernement actuel.

"Le chancelier Olaf Scholz est membre du Parti social-démocrate (SPD). Il y a une volonté d'apaisement vis-à-vis de la Russie au sein de cette formation politique, cela remonte à plusieurs années", indique le politologue mardi dans l'émission Tout un monde.

Menaces sur Nord Stream 2

L'approche du SPD bouscule l'équilibre de la coalition au pouvoir. "Il y a une contradiction au sein du gouvernement, sachant que la ministre des Affaires étrangères, la Verte Annalena Baerbock, insiste beaucoup plus sur les questions des droits humains. La question de Nord Stream 2 se pose aussi et donc celle de l'alimentation énergétique de l'Allemagne", explique Gilbert Casasus.

L'Allemagne devrait avoir le courage de s'interroger sur l'influence des lobbys russes

Gilbert Casasus, politologue spécialiste de l'Allemagne

Parmi l'arsenal de sanctions évoquées contre Moscou en cas d'invasion de l'Ukraine, le Royaume-Uni comme les Etats-Unis envisagent de cibler le gazoduc stratégique Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne. L'annulation de sa mise en service pourrait être un coup dur pour Berlin.

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Plus de 55% des importations allemandes de gaz viennent en effet de Russie, un chiffre en hausse de 15 points depuis 2012, selon le dernier rapport "Statistic Review of World Energy".

Influence des lobbys

Gilbert Casasus rappelle que l'Allemagne et la Russie ont plusieurs intérêts communs. "Le lobby russe est présent en Allemagne, tout comme le lobby allemand est présent en Russie. Il faudrait un jour que Berlin ait le courage de s'interroger sur l'influence de ces lobbys. Selon moi, l'Allemagne fait preuve d'une certaine naïveté, une naïveté dangereuse, et elle devrait montrer son engagement du côté européen", estime le spécialiste.

Si l'Allemagne décide de renforcer l'idée de souveraineté européenne, elle devra quitter "un certain nombre de dogmes" et "s'éloigner d'une vision parfois pro-russe, notamment par rapport à Poutine".

Le professeur à l'Université de Fribourg ajoute enfin que la politique internationale de l'Allemagne pourrait prendre un nouveau virage. "Les Allemands se veulent toujours plus vertueux. Je pense qu'ils vont beaucoup mettre en avant les questions liées aux droits humains et au climat."

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Guillaume Martinez

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Mauvaise élève de la croissance en Europe

Alors que le rôle de l'Allemagne sur la scène internationale suscite des interrogations, le pays souffre sur le plan économique. L'an dernier, l'Allemagne a connu une hausse décevante de 2,7% de son PIB, notamment en raison de la pandémie de coronavirus.

Berlin fait cette fois-ci moins bien que beaucoup de ses voisins, alors que la croissance moyenne dans l'UE est de 5,2% en 2021, avec des envolées à 6,5% en France ou 6,2% en Italie.

"Le libéralisme tel qu'on l'a connu a montré ses limites durant cette crise sanitaire. Cela a aussi joué un rôle en Allemagne", indique Gilbert Casasus, rappelant que le pays se trouve à un moment charnière concernant la transition énergétique.

Le politologue prédit toutefois que l'Allemagne va relever la tête. "C'est une économie forte. Les Allemands sont très liés à l'économie. Je suis persuadé que l'Allemagne ne cédera pas son rôle de moteur de l'Union européenne."