Elu le 14 mai 2017 à la tête de la France, Emmanuel Macron était le plus jeune président jamais propulsé à ce poste. Son action a-t-elle convaincu les Français? Est-il parvenu à tenir ses engagements?
"Contrairement à ses prédécesseurs, il a réussi à mettre en oeuvre ses promesses de campagne dans les deux premières années de son mandat, mais au prix d'une extrême centralisation du pouvoir. C'est quelque chose de réellement nouveau", a estimé Joseph de Weck, historien suisse basé à Paris et auteur du livre "Macron, le président révolutionnaire".
Correspondant de la RTS à Paris, Alexandre Habay nuance: "Il y a aussi des grandes réformes emblématiques qui n'ont pas été menées à terme, notamment la réforme des retraites. Elle s'est cassée les dents sur la pandémie, mais avant, il y avait une contestation syndicale extrêmement forte. On peut se demander s'il aurait pu aller jusqu'au bout", relève-t-il. La loi climat, elle, a été un peu "vidée de sa substance" par rapport aux propositions de la convention citoyenne.
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Un président qui clive
L'un des grands paris d'Emmanuel Macron a été de faire exploser les grands partis traditionnels pour créer son mouvement "En marche". Pas plus Les républicains, à droite, que le Parti socialiste, à gauche, ne sont désormais ses principaux adversaires. "Ce dynamitage a été payant pour lui, car il a de très bonnes chances d'être réélu. Mais se pose la question de savoir ce qui se passera après Macron. Et là, pour 2027, tout est ouvert. Personne ne sait quel parti existera, qui seront les candidats. Il est possible que ce dynamitage devienne un problème en 2027, car il n'y aura plus rien au centre", anticipe Joseph de Weck.
La question de savoir ce qui se passera après Macron se pose. Pour 2027, tout est ouvert. Personne ne sait quel parti existera, qui seront les candidats. Il est possible que son dynamitage des partis traditionnels devienne un problème
Pourtant, malgré le succès de son mouvement, rarement un président dans l’exercice de ses fonctions n’a paru aussi malmené, critiqué sur les réseaux sociaux. On a même pu voir des manifestants porter des pancartes représentant sa tête sur une pique. Mais cette détestation est à relativiser, note le correspondant de la RTS à Paris, qui relève qu'Emmanuel Macron est tout de même moins impopulaire que ne l'étaient François Hollande et Nicolas Sarkozy.
"Il y a à la fois une détestation de droite et une détestation de gauche. Il est détesté pour des raisons complètement contradictoires par ces deux pôles. A droite, il va être présenté comme un président laxiste, qui n'est pas à la hauteur sur les sujets régaliens comme l'immigration et la sécurité. A gauche, au contraire, on va dire qu'il tend vers l'extrême droite avec sa loi sur la sécurité ou le séparatisme islamiste. C'est un président qui clive, qui divise profondément le pays", résume Alexandre Habay.
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Les électeurs de Macron, eux, s'accommodent bien de ce clivage. "Ils ne se soucient pas tellement de savoir s'il est de gauche ou de droite. Peut-être même qu'ils sont soulagés de ne pas devoir faire le choix de se classer à gauche ou à droite. A la limite, ils ne se soucient pas tellement qu'il ait un programme. Il a cette stature de président, ce côté rassurant. Plus que d'adhésion programmatique ou idéologique, il a une cote de confiance", constate Alexandre Habay.
Il a cette stature de président, ce côté rassurant. Plus qu'une adhésion programmatique ou idéologique, il a une cote de confiance
Ce côté insaisissable, très pragmatique et opportuniste, le rapproche d'Angela Merkel, la personnalité politique qui a eu le plus de succès en Europe ces dernières années, relève au passage Joseph de Weck.
La pandémie de Covid-19, une chance?
Pour plusieurs observateurs, cette stature lui a été en partie conférée par la crise sanitaire liée au Covid-19. "La pandémie a été une chance pour Macron. Les deux premières années, il a perdu en popularité. Il y avait cette image de Macron le président des riches, le président arrogant... Avec la pandémie, il a sorti une nouvelle phrase, le 'quoi qu'il en coûte'. Ca lui a permis de mettre à l'évier ses deux premières années et de s'adresser de nouveau aux Français en tant que père de la Nation", constate Joseph de Weck.
La pandémie a été une chance pour Macron (...). Il avait cette image de président des riches, de président arrogant... Avec la pandémie, il a sorti une nouvelle phrase, le "quoi qu'il en coûte", qui lui a permis de (...) s'adresser à nouveau aux Français en tant que père de la Nation
"Je l'entends souvent: c'est le président qui a été à la hauteur des crises", abonde Alexandre Habay. Beaucoup de gens sont assez satisfaits de son action, pensant qu'il ne faut pas forcément changer de capitaine en temps de tempête".
Emmanuel Macron et les réformes économiques
Pour l'économiste franco-suisse, professeur à l’école d’économie de Paris et directeur de l’Institut des politiques publiques Antoine Bozio, "il y a vraiment eu deux temps dans ce quinquennat: l'avant et l'après-Covid". Il considère qu'Emmanuel Macron a d'abord suivi assez fidèlement le programme qui avait été présenté, avec plusieurs mesures parfois très ambitieuses visant notamment à réduire les impôts pour les entreprises et les ménages, ou encore l'imposition des revenus du capital.
A partir du Covid, le discours a viré au "quoi qu'il en coûte", avec une intervention massive de l'action publique en termes de soutien des entreprises. Du côté des économistes, on tire un bilan "plutôt globalement positif sur la façon dont cette utilisation très rapide des moyens publics a permis de faire face à ce choc important", estime Antoine Bozio, qui cite deux indicateurs: un taux de chômage à 7,4%, niveau relativement bas pour la France, et un taux d'emploi à 67%, à son plus haut niveau historique.
Dans son analyse, il identifie des gagnants et des perdants. "Le choix a été de favoriser les personnes au travail. Les actifs ont gagné; les inactifs, les retraités, les chômeurs ont plutôt perdu. On a bien vu avec la crise des gilets jaunes", résume-t-il. Et quid du pouvoir d'achat? "Il a progressé, parce que l'emploi a progressé et qu'un certain nombre de mesures socio-fiscales ont fait baisser les prélèvements sur une grande partie de la population. Les plus aisés en ont bénéficié un peu plus, les plus pauvres un peu moins, tandis que les retraités n'ont pas bénéficié de ces mesures".
Le choix a été de favoriser les personnes au travail. Les actifs ont gagné; les inactifs, les retraités, les chômeurs ont plutôt perdu
La hausse actuelle des prix, en particulier de celui du carburant, risque toutefois de peser assez fortement à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron. Mais probablement pas au point de voir se reproduire des manifestations de grande ampleur. "Aujourd'hui, tout le monde se rend compte que ce n'est pas une décision fiscale du gouvernement qui alimente l'augmentation des prix de l'essence. On n'a pas eu les mêmes réactions que dans le passé", constate Antoine Bozio.
Vincent Cherpillod / Forum RTS
La France de retour sur la scène politique internationale?
Pour Emmanuel Macron, la politique internationale a beaucoup compté. "La France est de retour", avait-il ainsi lancé en janvier 2018 lors du Forum de Davos. Quatre ans plus tard, l'Hexagone occupe-t-il vraiment un rôle de premier plan?
"Sa vision est articulée autour d'un rôle central de l'Europe, qui doit affirmer sa souveraineté dans un monde où il y a d'une part la montée des populismes et des autoritarismes, d'autre part un certain désengagement américain. Et où la compétition devient plus vive, dans les crises, sur les plans technologique et industriel. Ses intuitions fortes ont été validées par les événements", a estimé l'ancien ambassadeur de France en Suisse et conseiller spécial à l’Institut Montaigne Michel Duclos au micro de Forum.
Macron, artisan de la nouvelle union sacrée de l'Europe?
"Il faut rappeler qu'en 2017, il avait fait du thème européen l'un des éléments marquants de sa campagne, ce qui était d'ailleurs assez audacieux, car la plupart des élections, en France ou ailleurs, ne se jouent absolument pas sur des questions de politique internationale", signale pour sa part la vice-présidente de l’Institut Jacques Delors Christine Verger. Une politique "osée, dans un pays qui a une relation assez ambiguë avec l'UE", renchérit l'historien Joseph de Weck.
Il avait fait du thème européen l'un des éléments marquants de sa campagne, ce qui était d'ailleurs assez audacieux
Pour Christine Verger, face à la brutalité des rapports internationaux que l'on connaît aujourd'hui et face à une certaine perte d'influence de l'Europe dans le monde, Emmanuel Macron a développé la vision d'une Europe plus unie et plus autonome. "Les concepts que nous voyons en oeuvre en ce moment de souveraineté européenne, d'autonomie stratégique ou de puissance sont des concepts qu'il a mis en avant dès 2017 et qui n'appartenaient pas au langage commun des Européens", avance-t-elle même. "Et on les voit maintenant appliqués par les Européens, dans la déclaration de Versailles".
Il y a 5 ans, le président russe Vladimir Poutine a été le premier chef d'Etat invité par Emmanuel Macron à Versailles, alors qu'il venait à peine d'être élu. Pourtant, c'est aujourd'hui Vladimir Poutine qui mène le bal. Le président français aurait-il surestimé l'influence qu'il allait pouvoir avoir sur l'homme fort du Kremlin? "Il a un peu minimisé ce qui, chez Poutine, est le résultat du formatage d'un ancien officier du KGB. Il se prête mal à l'usage de l'alchimie personnelle", suggère Michel Duclos.
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Il a un peu minimisé, chez Poutine, ce qui est le résultat du formatage d'un ancien officier du KGB. Poutine se prête mal à l'usage de l'alchimie personnelle