Quel que soit leur pays d’attache, les compagnies aériennes ne sont pas propriétaires de tous leurs appareils. Dans de nombreux cas, elles se contentent de les louer. La Russie ne fait pas exception à cette règle et plus de 50% de ses avions sont en location.
Basées la plupart du temps en Europe, les sociétés de leasing, propriétaires, ont jusqu'au 28 mars pour récupérer leurs avions. Un scénario délicat pour les compagnies, qui pourraient bien ne jamais revoir leurs appareils.
Vladimir Poutine a en effet signé une loi lundi autorisant ces avions à voler à l'intérieur du pays, en leur permettant de s'immatriculer en Russie. A terme, pour éviter d'avoir à rendre les appareils, le pays pourrait même les nationaliser. Cela lui permettrait de garder une flotte suffisante pour ses vols intérieurs.
Des problèmes pourraient toutefois survenir, car sans accès aux pièces détachées - soumises aux sanctions - , sans mise à jour logiciel, sans suivi, ces avions risquent de mal vieillir.
"Ces avions pourraient voler plusieurs années"
Invité de l'émission Tout un monde mercredi, John Strickland estime toutefois que ces appareils pourraient être capables de voler plusieurs mois ou plusieurs années. Ce consultant dans le transport aérien rappelle notamment le cas de l'Iran.
"Il est possible qu'on les fasse voler peut-être des mois ou des années. Si on prend le cas de l'Iran, qui avait aussi subi des sanctions, ils ont eu des flottes d'avions occidentaux maintenus pendant plusieurs années (...) les avions présents dans la flotte russe sont des avions relativement neufs, qui n'ont pas plus de quelques années (...) et si c'est nécessaire, il sera toujours possible de clouer au sol quelques appareils pour les cannibaliser pour les pièces détachées", explique-t-il.
Ces avions "volés" pourraient également à terme devenir moins sécurisés, estime l'expert: "C'est difficile à dire, mais logiquement, plus cela durera, plus cela deviendra risqué. Il n'y aura certainement pas la même veille pour voir si tous les efforts d'entretien sont maintenus comme prévu."
Un avenir compliqué pour "l'après-crise"
Mais si les sociétés de leasing ne pouvaient vraiment pas reprendre en mains leurs appareils, c'est surtout la confiance envers la Russie qui serait fortement entamée.
Ainsi, si l'on imagine que la guerre se termine et qu'un jour les relations entre l'Occident et la Russie se normalisent à nouveau, les compagnies seront-elles toujours prêtes à louer leurs avions? Rien n'est moins sûr.
"Les relations entre les compagnies aériennes russes et les loueurs vont prendre énormément de temps à se rétablir (...). Les loueurs sont cette fois conscients qu'à l'avenir ils devront être plus attentifs pour éviter d'être à nouveau dans ce type de situation", conclut John Strickland.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey