Alors que les Etats-Unis ont annoncé mardi un embargo sur les importations de pétrole en provenance de la Russie afin de "porter un nouveau coup puissant à Poutine", l'Union européenne (UE) cherche à s'extraire de sa dépendance.
Car si le pétrole russe ne représente que 8% des importations des Etats-Unis, qui n'importent pas de gaz en provenance de ce pays, l'Europe est quant à elle avide de ses hydrocarbures. Elle importe 45% de son gaz naturel depuis la Russie, ainsi que le quart de son pétrole. Et cette moyenne continentale cache d’énormes disparités. Treize des 27 Etats-membres de l’UE importent plus de la moitié de leur gaz de Russie.
Et certains pays sont ultra dépendants des gazoducs russes. Selon l'institut économique européen Bruegel, ces importations représentent même 100% de la consommation de gaz de plusieurs pays à l'est du continent, comme l’Estonie, la Lettonie ou encore la Bulgarie. Elles s'élèvent à 80% pour l’Autriche ou encore à 55% pour l’Allemagne. Si bien que de nombreux pays ne sont pas favorables à un embargo, dont l'intérêt serait de priver Moscou de revenus essentiels.
Autre chiffre impressionnant, l'UE et le Royaume-Uni versent chaque année à la Russie de Poutine quelque 148 milliards de dollars pour se fournir en hydrocarbures.
Mardi, le ministre britannique de l'Energie Kwasi Kwarteng a annoncé sur Twitter que son pays allait progressivement réduire ses importations de produits pétroliers russes, jusqu'à les supprimer complètement d'ici la fin de l'année.
Exclure la Russie des centrales européennes d'ici 2030
Une telle situation crée un état de faits dans lequel les importations d'énergie fossile en provenance de Russie sont "essentielles" pour la "vie quotidienne des citoyens" en Europe, affirmait lundi le chancelier allemand Olaf Scholz. D'après lui, inclure le secteur de l'énergie dans les sanctions infligées à la Russie déstabiliserait les marchés et aurait un trop fort impact sur les économies européennes, a-t-il estimé, rappelant que des alternatives "ne pouvaient pas se faire du jour au lendemain".
Cette dépendance, bâtie au fil des ans par des gouvernements peu soucieux de remettre leur approvisionnement énergétique entre les mains de régimes autoritaires, doit être drastiquement réduite, estime désormais la Commission européenne. Elle propose de baisser de deux tiers la demande en gaz russe en un an, et d'en finir pour de bon avec tout achat d'hydrocarbures russes d'ici 2030. Un délai extrêmement rapproché.
Des efforts à fournir
Selon Bruegel, les pays de l'UE pourraient trouver des solutions pour s'en passer, mais doivent s'attendre à "prendre des décisions difficiles et accepter qu'il n'y aura pas de solutions parfaites". À cette fin, la Commission fait une série de propositions pour diversifier les sources d’approvisionnement.
Elle propose notamment d'augmenter le recours au gaz liquéfié en signant des contrats avec les principaux pays producteurs, soit la Norvège, les Etats-Unis, le Qatar ou encore l'Algérie, d'accélérer le basculement vers les énergies renouvelables ou encore de promouvoir l'usage des pompes à chaleur chez les particuliers.
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L'exécutif européen va aussi déposer dès avril un projet de loi imposant aux Etats-membres de stocker chaque année, en octobre au plus tard, 90% de leurs besoins en énergie, contre 25% en moyenne, afin de réduire les incertitudes sur l'approvisionnement énergétique et "augmenter leur indépendance". Enfin, la Commission propose certaines économies d’énergies, comme le fait de baisser d’un degré le chauffage dans les bâtiments.
Propositions débattues par les 27
L'Europe a "des solutions pour devenir indépendante du gaz russe", a estimé pour sa part mardi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire, ajoutant souhaiter les "accélérer" pour être en mesure de "relever le défi de l'hiver 2022-2023". Il a également affirmé que les prix du gaz seraient "bloqués" jusqu'à fin 2022 pour les consommateurs en France.
Toutes ces propositions seront débattues par les dirigeants des 27, qui se réunissent jeudi et vendredi pour un sommet extraordinaire à Versailles, en France. Le vice-président de la Commission Frans Timmermans résume l'enjeu par ces mots: "Ce que nous proposons, c’est très dur. Mais je suis convaincu qu'on doit le faire, car on voit maintenant à quel point cet objectif est lié à notre sécurité".
Plus que jamais, l’indépendance et l’autonomie deviennent des priorités pour l'Union européenne. Dans tous les domaines.
Traitement radio: Alain Franco
Texte web: Pierrik Jordan
Pétrole et gaz russes interdits aux Etats-Unis
Le président américain Joe Biden a annoncé mardi que les Etats-Unis interdisaient les importations de pétrole et de gaz russes, une décision majeure dans le cadre des efforts des Occidentaux pour accentuer la pression internationale contre le président russe Vladimir Poutine.
Le président américain a assuré que sa décision allait "porter un nouveau coup puissant à Poutine" et au financement de sa guerre contre l'Ukraine.
Dans la foulée de l'annonce, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est dit dans un tweet "reconnaissant envers les Etats-Unis et envers le leadership" de Joe Biden pour ce "coup porté au coeur de la machine de guerre de Poutine". Il a également encouragé les autres pays et dirigeants à suivre l'exemple des Etats-Unis.
Une décision similaire a été prise par la Grande-Bretagne, qui a fait savoir qu'elle arrêterait ses importations de produits pétroliers russes d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, la major britannique Shell a annoncé qu'elle renonçait à acheter du pétrole russe.
>> Le suivi du jour : Les Etats-Unis et le Royaume-Uni annoncent la fin des importations de pétrole russe