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Entre glorification et désinformation, la guerre en Ukraine est aussi communicationnelle

Exemple de communications autour de la guerre en Ukraine. [DR]
Exemple de communications autour de la guerre en Ukraine. - [DR]
La résistance de l'Ukraine face à l'invasion russe se joue aussi sur les réseaux sociaux. Volodymyr Zelensky présenté en héros face à un Vladimir Poutine en vilain ultime, glorification des actes de résistance: tout peut entrer dans le narratif de guerre, même si la vérité doit parfois être réarrangée.

Vladimir Poutine et le Kremlin ont choisi l'option la plus radicale: celle de nier la guerre. Pour eux, il n'est nullement question de l'invasion d'un territoire souverain, mais d'une opération militaire nécessaire pour assurer la défense de la Russie.

Moscou a même interdit à la population russe d'utiliser le mot "guerre" pour qualifier les événements. Deux médias russes indépendants, Dojd TV et la radio Ekho Moskvy, ont en fait les frais cette semaine. Leurs fréquences ont été coupées après avoir couvert la situation de manière critique, en utilisant notamment le mot "guerre" et en évoquant des morts. Un tel acte est désormais qualifié sur le territoire russe comme '"activité extrémiste et incitation à la violence".

Volodymyr contre Vladimir

Cette stratégie est néanmoins en train de se retourner contre le maître du Kremlin. En niant l'existence même de la guerre, le président russe laisse le champ libre à son homologue ukrainien, qui a ainsi l'occasion de dérouler son propre narratif. Volodymyr Zelensky ne s'en prive pas et mène une bataille communicationnelle particulièrement efficace, du moins auprès de la population occidentale.

Très présent sur le terrain médiatique, le président ukrainien Volodymyr Zelensky lutte pour sa survie et pour le soutien de l’Occident
Très présent sur le terrain médiatique, le président ukrainien Volodymyr Zelensky lutte pour sa survie et pour le soutien de l’Occident / 19h30 / 2 min. / le 5 mars 2022

Tout d'abord, Volodymyr Zelensky sait parfaitement mettre en scène son opposition avec Vladimir Poutine. Avec son passé d'humoriste, d'acteur et de producteur, le président ukrainien se place en antithèse parfaite de Vladimir Poutine.

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Le portrait de Volodymyr Zelensky

dans Le Point J :

Le Point J [EPA/UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS/Keystone]EPA/UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS/Keystone
Qui est vraiment Volodymyr Zelensky? / Le Point J / 12 min. / le 1 mars 2022

Le premier n'hésite pas à se filmer en t-shirt kaki dans les rues de Kiev, galvanisant ses troupes et en défiant directement la Russie, alors que le second se contente de rares apparitions télévisées, toujours habillé en costard, dégageant ainsi une impression de froideur et solitude, encore renforcée par la longueur des tables auxquelles il s'assoit.

Les treillis face aux costards

La délégation ukrainienne (à gauche) et la russe lors des pourparlers de paix organisés en Biélorussie. [BelTA Pool Photo via AP - Maxim Guchek]
La délégation ukrainienne (à gauche) et la russe lors des pourparlers de paix organisés en Biélorussie. [BelTA Pool Photo via AP - Maxim Guchek]

Cette image de Vladimir Poutine l'air froid et esseulé vient s'inscrire directement dans l'imaginaire collectif occidental du méchant. En se présentant de la sorte, le président russe devient une sorte de super-vilain tout droit sorti d'un James Bond de l'ère Sean Connery. Volodymyr Zelensky l'a bien compris, et en misant sur la simplicité de ses mises en scène, il se profile comme un homme ordinaire hissé en héros de la liberté.

Cette opposition entre froideur russe et courage ukrainien était également visible lors des pourparlers de paix en en Biélorussie, où les diplomates russes se sont retrouvés face à des Ukrainiens en survêtements militaires, dégageant de la sorte une impression de décontraction.

L'arme de l'humour

La guerre communicationnelle entre la Russie et l'Ukraine ne se limite pas aux représentations des deux présidents, mais elle englobe toute la narration du conflit. Cette bataille se déroulant essentiellement sur les réseaux sociaux, l'humour est une arme particulièrement efficace. Avant le début de l'invasion, le compte Twitter officiel de l'Ukraine n'hésitait pas à poster des mèmes - des images détournées - afin de tourner la Russie en dérision.

Depuis le lancement de l'offensive russe du 24 février, le compte a quelque peu changé de ton, mais l'humour reste présent dans nombre de publications ukrainiennes postées sur les réseaux sociaux. Une vidéo d'un Ukrainien longeant en sens contraire un convoi de tanks russes à court d'essence et leur proposant de les aider en "les ramenant en Russie" est ainsi rapidement devenue virale.

De nouvelles figures de guerre

L'intensité des combats a également favorisé l'émergence de figures de guerre. A l'instar de Volodymyr Zelensky, l'ancien boxeur Vitali Klitschko et désormais maire de Kiev incarne la résistance de sa ville assiégée. Il s'adresse tous les jours à ses concitoyens à travers un message de soutien ou d’information.

Depuis le lancement de l’offensive russe, l’ancien champion du monde poids lourds et son frère, également ex-boxeur professionnel, se sont emparés des réseaux sociaux pour attirer l’attention du monde sur la situation en Ukraine.

>> Voir le portait de Vitali Klitschko dans le 12h45 :

Vitali Klitschko, ancien boxeur et maire de Kiev, incarne la résistance de sa ville assiégée et devient héros à son tour
Vitali Klitschko, ancien boxeur et maire de Kiev, incarne la résistance de sa ville assiégée et devient héros à son tour / 12h45 / 2 min. / le 4 mars 2022

De la même façon, l'armée ukrainienne semble essayer de modeler sa légende pour soutenir le moral des troupes et de la population. Ainsi, les comptes officiels de l'administration ukrainienne n'hésitent pas à relayer l'histoire du "fantôme de Kiev", un pilote de MiG-29 qui aurait réussi à abattre six avions russes lors du premier jour de l'invasion. Une légende urbaine que rien ne vient pourtant confirmer.

Armes glorifiées

Depuis le début de la guerre, les forces armées ukrainiennes publient sur leurs réseaux sociaux des vidéos de frappes aériennes pulvérisant des tanks, des camions ou encore des systèmes de missiles russes. En légende, à chaque fois un nom: "Bayraktar TB2", soit celui du modèle de drone de combat turc produit par l'entreprise Baykar.

Selon les estimations, l'armée ukrainienne possédait entre 12 et 20 de ces modèles avant le début de l'offensive russe. On ignore depuis combien ont été détruits, mais ces appareils sont difficilement détectables et peuvent s'avérer redoutables sur ce terrain de guerre ukrainien, où la Russie n'a toujours pas la maîtrise totale du ciel.

>> Le reportage de La Matinale :

Un drone Bayraktar TB2 présenté ici à Kiev durant une répétition de la parade militaire du jour de l'indépendance, le 20 août 2021. [Keystone - Efrem Lukatsky]Keystone - Efrem Lukatsky
Bayraktar TB2, le drone turc qui devient légendaire dans la résistance ukrainienne / La Matinale / 1 min. / le 4 mars 2022

Pour Kiev, le Bayraktar TB2 a acquis une aura presque mythique. Sur Twitter ou Instagram, les montages et les mèmes se multiplient pour vanter son efficacité sans faille face à l'offensive russe. De la même manière, les autorités ukrainiennes et les internautes utilisent d'autres armes comme symboles de la résistance. C'est notamment le cas des missiles anti-tank Javelin, qu'on ose même comparer à un Saint.

Vérité réarrangée

L'émergence des figures de guerre et la glorification des actes de résistance va de paire avec quelques réarrangements de la vérité, afin que celle-ci colle au mieux à l'image du pays qui se défend avec bravoure et succès face à l'envhaisseur.

L'un des exemples les plus parlants est celui de l'attaque de l'île des Serpents en mer Noire au premier jour de l'offensive russe. Un enregistrement audio a immortalisé la réponse rapidement devenue culte de treize gardes-frontières aux sommations russes: "Allez vous faire foutre".

Le lendemain, Volodymyr Zelensky a salué le comportement des gardes-frontières qui, selon lui, "sont morts héroïquement" en défendant l'île jusqu'au bout. Il leur a ensuite décerné à titre posthune le titre de "Héros d'Ukraine". Cette nouvelle a ainsi fait le tour du web et du monde.

Toutefois, ces gardes-frontières sont toujours en vie et ont été faits prisonniers par l'armée russe. Une information que la Russie s'est fait un plaisir de partager, en dénonçant au passage une "propagande horrible" de Kiev qui avait prématurément "enterré ses morts".

Antoine Schaub avec ther

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