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Une délégation de talibans afghans en visite à Genève

Une délégation de talibans afghans en visite à Genève: l’interview d'Alain Délétroz (vidéo)
Une délégation de talibans afghans en visite à Genève: l’interview d'Alain Délétroz (vidéo) / Forum / 6 min. / le 8 février 2022
Une délégation de talibans est arrivée dimanche à Genève et y restera pour quelques jours. L'information a été confirmée à la RTS par le DFAE, via la Mission suisse auprès des Nations unies à Genève. Les discussions porteront notamment sur l'accès humanitaire et le respect des droits humains.

Selon certaines sources, ces représentants talibans seraient au nombre d'une dizaine. Ils seraient emmenés par un haut dirigeant du mouvement et haut responsable du ministère afghan de la Défense, ont précisé des journalistes afghans. Il se sont déplacés à l'invitation de l'Appel de Genève, une ONG qui cherche à renforcer l'application du droit international humanitaire par les groupes armés non étatiques.

La mission suisse auprès des Nations unies à Genève indique de son côté que les membres de la délégation afghane sont présents à Genève afin de tenir des discussions autour de l’accès humanitaire aux populations dans le besoin, la protection des acteurs humanitaires et le respect des droits humains.

Ils évoqueront également la protection des enfants durant les conflits et la gestion des terrains contaminés par les mines.

Pas une visite officielle

Le Département fédéral des affaires étrangères précise de son côté que toutes ces discussions se déroulent "dans un cadre confidentiel". Le CICR a lui confirmé à la RTS qu’il compte "poursuivre son dialogue avec l’émirat islamique d’Afghanistan", à savoir les talibans, cette semaine à Genève et "espère des discussions constructives".

Mais la présence en Suisse de cette délégation peut-elle être vue comme une reconnaissance des talibans par la Suisse? Le DFAE souligne qu'il n'en est rien, qu'il ne s'agit pas d'une visite officielle, mais de discussions organisées par la société civile. La diplomatie suisse ajoute en outre, et le choix des mots est important, qu'il "faut parler avec les autorités de facto d'Afghanistan".

Une rencontre est donc prévue cette semaine avec une délégation du DFAE, composée de représentants de la DDC, de la Division Paix et Droits de l'Homme et de la Division politique Asie et Pacifique.

Faire des efforts sur l'une ou l'autre thématique

Interrogé dans Forum, le directeur exécutif de l'Appel de Genève Alain Délétroz a expliqué que son ONG est en contact sur le terrain depuis plusieurs années avec les talibans sur des thématiques strictement humanitaires, notamment au sujet des mines anti-personnelles et dans le domaine de la santé et du système hospitalier. Et alors que jusqu'à 80% du personnel de santé afghan est constitué de femmes, cette thématique sera prioritaire dans les discussions à Genève.

Alain Delétroz ajoute que l'Appel de Genève travaille depuis de nombreuses années avec des groupes armés dans le monde et qu'il s'agit toujours d'essayer de les convaincre de faire des efforts sur l'une ou l'autre thématique. "Les personnes qui sont arrivées à Genève ont été déléguées par le pouvoir en place à Kaboul et nous espérons qu'elles auront les moyens, à leur retour, de mettre en place ce qu'il faudra pour assurer que les normes humanitaires soient respectées en Afghanistan."

Le directeur de l'ONG estime aussi que cette rencontre ne revient pas à reconnaître les talibans officiellement, car c'est là le rôle des Etats et non des ONG. "Parler avec des humanitaires ne les légitime pas, cela ne change rien à leur statut international. Ce qui peut les légitimer, c'est s'ils respectent les conventions internationales et le droit international humanitaire."

Un gouvernement reconnu par aucun Etat

Les talibans se sont rendus fin janvier pour la première fois en Europe pour des discussions avec plusieurs diplomaties occidentales à Oslo, en Norvège. Une visite considérée par les talibans eux-mêmes comme un pas supplémentaire vers une reconnaissance internationale.

Aucun Etat n'a encore reconnu le gouvernement instauré par le groupe islamiste depuis sa prise de pouvoir en août, à la faveur du retrait des troupes américaines. Actuellement, l'Afghanistan est toujours représenté à Genève par l'ambassadeur nommé par l'ancien gouvernement, Nasir Andisha. Libéral et opposé aux talibans, il a dénoncé à de nombreuses reprises les intégristes devant le Conseil des droits de l'homme. La même situation a été observée à New York.

Comme le rappelait mardi l'émission Tout un monde, l'aide internationale représentait déjà 75% du budget afghan avant la prise du pouvoir par les talibans. Aujourd'hui, cette aide est devenue très compliquée. Et cette question sera sans doute abordée dans les discussions de cette semaine, tout comme la situation critique des droits humains dans le pays, dénoncée quasi quotidiennement, justement depuis Genève. 

>> Réécouter le sujet de Tout un monde sur la quête de reconnaissance des talibans :

Des disparitions de militantes afghanes inquiètent la communauté internationale. [Keystone/EPA]Keystone/EPA
La quête de reconnaissance du régime des talibans / Tout un monde / 4 min. / le 7 février 2022

>> Lire aussi : Les talibans sont toujours en quête de reconnaissance internationale

Sujet radio: Benjamin Luis

Adaptation web: Frédéric Boillat

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