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Les talibans sont toujours en quête de reconnaissance internationale

Des disparitions de militantes afghanes inquiètent la communauté internationale. [Keystone/EPA]
La quête de reconnaissance du régime des talibans / Tout un monde / 4 min. / le 7 février 2022
Aucun pays n'a encore reconnu officiellement le régime des talibans, depuis leur prise de pouvoir en août dernier en Afghanistan. Et alors que la famine menace plus de la moitié de la population du pays, les organisations humanitaires sont très inquiètes.

Si le "ministre des Affaires étrangères" du régime a rencontré des diplomates occidentaux autour d'une table à Oslo en janvier dernier, le régime taliban actuel est encore plus isolé que le précédent, estime Jean-Pierre Perrin, journaliste et spécialiste de l'Afghanistan, lundi dans Tout un monde.

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Et cet expert d'ajouter: "Les talibans n'ont pas élargi leur gouvernement comme ils l'avaient promis en incluant des femmes, des technocrates ou encore des représentants des minorités. Ils n'ont même pas été reconnus par leur plus fidèle allié, le Pakistan."

L'alliance avec Al-Qaïda pose également problème à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis. La situation semble donc bloquée, alors que la famine menace toutes les provinces. Depuis octobre, près d'un million de personnes ont pris le chemin de l'exode en direction du Pakistan et de l'Iran.

Un besoin de 5 milliards d'aide

L'aide internationale représentait 75% du budget afghan avant la prise de pouvoir par les talibans. Mais depuis l'imposition de sanctions internationales, les organisations humanitaires peinent à transférer de l'argent à l'intérieur du pays. A cette difficulté s'ajoute le blocage par les Etats-Unis de près de 10 milliards de dollars d'actifs de la Banque centrale afghane.

Pour Emma O'Leary, responsable de la politique d'aide au Conseil norvégien pour les réfugiés, la situation ne fait qu'empirer. "Les Nations unies estiment que l'Afghanistan a besoin de près de 5 milliards de dollars d'aide humanitaire pour l'année qui vient, c'est énorme. Mais même si nous avons de l'argent à disposition, nous sommes dans l'impossibilité de le transférer à l'intérieur des frontières afghanes à cause de ces blocages et sanctions", a-t-elle expliqué dans Tout un monde.

Les gens sont poussés parfois à prendre des mesures extrêmes pour nourrir et subvenir aux besoins de leurs familles

Emma O Leary, responsable de la politique d'aide au conseil norvégien pour les réfugiés

Dans ces conditions, il devient dès lors difficile d'aider les personnes dans le besoin. "Les dettes s'accumulent, les mariages forcés se multiplient, les gens sont poussés parfois à prendre des mesures extrêmes pour nourrir et subvenir aux besoins de leurs familles", poursuit Emma O'Leary.

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L'allégement des mesures ne suffit pas

Les Etats-Unis et d'autres gouvernements ont certes allégé certaines mesures ou donné quelques dispenses humanitaires, mais cela n'est pas suffisant. Emma O'Leary aimerait que les banques internationales puissent transférer des fonds sans être inquiétées.

"Nous demandons aussi aux gouvernement occidentaux que la banque centrale soit soutenue dans le redémarrage de ses opérations et surtout qu'ils s'assurent que des billets soient à nouveau mis en circulation, à disposition des Afghans et des ONG. Ce n'est pas seulement l'aide humanitaire qui souffre de cette situation, mais toute l'économie afghane."

Un manque de garanties

S'il y a eu quelques gestes de bonne volonté, notamment de la part du Conseil de sécurité de l'ONU, les puissances occidentales ne veulent pas s'engager tant qu'il n'y a pas de garanties concernant les droits humains et les droits des femmes. Les manifestations sont réprimées, des militantes féministes ont été arrêtées, alors que d'autres activistes sont toujours portées disparues. Et si quelque étudiantes ont pu reprendre le chemin de l'université début février, elle étaient séparées des élèves masculins.

Le régime met du vernis pour cacher la répression anti-féminine. Mais, sur le fond, l'idéologie des talibans reste la même qu'en 1996

Jean Pierre Perrin, spécialiste de l'Afghanistan

Ainsi, le pouvoir à Kaboul balance toujours entre répression et pragmatisme. "Le régime met du vernis pour cacher la répression anti-féminine. Mais, sur le fond, l'idéologie des talibans reste la même qu'en 1996", explique Jean-Pierre Perrin, pour qui la révolution féminine n'a pas encore totalement commencé.

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Sujet radio: Francesca Argiroffo

Adaptation web: Hélène Krähenbühl

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