Peut-on parler de situation de guerre à l'ouest de l'Ukraine? "On est à la limite", assure le Fribourgeois lundi dans l'émission Tout un monde. L'Europe et les Etats-Unis livrent des armes à Kiev et soutiennent donc une des parties au conflit, rappelle Yves Daccord.
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"Il ne manque, entre guillemets, plus que nos armées se confrontent aux forces russes, mais on en est très proche. Les Occidentaux ont été frappés par la guerre en Syrie, au Yémen, en Afghanistan, mais toujours avec des conséquences indirectes. Aujourd'hui, il y a un sentiment très réel que nous sommes dans une nouvelle phase, une phase grise très ressemblante à ce qu'on peut appeler la guerre", explique celui qui est désormais président de l'institut Edgelands, spécialisé dans la numérisation de la sécurité urbaine et ses conséquences sur la vie sociale.
Sur le terrain, le conflit se rapproche aussi de l'Europe. Une base militaire située tout près de la frontière avec la Pologne a été bombardée dimanche par l'armée russe, qui a affirmé y avoir éliminé des mercenaires étrangers et des armes étrangères. "Un jeu complexe est en cours. Le message est relativement clair. Jusqu'où peut-on donner des armes, soutenir l'Ukraine, sans être en guerre?", interroge Yves Daccord.
Menace nucléaire
Si les dirigeants des gouvernements européens sont souvent confrontés aux conflits armés, la réalité est toute autre pour la population. "En tant que société, on se prend ce décalage en pleine face. On a le sentiment que les guerres sont lointaines et qu'on n'allait plus en revivre. On n'imaginait pas que la guerre du 20e siècle revienne chez nous au 21e siècle. Car c'est cela qu'on voit aujourd'hui: les bombardements, les tanks, les gens qui se défendent avec un fusil."
D'après Yves Daccord, la menace nucléaire réveille aussi un trauma collectif. "On nous annonce en permanence que la guerre, désormais, sera électronique. Mais il y a un décalage avec la réalité. Pour la première fois, en Europe, nous voyons les conséquences extrêmement directes de la guerre. C'est pour ça qu'il y a un grand élan de solidarité et aussi une grande angoisse", relève l'ancienne figure du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
"Une Europe plus soudée"
La Suisse et le monde occidental seraient donc dans une logique de synchronisation. "On commence à vivre ce que la plupart des peuples sur la planète vivent. On en avait déjà fait l'expérience avec la crise du Covid et maintenant c'est une deuxième étape."
Yves Daccord ne voit pas que des effets négatifs à cette situation. "J'ai l'image d'une Europe plus soudée, avec un sentiment de sécurité renforcé. Les gens comprennent qu'être à plusieurs est la seule façon de résister aux grandes puissances. D'ailleurs, les Anglais ont l'impression d'être bien seuls dans cette crise depuis le Brexit..."
Les conséquences humanitaires de la guerre seront dramatiques, conclut le Fribourgeois. "Je pense que la Russie, le peuple russe, va aussi subir de plein fouet ce conflit."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Guillaume Martinez